Je suis perplexe !

Bon ! J'ai lu les six premiers tomes du manga en cours, les seuls publiés jusqu'à présent, le septième sort en novembre, et je viens de me mater 26 épisodes de la série de 1988, ce qui correspond à la première partie. Je n'ai par la force des choses jamais lu le roman et je n'ai rien vu de la nouvelle adaptation en série animée qui a pile en ce moment une deuxième saison de 12 épisodes qui démarre.
Donc, je suis prévenu, il y a derrière une série culte de dix romans parus à partir de 1982 au Japon, mais jamais traduits sauf en anglais depuis quatre ans. Il y a surtout une série un peu plus connue à l'international qui a donc une dimension culte depuis sa sortie en 1988, avec un principe particulier, puisqu'il s'agit si j'ai bien compris d'une série d'OAV et donc une série essentiellement sortie pour la vente en cassettes vidéo à l'époque. Depuis cinq ans, tout est amorcé pour donner ses lettres de noblesse à cette oeuvre sous forme de série ou de manga, et prochainement en France sous forme de roman peut-on supposer. C'est un space opera, on le présente comme le Star Wars japonais, et comme plus intelligent que Star Wars.
Là, je vois les critiques, sans les avoir lues, il y a donc une dizaine de critiques appuyées sur une note de 10/10 et puis deux trublions qui mettent 1/10 et écrivent dans un style qui les discréditent.
Maintenant, il y a mon impression face aux six tomes du manga et face aux 26 premiers épisodes de la série, et en fait je ne peux pas passer sous silence mon malaise. Certes, j'avais parcouru le manga il y a quelques mois, j'ai lu les six tomes et là j'ai bien suivi les 26 épisodes, et je peux dire que c'est plus intelligent que Star Wars. J'aurais pu prendre un style et noter les phrases bien senties, qui sont même plus présentes dans la série que dans le manga (au passage, les phrases sur les étoiles ne sont pas les mêmes dans le manga et dans la série, je constate de gros écarts, de vraies divergences). Puis, la série sort le grand jeu : on a un générique d'ouverture pour les 26 premiers épisodes, que je n'aime pas en soi, mais qui est effectivement la grande composition pour les grandes fresques épiques à fond tragique émouvant. Les épisodes, on se régale de musique classique et de celle qui plaît à tout le monde, les symphonies tout particulièrement : Beethoven, Wagner, Dvorak, etc.
Mais, malgré tout, je ne suis pas pris. La musique classique me séduit, mais elle est parfois un peu plaquée, un peu facile et convenue, et comme elle s'étend parfois sur plusieurs séquences d'un épisode, on a parfois du Beethoven associé à une petite scène triviale entre personnages lors d'un combat. Je ne sens pas le travail d'artiste pour fondre la musique. L'animation ancienne ne me pose pas problème personnellement, loin de là, mais là je n'aime pas du tout l'animation de cette série, les mouvements des corps ne le font pas, les mouvements des vaisseaux n'en sont pas vraiment, etc. Les profils des personnages, tout ça, ce n'est pas top, ça ne séduit pas du tout. On a un défilé d'images hiératiques des corps, des positions solennelles creuses bien immobiles et placides. C'est quand même une production bon marché dont l'essentiel du budget a dû passer dans la musique classique d'accompagnement. J'ai juste été marqué à un moment donné par l'écran divisé en quatre pour quatre images différentes, il y avait un côté reportage et mélange technologique (dérisoire en 2019, mais pas encore en 1988), et la voix off qui allait avec ces images faisait un bon mix pour la narration m'a-t-il semblé. Pour le reste, je n'ai rien remarqué de transcendant. Peut-être l'image du gars qui libère une planète, se fait embrasser par les femmes, on a un arrêt sur image et une coloration pas sépia mais un truc dans le genre.
Tous ces 10/10, ils notent quoi, le roman ? Ou l'adaptation en animé ? L'autre truc que je garderais, c'est les expressions faciales, à part ça il n'y a rien de mémorable dans cette adaptation en série animée.
