Mad Men
7.7
Mad Men

Série AMC (2007)

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Saison 1:


Un poil déçu? Dans le sens où je m'attendais à un gros coup de cœur, un truc d'une évidence éclatante, comme Six Feet Under. Allez savoir pourquoi on se fait des films, comme ça... je le sentais et puis non.


Attention, c'est tout de même une très belle saison, pleine de qualité supérieure, impressionnante, inspirante et dotée d'un casting royal.


Seulement, j'ai eu beaucoup de peine à entrer dans l'histoire. Il m'a bien fallu trois ou quatre épisodes. Longtemps je me suis demandé pourquoi cette série faisait l'unanimité. Dans une certaine mesure, je me le demande encore. C'est très bon, mais les personnages et les thématiques abordées ne sont pas non plus d'une originalité révolutionnaire : ambition, famille, individualisme, infidélité, passé, rapports homme/femme, rien que de très banal au fond.


Mais d'encore plus au fond vient l'évidente vérité : je suis une truffe. Pauvre connard, je voudrais voir un classique, une révolution, et face à cette désillusion, je fais la fine bouche et chouine. Comme si les classiques ne racontaient pas la faiblesse humaine, le courage, l'avidité, le pognon, le cul, l'amour etc. Comme s'ils réinventaient sans cesse de nouveaux thèmes! "Rien que de très banal"... pfff, rien que de très humain, et pis c'est tout. Va pas chercher plus loin. A partir de ce retour au réel, j'ai pu en profiter pleinement.


Seulement, pendant les deux ou trois premiers épisodes, je ne savais pas du tout où l'on voulait nous emmener et j'étais bien trop attentif à l'excès de démonstrations que les scénaristes mettaient à illustrer le gouffre civilisationnel qui sépare les années 60 et les nôtres. Ce n'est qu'après que très progressivement, les personnages investissent réellement l'histoire. Du moins à mes yeux, ça s'est éclairé un peu lentement. Ils prennent une place de plus en plus imposante, charriant leur lot de secrets, de mensonges, dévoilant leurs désirs, leur bêtise, leur force de caractère ou bien leurs faiblesses coupables.


Et petit à petit, chacun dessine une personnalité à part entière, ni trop mauvaise, ni trop bonne. La complexité morale que révèle chaque personnage est une bénédiction pour les téléspectateurs. C'est là qu'on comprend mieux le succès de la série : son écriture méticuleuse, non manichéenne délivre un monde complexe. Le travail d'écriture derrière se fait sentir et on aime ça.


Bien sûr, le phénomène d'empathie avec les personnages joue son rôle, comme de bien entendu avec le format sériel. Mais là encore, ce n'est pas donné à toutes les productions. Il faut en dehors du travail d'écriture, que les acteurs proposent un jeu fouillé. Et là, mazette, y a du bon. Je crois bien que je n'en connaissais pas beaucoup. Si, John Slattery que j'avais aperçu dans Desperate Housewives et Elisabeth Moss dans The west wings. Mais pour la plupart ce sont des découvertes, et que de plaisir à voir évoluer Vincent Kartheiser et January Jones qui m'ont le plus impressionné. Mais même Jon Hamm qui n'est pas toujours exceptionnel, il se tape un rôle ultra compliqué et s'en tire plutôt bien. Une flopée de petits seconds rôles sont vraiment très intéressants. Celle que j'avais vu dans Drive, Christina Hendricks s'avère ne pas être qu'une belle et curieuse plante sexy, elle joue avec beaucoup de sûreté un rôle lui aussi plutôt complexe.


Au delà de l'histoire, c'est bien le travail d'écriture, les scenarii pas cons et surtout le jeu des acteurs. Partant pour la saison 2?


Saison 2:
Je crois que je comprends mieux l'engouement pour cette série. La première saison m'avait plu, mais je m'interrogeais plus ou moins fortement sur les intentions des auteurs. Et quelque fois lors de cette saison 2, je me suis demandé ce qui pouvait bien se passer dans la tête des personnages. Or, ce qui m'avait un poil troublé, voire qui avait stoppé mon enthousiasme lors de la saison 1, cette incompréhension, au contraire au cœur de cette saison 2, a été le moteur principal de mon attention.


