The birth of an alienation

Si vous pensez que Lovecraft est principalement une injure raciste et accessoirement l'auteur d'une version magie noire et moins subtile de Harry Potter, cette série devrait sans doute vous plaire. Et idem si vous avez trouvé le propos de Watchmen version HBO trop nuancé quant aux relations raciales dans la société américaine, ou n'allant pas assez loin dans l'empowerement des anciennes victimes.

Sinon vous la verrez probablement comme la pire trahison en date de ce qui fait l'esprit de l'horreur lovecraftienne (à part évidemment son très légendaire racisme, omniprésent dans un sens et surtout dans l'autre).

L'insignifiance de l'humanité face à des entités bien plus puissantes et anciennes, jouant à leurs propres jeux avec leurs propres règles ? L'idée qu'on ne peut pas se confronter à elles sans approcher la folie, y laisser sa capacité à vivre en société ? Que la magie qui découle d'elles ne peut être utilisée sans devenir leur pion ? Que ce pouvoir ne peut que corrompre ?

Toutes ces thématiques sont complètement éliminées au profit d'une histoire de société secrète de magiciens et d'un "chosen one" aidé par un groupe d'amis jouant aux apprentis sorciers, sans autre conséquence que de les voir triompher en tout points après un nombre incroyable de Deus ex Machina. Et idem la lente progression vers l'horreur des récits lovecraftiens au profit d'irruptions soudaines de monstres en version grand guignol.

Le tout dans un cadre plein de références historiques à l'histoire du racisme américain en mode name dropping (le Green Book, Emmet Till, Tulsa et j'en passe...) qui ne semblent n'être là que pour rappeler à chaque épisode que ses héros Noirs sont totalement et irrémédiablement "bons*" car les Blancs** sont totalement et irrémédiablement mauvais (* ceci et être Noirs étant grosso modo leurs seuls traits de caractère, si pour faire du remplissage ils trouvent quelques raisons de se diviser par moments, sur des sujets annexes relevant également du genre de questions identitaires obsédant les social justiciers américains, tel un fils prenant mal que son père se révèle gay). ** Y compris visiblement, dans l'esprit des scénaristes, le seul personnage ne donnant aucun signe de racisme de la série, qui s'avère la "grande méchante" finale. Laquelle finit exécutée de manière particulièrement cruelle alors qu'elle n'est plus un danger, et que dans les épisodes précédents elle avait à maintes reprises offert son aide aux héros, et même la possibilité de régler pacifiquement leur différend. Ce qui n’empêche pas son meurtre d'être traité comme un moment que les spectateurs se devraient de célébrer : elle est blonde.

( ** J'allais écrire "les Blancs qu'ils affrontent" mais le message final de la série va encore au delà, révélant que la destinée du groupe, totalement soutenue par celui ci, était de priver toute la "race" blanche de la capacité d'utiliser la magie. Magie pourtant décrite (dans une trahison de plus du Mythe de Cthulhu au profit de délires bibliques créationnistes) comme découlant d'Adam et théoriquement destinée donc à toute la race humaine. Qu'il convienne d'en exclure les Blancs, c'est ça le message final de cette 'œuvre', sans doute la plus profondément raciste jamais produite par Hollywood depuis The Birth of a Nation première version, ou par là. )

Restent pour ceux qui supporteraient tout cela une réalisation décente, et quelques interprétations à peu près passables, des effets spéciaux pas totalement ratés et quelques images fortes (enfin du niveau déjà vu des dizaines de fois dans des films d'horreur, genre jouer sur l'esthétique de personnages couverts de sang, rien de révolutionnaire, mais c'est pas mal tourné), d'où mon généreux 4 plutôt que le 1 que le scénario ou le message de cette série mériteraient.