Passons à l'organisation du récit. Je ne connais pas le roman. Je ne sais pas s'il commence quand Reinhard est déjà amiral et raconte sa jeunesse par flashbacks, parti pris de la première série, mais aussi de la seconde puisque j'ai vu quelques images du premier épisode de l'actuelle nouvelle adaptation en série. Effectivement, on suit sur deux, trois épisodes une bataille où les choix tactiques ne sont déjà pas clairs en eux-mêmes et où on ne connaît personne. C'est jouable, mais ça manque d'accroche dans le cas présent. Le manga a joué la partie du tout chronologique, c'est peut-être la facilité paresseuse, et ça élimine le plan de projection thématique forte d'un premier épisode représentant d'emblée un combat avec les héros principaux en présence, mais le manga est autrement efficace que la série. Les premiers épisodes de la série sont indigestes. Il faut attendre le dixième, onzième ou douzième épisodes pour entrer dedans, un dixième de la série, 10 fois 20 minutes, 3h20 minutes qui n'assurent pas, tout cela en tête de l'oeuvre, en introduction...
Le manga on ne ressent aucun rien pour les personnages, peu d'émotions et un style trop shônen, mais c'est agréable et prenant. La série n'est pas autant shônen, on ressent un peu plus l'émotion, mais ce n'est pas fortiche quand même.
Passons aux combats. Dans le manga, on arrive à peu près à se représenter les combats. On a un commentaire des tactiques. Dans la série, soit on a aucune explication et on admire de la pose, soit on a des plans ridicules à l'écran dont on se demande comme on peut appeler ça du génie. Manga ou série, dans tous les cas, la tactique, ce n'est rien d'autre que de transposer l'histoire du dernier des trois Horaces contre les trois Curiaces, que de transposer des schémas de bataille navale où on encercle l'ennemi, l'isole, cherche à fragmenter ses forces.
A la fin du dix-neuvième siècle et au début du vingtième, il y a eu un amiral français, Castex, qui écrivait des livres sur la stratégie militaire, il a écrit un livre La Liaison des armes sur la mer. En gros, dans ce livre, il tourne en ridicule les théories militaires des dix-septième et dix-huitième siècles. Pendant deux siècles, les armées, française en premier lieu, mais très vite anglaise et néerlandaise incluses, auraient brimé les initiatives individuelles et favorisé l'exclusivité des batailles en ligne, avec un ordre impeccable, en imposant que les types d'armes se battent avec les types d'armes équivalents dans l'armée ennemie qui faisait face. Un croiseur avec un croiseur, un cuirassé avec un cuirassé, un petit bateau tape un petit bateau, un gros vaisseau affronte un gros vaisseau, etc. Castex analyse cette évolution par les textes officiels et il prétend montrer le début de cette évolution débile avec le cas néerlandais. Dans la marine néerlandaise, il y avait un génie du combat naval qui gagnait contre les français, contre les anglais. Un jour, il y avait donc un affrontement de deux flottes équivalentes, une néerlandaise et une française ou anglaise je ne sais plus. Il y a trois groupes néerlandais, et trois groupes équivalents en face. Mais l'amiral néerlandais a eu le génie de faire un groupe de bateaux plus petit qui a obligé un groupe ennemi à le suivre, sauf que le groupe plus petit s'est toujours éloigné et n'est jamais venu se battre, pendant ce temps, les deux groupes néerlandais ont affronté les deux groupes ennemis mais avec une supériorité numérique. Les néerlandais ont gagné, mais comme la bataille ne s'est pas déroulée en ligne, l'amiral néerlandais a été sanctionné, blâmé, etc. Puis donc pendant deux siècles les batailles navales européennes n'ont plus eu aucun intérêt jusqu'aux batailles napoléoniennes. La Révolution française a changé la donne, et au plan naval, ce sont les anglais et non les français qui ont les premiers compris qu'il fallait donc reprendre l'initiative et le mouvement, tenter des choses. A cela, Castex ajoute sa théorie personnelle qui peut sembler très grossière, mais les différentes armes doivent s'associer entre elles pour converger et détruire une cible précise dans l'armée ennemie.