Une fois que j'acceptai le préalable de ne pas savoir ce qui motive réellement Don Draper (Jon Hamm), si Betty Draper (January Jones) est vraiment une Desperate Housewive, ce que Peggy Olson (Elisabeth Moss) cache profondément, entre autres exemples de mystères personnels, alors seulement la série prenait des atours fort séduisants.


Bien évidemment, le phénomène empathique propre au format sériel joue à plein sa fonction addictive, mais ce qui assure l'emprise de la série, ce sont plus sûrement encore, j'insiste, l'écriture très fine et la narration attentive à préserver un rythme naturel dans le développement des intrigues. En effet, on est très loin de ces évolutions rapides, illustrées par des dialogues ou des évènements qui posent clairement et bruyamment les caractéristiques des personnages dans le tout venant de la production télé.


Ici, les personnages, dans un souci de réalisme prononcé, sont décrits avec soin. Les scénaristes prennent le temps de les dévoiler, laissant au spectateur la possibilité de s'y attacher peut-être avec plus de force. Surtout, leur comportement est beaucoup moins sujet à jugement moral à l'emporte-pièce. Ils sont plus facilement compréhensibles, même moralement, sur le long terme. De fait, peu de risque qu'on soit irrité par ces personnages, même si leurs actes ont parfois de quoi énerver.


Les circonstances sont bien si bien développées que le public parvient facilement à garder du recul et peut ainsi savourer la complexité de ces histoires, de ces personnages d'une part et le travail remarquable des acteurs d'autre part.


Car ce qui avait déjà été évident lors de la saison 1 apparait encore plus éclatant sur cette deuxième saison. Le casting est royal, surprend par sa justesse jusque dans les petits rôles.


J'avais émis quelques doutes au sujet de Jon Hamm mais ceux-ci se sont volatilisés désormais. Avec une saison plus mouvementée, avec plus de cahots à encaisser pour son personnage, l'acteur révèle une intensité expressive rassurante. January Jones assure également de son côté avec un changement de braquet réjouissant, enrichissant sa palette. De même Christina Hendricks a accompli un gros travail sur la saison 1 et livre sur celle-ci une prestation encore plus large et émouvante. Celui qui m'avait le plus plu (John Slattery) est peut-être moins gâté cette fois, avec un peu moins de flamboyance et de mordant pour un personnage un peu plus en retrait. Elisabeth Moss est toujours au top. Son rôle, un des plus complexes à incarner est maitrisé de bout en bout. Chargée émotionnellement, elle impressionne. Pete Campbell est un des personnages les plus fascinants de la série, toujours sur un fil, balançant entre bêtise, cynisme et Vincent Kartheiser l'interprète de façon si puissante qu'il arrive à en dégager une profonde fragilité. On ne sait jamais trop sur quel pied danser avec son personnage, difficile à lire (attendrissant ou énervant?). Quoiqu'il en soit, le jeune comédien est excellent, épatant.


Je vais en reprendre une lichette avec la saison 3. Tout de go!




Saison 3:


Encore une saison pleine de surprises. Toujours un peu le même type de piège auquel je me suis laissé prendre : pendant très longtemps, les épisodes avancent à pas tranquille, racontant leur histoire à un rythme serein, ne semblant rien bousculer, bien au contraire reprenant des chemins déjà parcourus les saisons passées (adultère, ambition, désillusions, etc.) et puis sur la fin, en trois ou quatre épisodes, la trame générale exploite enfin les enjeux précédents, leur donne un sens nouveau et fait pratiquement tout exploser. Il y a de la révolution dans l'air, une révolution jubilatoire pour les personnages comme pour les spectateurs, annonçant une quatrième saison mouvementée.