Du coup, comme je connais ce livre de l'amiral Castex, quand je lis le manga, car la série pour les tactiques elle est nulle de chez nulle, complètement creuse, quand je lis le manga donc, ben je ne vois pas là l'expression d'un haut génie militaire. Je veux bien identifier Reinhard ou Yan Wen-Li à des équivalents de cet amiral néerlandais qui gagnait les batailles et se faisait blâmer, mais il n'y a pas eu que le dix-septième et le dix-huitième siècle dans l'histoire des batailles navales. Je trouve très sommaires les explications sur les encerclements, isolements, mouvements, fragmentation de l'ennemi en groupes plus petits, etc. D'ailleurs, le manga comme la série glissent très rapidement sur les détails de vitesse d'exécution, de visibilité des manoeuvres pour l'ennemi, etc. Bref, je ne le sans pas du tout le génie tactique au combat, mais pas du tout. Le génie stratégique lié au problème de ravitaillement, à partir du onzième ou douzième épisodes de la série, ça passe mieux, mais même si ça passe mieux et qu'on voit bien un truc intelligent et qu'on comprend, il n'en reste pas moins que tout le monde comprend que le plan est débile d'attaquer au milieu d'une colonie de planètes loin de ses bases. C'est grotesque de chez grotesque. Tout n'est pas mauvais, mais on admire le génie qui n'en est pas un, c'est juste que l'adversaire en face est d'une incompétence crasse.
L'intrigue politique, maintenant. Bon, on va passer sur le fait que l'humanité future prie Odin que le christianisme avait évacué dans les pays concernés. On va passer sur le fait que les gens ont pour l'essentiel des noms germaniques, avec quelques survivances de noms chinois, vietnamiens, italiens, français, portugais, à l'occasion. Les noms les plus répandus après les noms allemands, c'est les noms anglais, et on ne va pas s'attarder sur le fait qu'entre les deux univers qui s'affrontent, seul un a une diversité de noms chinois, anglais, etc. En gros, on a une transposition avec d'un côté un empire galactique image d'un empire prussien à relents nazis et de l'autre une démocratie américaine corrompue et impérialiste par en-dessous avec manipulation des politiciens au moyen de médias ou de groupuscules fascisants. Entre ces deux groupes, ce qui n'apparaît pas encore dans le manga, on a un dominion prétendu indépendant le Fezzan qui travaille pour ses intérêts propres, et on aura plus tard une organisation du culte de la Terre.
La série nous décrit des actions politiques crédibles en accompagnant cela d'un traitement satirique et pessimiste. Tout cela est bel et bon. Cela marche bien, c'est agréable, c'est sérieux, c'est intelligent. Mais, je ne peux m'empêcher de ressentir un certain malaise. Du côté de la démocratie, on a un étudiant en Histoire dont l'armée a financé les études, et qui pour ne pas rembourser doit travailler dans l'armée comme officier et comme c'est un génie du combat il devient rapidement un amiral en chef, et il est quelque peu lié à la politique, sauf qu'il n'intrigue jamais dans la politique, qu'il veut s'en tenir éloigné. J'ai du mal à admettre que les choses puissent aller ainsi et suivre une configuration si simple. Mais, mon vrai problème, c'est du côté de l'empire galactique. Le héros Reinhard von Musel fait partie de la noblesse désargentée, il devient l'ami d'un roturier Siegfried Kircheis, mais un jour alors qu'ils sont encore très jeunes à peine dix ans ou pas encore la grande soeur de Reinhard qui a quinze ans est emmenée pour devenir la concubine ou maîtresse ou favorite de l'empereur. De l'argent a été cyniquement donné au père qui a laissé faire et qui explique à son fils que de toute façon il ne pouvait d'office rien faire contre. Le fils entre dans l'armée pour parvenir au pouvoir et venir libérer sa soeur. Il entraîne avec lui son ami. Il réussit brillamment ses études et devient un amiral de génie qui va grimper les échelons. Grosse coïncidence, sa soeur est la favorite de l'empereur et lui est le chef suprême de l'armée, sans que les deux faits