Il est dit à un moment d'un personnage qui n'a plus d'appétit. C'est un peu le sentiment que donne la majeure partie de la saison 3. On a l'impression que les personnages tournent en rond, ressassent toujours les mêmes problèmes et n'avancent guère. Les deux "Draper" notamment, continuent dans l'incommunication et dans l'incohérence affective à vivre deux vies parallèles factices. Mais c'est la même chose pour Peter Campbell, Peggy Olson ou Joan Harris : ce qui leur arrive n'est que le prolongement de la première et de la deuxième saison. Bref, j'ai pu par moment craindre une sorte d'essoufflement, comme si les scénaristes étaient dans une impasse, étaient arrivés au bout de leurs personnages.


A contrario, les nouvelles impulsions qu'ils vivent à la fin de la saison laissent présager des liens entre eux plus complexes, entièrement neufs pour certains d'entre eux. Seul personnage resté en suspens, dans une pénombre mystérieuse Salvatore Romano (Bryan Batt) se laisse désirer jusqu'au bout.


Cette évolution générale est par conséquent bienheureuse, rafraîchissante en quelque sorte. Le cas des Draper est certainement le plus intéressant. La façon dont leur relation a été décortiquée sur cette saison 3 est remarquablement bien écrite.
Cela donne l'occasion aux deux comédiens Jon Hamm et January Jones de faire la démonstration épatante de leur talent. Certaines scènes qu'ils partagent sont exceptionnelles, très intenses en émotion grâce à leurs jeu très précis et sobre.
Vincent Kartheiser (Pete Campbell) est l'heureux comédien qui a su profiter de l'évolution de son personnage pour une nouvelle fois impressionner tout au long de cette saison.
J'ai un faible pour Bryan Batt (Salvatore) également. Dette saison peut s'avérer cruciale. J'espère qu'il va pouvoir développer davantage le parcours de son personnage.
Jared Harris est un nouveau personnage, très intéressant, tant au niveau du jeu que de la place que son rôle peut prendre dès la saison 4. À suivre.


http://alligatographe.blogspot.fr/2013/09/mad-men-season-saison-3.html




Saison 4


Fondamentalement, je ne crois pas qu'il y ait sur cette saison 4 grand-chose de nouveau à l'horizon. Cependant, comme j'avais une haute estime de la série, le plaisir est renouvelé.


La psychologie des personnages est toujours aussi passionnante avoir évoluer, sans surprise majeure, mais disons qu'elle offre l'opportunité de les fouiller un peu plus.


La finesse de l'écrit subjugue. Au bout de quatre saisons, on reste scotché à l'histoire. Cette saison se recentre peut-être encore plus sur Don (Jon Hamm).


De manière tout à fait étonnante, mais qui confirme que la gamine a suffisamment de talent, la fille de Don (jouée par Kiernan Shipka) a droit elle aussi un petit focus fort intéressant.


Betty Draper (January Jones) apparaît alors un peu en retrait. Dans ce cas également, Pete Campbell (Vincent Kartheiser) est moins scruté.


Sinon, le couple Sterling (John Slattery) / Joan (Christina Hendricks) est à nouveau sur le devant de la scène avec un ou deux épisodes qui leur offrent des scènes fort touchantes. J'ai particulièrement aimé leurs prestations tout au long de la saison.


Peggy (Elisabeth Moss) n'est pas oubliée. Elle aussi a l'opportunité comme à chaque saison de marquer la série de moments forts. Ya du coffre chez cette comédienne !


Aussi, si ce n'est le rebondissement final destiné à pimenter l'attente de la saison suivante, cette saison 4 maintient le cap, sans esbroufe ni révolution. Les bons éléments des saisons précédentes (jeu remarquable des comédiens, scénarii ultra précis de profondeur et d'intelligence) sont encore ce qui permet à la série de se maintenir au plus haut niveau d'excellence. J'ai pris énormément de plaisir et suis ravi de ne pas ressentir le moindre essoufflement.


Visuellement, l’œil est à la fête, peut-être davantage si c'est possible. Ai-je la berlue ou la mémoire défaillante ? Mais j'ai été à plusieurs reprises frappé par la picturalité de certains plans. Ils m'ont furieusement fait penser à Hopper, bien entendu. Les saisons précédentes étaient-elles aussi bien filmées, avec autant de soin, sur cette recherche esthétique ? C'est bien possible. Toujours utile que c'est sur cette saison que cela me saute aux yeux.