ne soient reliés l'un à l'autre, bien que la haute noblesse, jalouse, prétende que si. Reinhard n'intrigue même pas spécialement dans la politique, c'est essentiellement ses résultats militaires qui l'ont mis là. Je trouve ça un peu léger comme histoire d'ascension politique, surtout quand on prétend ce monde verrouillé par la haute noblesse. Il manque des justifications à l'ascension du héros, c'est trop simple. Par ailleurs, si son mérite militaire suffit à cette promotion, ce qu'on peut à la limite accepter, pourquoi la haute noblesse agit-elle avec autant de ressentiment ? C'est absurde. Une exception ne fait pas trembler tout un système. C'est un peu trop dans l'esprit shônen cette ascension et ce profil de conflit radicalisé. Pour moi, ce n'est pas crédible, ça ne fait pas jouer la complexité de l'humain, même des relations sociales. Après, il y a le cas Oberstein, qu'est-ce que c'est mal pensé ? Reinhard est le génie stratégie, mais Oberstein arrive, il conseille Reinhard pour la stratégie. Oberstein dit des choses qui doivent faire tiquer d'emblée Reinhard, Reinhard ne réagit pas. Oberstein prend une initiative gravissime dans le dos de Reinhard, Reinhard laisse faire, puis une nouvelle fois Oberstein prend une initiative gravissime, Reinhrad vient valider et reste sans méfiance. Puis, ce Reinhrad qui a une image de justicier devient soudainement, si pas un nazi, un Gengis Khan. Et face à lui, son ami, Siegfried, certes, il s'oppose aux dérives, mais il lui dit des phrases aussi pertinentes que celle-ci : "Promets-moi de conquérir l'univers !" Bonjour, les tabanards ! Moi, en tout cas, vous m'avez perdu. Je ne peux rien ressentir de favorable pour de telles personnes. En plus, les intrigues politiques, je ne les trouve pas pleinement vraisemblables. Je décroche très facilement.
Je n'ai pas parlé du profil des combats, de la technologie. Bon, déjà,le rapprochement avec Star Wars, faut oublier, plutôt avec Dune. En effet, déjà, il n'y a pas le bestiaire, on n'a que des humains qui s'affrontent entre eux. Oui, on a des sortes de lunes métalliques géantes pour faire écho à Star Wars, mais après on a quoi des combats de vaisseaux ça c'est propre à tout space opera, et Les Héros de la galaxie on n'a pas trop de combats au sol, ce qui ne correspond pas du tout à Star Wars. J'avoue que j'ai vraiment du mal avec un space opera où des milliers de vaisseaux affrontent des milliers de vaisseaux dans l'espace. On peut avoir des tas d'engins aériens ou spatiaux à proximité d'une planète en train de s'affronter, mais au milieu de l'espace ??? Dans l'espace, tu envoies des engins téléguidés, le minimum d'humains. Tu n'envoies pas à la mort des milliers de vaisseaux avec chacun un millier d'hommes dans leurs flancs pour les voir mourir comme des insectes d'un coup de rayon laser. Il y a un problème logique que je trouve dingue, beaucoup trop dingue. Un vaisseau dans l'espace, il prend un coup, on est loin de toute base, on est mort, le moindre coup reçu est fatal. Ce n'est pas un lieu pour faire la guerre en nombre. Je ne pige pas le concept. En plus, on a des armes surpuissantes, mais le récit se refuse à des brouillages radars novateurs, etc. Tout le côté technologie on ne l'a pas du coup. On a la puissance de tir, contentez-vous de ça. Ou alors, on a des armes qui envoient un rayon laser, mais c'est comme dans la série V où là les rayons allaient carrément au ralenti. Bref, on tire un coup de feu, mais le progrès c'est qu'il a une lumière laser, c'est à peine moins débile que les épées laser de Star Wars dont n'importe qui d'un peu conséquent sait que ça ne sert à rien face à des armes à feu du vingtième siècle. Enfin, bref !
Je vais arrêter là. Je ne déteste pas Les Héros de la galaxie, j'ai mis six étoiles, ce qui chez moi est une bonne note, mais en tout cas pour moi l'oeuvre n'est pas du tout aussi excellente qu'on le prétend. Elle est intéressante, elle a le mérite de correspondre à une demande, mais ce n'est pas du tout parfait en son genre, loin de là.