Je quitte cette saison avec un énième haussement de sourcil devant la faiblesse de Don Draper et me demande bien à quoi tout cela va aboutir sur la saison 5 : joli cliffhanger!


http://alligatographe.blogspot.fr/2014/02/mad-men-season-saison-4.html




Saison 5:


Nom de dieu de nom de dieu! Après avoir vu et apprécié la finesse d'écriture et la richesse imaginative des quatre premières saisons, j'étais très loin de penser qu'il était possible de faire mieux. Cette cinquième saison a su, par trois ou quatre fois, me surprendre à grands coups de claque : c'est un petit bijou, la meilleure saison jusque-là, un objet ciselé de telle façon que j'ai par moments été très admiratif, que je me suis senti tout petit devant un monument grandiose, pas écrasé non plus, mais honoré, privilégié.


Le sentiment qui reste le plus fort, c'est certainement une espèce d'incompréhension, la part de mystère devant la magnificence de la création. Comment font-ils ? Comment ont-ils pu imaginer cela et réussir par l'écriture, par les dialogues, par la mise en scène à produire le spectacle de ces séquences avec ces enjeux et ces personnages bouleversants, intelligents de complexité ? Comment tout cela, toute cette mécanique, cette richesse, cette variété d'éléments disparates, toutes ces choses qui sont exprimées avec nuances et précises à la fois, comment tout cela peut tenir debout, avec pareille grâce, avec cette dextérité, avec ce réalisme, ce poids, cette profondeur et cet équilibre incroyable ? Comment font-ils pour créer cette perfection dans l'écrit d'abord et dans la traduction, la concrétisation de la mise en scène ?


C'est beau, intelligent et fort émotionnellement, rempli de chair et d'âme! Je suis époustouflé, je n'arrive pas à imaginer le "comment". On a atteint des sommets créatifs qui me dépassent tellement. C'est comme entrer dans la Sagrada Familia, lire Proust ou Céline, ou bien admirer la Joconde. Il me faudrait un œil plus exercé et sans doute une intelligence plus costaude pour analyser une œuvre pareille avec justesse. Mais il est clair que "Mad men" se place parmi les œuvres majeures dans l'histoire de la télévision. D'ores et déjà.


La saison est si riche que tous les personnages principaux (et ils sont nombreux), tous sans exception, se voient octroyer une attention soutenue. Les acteurs ont le temps de fouiller leur personnage et de les amener sur des notes parfois jamais atteintes jusqu'à maintenant. J'ai l'impression qu'il n'y a guère de temps morts lors de cette saison et que véritablement tout le monde a droit à une longue introspection.


Même Rich Sommer dans le rôle de Harry Crane à cette possibilité, ce qui était plus rare lors des saisons précédentes. Et chose primordiale, étonnante autant que jouissive, les personnages offrent de nouvelles facettes. Il ne s'agit pas de redites, mais bel et bien d'approfondissements ou de découvertes parfois très surprenantes.


J'aime particulièrement le portrait doux-amer que dessine John Slattery avec un Sterling aussi comique que mélancolique. Le personnage était drôle, intelligent, sûr de lui, incisif, il est maintenant plus attendrissant, fragilisé, beaucoup plus complet, souvent émouvant.
Celui de Vincent Kartheiser, Campbell, est toujours aussi inapte à entendre les autres. Il lui manque cette intelligence sociale qui en fait un être inadapté, trop égocentrique, toujours en état de faiblesse vis à vis des autres, en conflit permanent, incapable de gérer les coûts de cette compétition qui le dépasse et qu'il s'échine à rendre perpétuelle. Aveuglé par la peur et l'absence d'imagination, il n'en est pas non plus dépeint comme un sinistre con, il reste humain dans ses faillites, ses accès d'espoir, son désarroi, toujours, face à la réalité. J'aime beaucoup ce personnage malgré ses réactions souvent terriblement puériles et antipathiques.


Lane Pryce (joué par Jared Harris) trouve sa grande saison. La précédente était pas mal aussi pour lui. Mais cette fois, il a encore davantage droit au chapitre et passe par des extrêmes inaperçus auparavant. Bouleversant, l'acteur le maintient entre puissance et faiblesse sur des tonalités surprenantes. Dans son attitude toute britannique, refusant l'échec et le déshonneur, l'exigence morale de Pryce atteint des cimes de subtilités dans le jeu. Parfois intransigeant, à d'autres moments il parvient à un laisser-aller qui épate.


Dans une certaine mesure, il partage là un trait du personnage de Don Draper (Jon Hamm). Sauf que ce dernier ne réussit pas à transiger, notamment avec ce qui est demandé à Joan (Christina Hendricks). Même s'il est au centre de la série, tous les regards convergeant vers lui, Don est peut-être le moins bien loti en terme de précision cette saison. Il est vrai que l'on a déjà amplement visité le personnage, de fond en comble dans les précédentes saisons. On le connaît par cœur et il n'a plus grand chose à nous apprendre. Il ne fait ici que confirmer, par exemple son manque de souplesse par instants, sa difficulté à comprendre les femmes.


Malgré tout, cela l'acteur de paye le luxe également de très belles scènes, remuantes, avec sa femme (Jessica Paré), avec Pryce (Jared Harris) et avec Peggy (Elisabeth Moss). Cette dernière a souvent été au cœur de la série avec Don. Personnage ô combien mystérieux, complexe et auquel on ne peut que s'attacher, elle a de nouveau livré des pans de sa personnalité qui déroutent le spectateur dans un premier temps, puis qui apparaissent comme faisant sens finalement. Je parlais de complexité, c'est sans doute le terme le plus propre à représenter le personnage. Sorte de fille adoptive de Don, partageant des secrets et une admiration pygmalienne pour lui, luttant sans fin pour grandir et exister en tant que femme dans un monde d'hommes qui la fascine, elle livre de nombreuses séquences fort instructives pour mieux l'appréhender, ce qui n'est pas une mince affaire.


Restons avec les femmes et goûtons le trajet du personnage de Megan Draper (Jessica Paré). A la sortie de la saison 4, je craignais que cette petite secrétaire timide ne soit pas plus importante qu'elle n'apparaissait, pale, fluette, sans envergure. Or, cette saison, son personnage affiche une belle ambition. Là encore, le travail d'écriture sauve le personnage, en l'étoffant, la faisant paraître plus riche et plus difficile à apprivoiser.


Pour finir, Joan Harris (Christina Hendricks) n'en finit pas de surprendre. Cela faisait plusieurs saisons que la carapace de femme forte avait laissé entrevoir des craquèlements puis de réelles fêlures. Sur cette saison 5, dans la continuité, les failles s'élargissent. Elle est mise à contribution pour rendre la saison encore plus émouvante. Que de coups elle a dû endurer, mais cette fois-ci, c'est une grosse somme! Et sa solidité est alors mise en évidence. Ce personnage est d'une grande force, mais que d'embûches à éviter pour survivre ! Il n'en demeure pas moins vrai qu'elle est la seule femme à être parmi les leaders de la boîte de pub.


Toujours en retrait, mais beaucoup moins que dans la saison précédente, Betty (January Jones) continue de de s'auto-détruire, en petite fille vexée qui se punit et gère définitivement mal son immaturité, flirtant avec la folie par moments. Peut-être incarne-t-elle un des personnages les plus pathétiques de la série, une desperate housewife avant l'heure. Sur le fil d'un sale rasoir.


Voyez comme cette incroyable série accumule les personnages foisonnants de petites histoires très humaines! Potentiellement étouffante, cette distribution fait pourtant la richesse des scénarios.


Il fallait pour que cette profusion d'histoires dans l'histoire ne bascule pas dans l'indigeste une qualité d'écriture exceptionnelle, mais tout autant une très bonne troupe de comédiens.


La direction de tout ce petit monde, malgré les changements de metteur en scène entre les épisodes reste toujours cohérente. Le format tient la route. Il est vrai qu'au bout de la cinquième saison, il est quand même heureux que les acteurs se connaissent plutôt bien et maîtrisent également l'évolution de leur propre personnage, avantage du format sériel par définition. J'ai une foutue hâte de voir la saison 6!



http://alligatographe.blogspot.fr/2014/12/mad-men-season-saison-5.html



Saison 6:


Peut-être en deçà de la saison 5 qui est pour moi jusqu'à maintenant ma favorite, celle qui m'a le plus impressionné, cette saison 6 n'en est pas moins excellente. C'est surtout sur la deuxième partie de la saison que j'ai été encore une fois épaté par la finesse de l'écriture.


Au bout de cette 6eme saison, Mad men constitue toujours la série la plus aboutie, surtout la plus subtile. Cette finesse d'analyse des personnages s'accompagne d'une belle capacité à surprendre le spectateur. Les chausses trappes fonctionnent à merveille (en tout cas, pour ce qui me concerne).


Alors que j'évoquais le rôle un peu moins central de Don Draper (Jon Hamm) sur la saison 5, celle-ci remet le personnage au premier plan. Son aptitude maladive à s'auto-détruire petit à petit, à chercher, tel le Don Juan de Molière, à conquérir de nouvelles preuves d'affection, détruisant par là même ce qu'il avait réussi à bâtir jusque-là, est une rengaine. On l'a déjà vu dans la série devant cet abîme qu'il creuse lui même. Cette fois-ci le personnage va au plus profond. On est même tenté d'évoquer la dépression. Quelques éléments paraissent le corroborer. Foutre, que c'est dur d'avancer des explications sans trop spoiler! J'ai déjà l'impression d'en avoir trop déballer. Arrêtons là sur le personnage et concluons que le comédien est au mieux de sa forme. J'ai toujours eu une légère réticence à son égard. Je ne sais trop pourquoi, mais j'ai eu les yeux de Rodrigue pour quelques-uns de ses petits camarades et peu pour lui. Sur cette saison, je révise ce ressenti : il est formidable, tout en nuances et j'applaudis sans réserve désormais. L'émotion prend le dessus sur la technique de jeu et m'emporte à plusieurs reprises. Il parvient même à dépasser Don Juan, en le complexifiant. Il est relativement plus touché par son donjuanisme que le héros de Molière. Il y a chez lui un regard introspectif bien plus puissant et qui le rend plus humain, ce que l'acteur arrive tellement bien à transcrire ! Bravo!


J'aime, que dis-je, j'adore Roger Sterling (John Slattery). On le voit énormément dans la première partie de la saison. Il mûrit enfin et cette ascension n'est pas sans conséquence. Déjà dans la saison 5, le personnage avait parcouru un chemin semé d'embûches. Cette fois-ci, il prend cher. Et c'est heureux ! Les failles montrent dorénavant leurs béances. Crac. Et l'acteur, sur le fil, entre rires et larmes, assure le spectacle. On le sent moins à l'aise, mais justement, cette difficulté de vivre donne à l'écran de la chair à l'émotion. Incarnation.


D'ailleurs, j'ai parlé d'ascension pour Sterling et de dépression pour Draper, mais on pourrait parler de dépression pour les deux. Ce qui est drôlement bien dans cette série, c'est que tout n'est pas d'un bloc, d'une même couleur. La dépression n'est pas un gouffre sans fin ; le succès n'est pas non plus une réussite sans nuance. Il n'y a pas pas... comment dire? d'intégralisme, dans "Mad men". Qu'est-ce que c'est que ce néologisme dégoûtant ? De la dépression -si tant est que cela en soit une- peut se développer de nouvelles pousses d'espoir.


De même, les sinistres cons comme Campbell (Vincent Kartheiser) ne sont pas des monstres de bêtise, bien au contraire. Sa bêtise est totalement humaine, née de l'angoisse et de toutes ses incapacités naturellement humaines. Les cyniques ne sont pas plus de grossières caricatures sans âme. Il y a toujours des petites ouvertures qui surprennent. On est si habitué à manger des récits où les méchants sont des méchants et les gentils des gentils, propres et nets sans le moindre doute, que de siroter une série aussi riche, avec des personnages ultra réalistes, faits de certitudes, de rêves, d'angoisses, de blessures plus ou moins ouvertes qui se battent contre leurs fantômes, qui changent à travers les épreuves, qui se transforment avec le temps, tout cela ne peut que surprendre et ravir à la fois.


Pour revenir sur Campbell (Vincent Kartheiser) voilà encore un personnage très nuancé. Et pourtant, on aurait facilement envie de lui claquer le beignet et de le poser éternellement sur une étagère avec une étiquette de "connard" sur le front, alors que sur cette saison (comme dans d'autres) son personnage étonne encore par les petites failles qu'il laisse entrevoir ici ou là, surtout où l'on s'y attend le moins. Quel travail d'acteur!


Cette saison, beaucoup de personnages passent au second plan. Mais parmi eux, celui de Joan (Christina Hendricks) procure une légère déception. J'aime beaucoup ce personnage. Dommage qu'elle soit un peu moins à l'affiche.


On retrouve un petit peu plus Betty (January Jones).


Par contre apparaît un petit nouveau déjà fort prometteur à la fin de la saison, un personnage fort singulier et plein de mystères : (Bob Benson) joué par (James Wolk). A confirmer.


Me voilà rendu au commencement de la dernière saison et j'ai à la fois hâte d'en découdre et déjà la tristesse d'en finir avec ces personnages attachants. Mais je me dis aussitôt qu'une intégrale Blu-ray qui me ferait les yeux doux et j'aurais du mal à résister, pour voir et revoir cet incroyable chef d'œuvre.




Saison 7:


Voilà, c'est fini. Fini? Ah, pas tout à fait en ce qui me concerne, je vais revoir cette série, sûr! Dans mon panthéon sériel, elle demeure au moins dans le top 3. Sa richesse, sa profondeur n'ont finalement jamais été démenties.


Les fins de série me font toujours un peu peur. Cette saison 7 a été à l'image des précédentes : d'une rare excellence ! Il y a encore quelques épisodes extraordinaires, des séquences incroyables où l'écriture scénaristique est magnifiée par le jeu fouillé des comédiens. J'ai déjà dit tout le bien que je pensais d'eux de façon précise ; je ne vais pas le répéter. Définitivement, cette série est entrée dans l'histoire du format.


Très agréable de suivre cette fin de vie, ni paisible, ni chaotique, tout en nuances et équilibres. On suit la trajectoire des personnages jusqu'à pouvoir en imaginer la suite dans une saison suivante potentielle. Je remarque à ce propos que souvent à la fin des saisons précédentes, on aurait pu laisser là les personnages et considérer la série comme bien terminée, avec des petites ouvertures laissées à l'imagination du spectateur. Comme si chaque saison constituait un instant de vie, une tranche d'un gros gâteau. Gourmands, les téléspectateurs avaient tout de même envie d'y retourner. Cela ne se dément pas ici non plus. Même si on peut se satisfaire des conclusions auxquelles se livre chaque histoire personnelle, pour chaque personnage on ne peut s'empêcher de regretter la fin.


La saison 7 fait pourtant de beaux adieux, toujours bien écrits. Certains sont heureux, d'autres moins. Comme la vie, la vraie, cette série ne fait toujours pas dans l'éclat du spectaculaire, ni dans l'ordinaire. La saison 7 a livré son lot de surprises, de virages.


Surtout, sa césure au beau milieu de a été génératrice d'ellipses majeures. Et comme toujours, les auteurs parviennent à retomber sur leurs pattes, avec une grâce, une finesse d'écriture qui ne cesseront jamais de m'épater. Quelle écriture ! Quelle netteté, quelle richesse chez les personnages, dans les dialogues, dans la mise en scène, dans le déroulement des situations !


Époustouflant d'intelligence, de créativité, d'audace et d'adresse pour articuler tout cela en une unité tellement cohérente, émotionnellement intense, intellectuellement profond ! Je suis béât d'admiration pour ce miracle que constitue une série aussi puissante, aussi plein de sens, et ce, avec une continuité jamais démentie. À voir, à revoir, à rerevoir.


http://alligatographe.blogspot.fr/2016/01/mad-men-saison-7.html

Alligator
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le 23 juin 2013

Modifiée

le 11 févr. 2014

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Alligator

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