Mad Men
7.7
Mad Men

Série AMC (2007)

Voir la série

"I don’t know if there’s anything that complicated about me. That’s why I should be happier I guess.

Mad Men, c'est l'histoire de Don Draper, un publicitaire qui a du talent, une belle famille et une belle gueule. Mais c'est aussi l'histoire de Dick, un homme avec son passé trouble, ses névroses, sa volonté de trouver une reconnaissance non pas publique mais intime, de ne plus être seul tout comme le veut chaque être humain sur Terre. Le désespoir de ne pas être heureux alors qu'il a toutes les raisons de l'être.


Et c'est sans doute pour cette dernière raison que la série m'a autant plu dès le départ. Enfin, non, au départ, j'étais d'abord séduit par l'époque dont je suis fan, la classe de sa direction artistique, de ses personnages. Puis peu à peu, je me suis aperçu de la profondeur subtile mais immense de la série, de sa richesse par petites touches mais imprégnant peu à peu chaque dialogue, chaque plan, chaque image de la série de Matthew Weiner. Que par moments, la série parvenait à capter mes interrogations les plus inavouées, les plus injustes, mais dont pourtant je ne pouvais m'empêcher de me poser.


La grande prouesse de Mad Men, ce fut en fin de compte d'allier une quête intimiste universelle et un portrait d'une Amérique en pleine mutation, créant et se nourrissant à la fois d'un fantasme sur sa société, sa culture, ses moeurs. Une quête et un portrait qui semblent parfois un peu noyés sous les intrigues légèrement soapesques du quotidien des employés de Sterling-Cooper, mais qui sont pourtant bien là, cachés derrière des gestes, des dialogues, des références, des fulgurances sixties aussi juteuses que réfléchies.


La prouesse de rendre des figures stéréotypées humaines, de jouer avec elles et leur fantasme inconscient en les plaçant dans des décors et des costumes référencés, de déjouer leur apparente perfection. Des imperfections rendant parfois certains personnages antipathiques, mais toujours avec un second degré, un amour du personnage bien présent. Et puis quels personnages, quels acteurs et actrices, rarement un casting aura été aussi parfait. Rarement une série "masculine" n'aura autant eu finalement pour sujet les femmes, peut-être d'ailleurs le "symbole" (si l'on peut parler ainsi) le plus fort de la mutation de la société, allant de plus en plus vite au cours des saisons.


Matthew Weiner, véritable "control freak", maîtrise absolument tous les aspects de la série, et ça se voit. Il a su rendre sa série cohérente, sans concession, difficile d'accès mais généreuse. Ses références sont d'ailleurs particulièrement pointues et parfois peu évidentes : Le Conformiste de Bernardo Bertolucci, Toute une vie de Claude Lelouch, Le Décalogue de Krzysztof Kieslowski (selon son entretien lors de son passage au festival Séries Mania en 2015), des oeuvres qu'il me reste à voir mais qui semblent témoigner d'une profondeur épurée mais puissante. Nul doute non plus que son activité sur Les Soprano l'aura entraîné à une telle maîtrise de l'épure narrative, de l'organique de l'écriture de personnages.


Jusqu'à la fin, Mad Men aura été fidèle à elle-même. Parfois inégale comme toutes les séries, parfois répétitives aussi, mais sans jamais "jump the shark" comme on dit, sans jamais trahir ses personnages au profit de l'intrigue, sans jamais manquer de respect à l'époque dépeinte. Jusqu'à la fin, Mad Men aura été la série sur la publicité sans parler de publicité. Jusqu'à la fin, Mad Men aura été d'une précision millimétrée et d'une justesse inouïe dans sa mise en scène. Jusqu'à la fin, Mad Men aura été une des plus grandes oeuvres traitant du terrible et voué à se répéter conflit de génération, grâce au formidable personnage de Sally. Jusqu'à la fin, Mad Men aura su me toucher comme rarement une série a pu le faire auparavant.


Au revoir Don, Sally, Betty, Peggy, Joan, Roger, Pete, et tous les autres.


"And then, they open the door, and you see them smiling. And they’re happy to see you, but maybe they don’t look right at you, and maybe they don’t pick you. Then the door closes again. The light goes off."


Etreinte avec mon moi intérieur.


Buvez du Coca-Cola.

Antofisherb
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Top 10 Séries, Séries terminées, Séries vues en 2015 (annotées), Mes épisodes de séries préférés et Mes indispensables sériels

Créée

le 16 août 2015

Critique lue 428 fois

7 j'aime

2 commentaires

Antofisherb

Écrit par

Critique lue 428 fois

7
2

D'autres avis sur Mad Men

Mad Men
Le_Sabotageur
5

C'est classe mais c'est tout ?

De temps à autre, on tombe sur une série largement encensée, et, sans trop savoir pourquoi (même si je vais ici essayer de formuler mes reproches), la série nous fait chier. Quasiment tout le monde a...

le 18 janv. 2011

51 j'aime

19

Mad Men
Vivienn
10

Carrousel

The Golden Age of Television. Une époque désormais quasi-béatifiée où, discrètement, les fictions télévisées sont passées de Law & Order à The Wire. Aujourd’hui, toutes ces séries mythiques sont...

le 18 mai 2015

44 j'aime

2

Mad Men
lultrafame
10

Tits up cheers up

Que l'on se le tienne pour dit: les séries télévisées ont un potentiel bien plus grand que celui de bouffons de la grande chaîne cinématographique. Qu'ont-elles à nous offrir? Ce que le cinéma...

le 11 nov. 2010

42 j'aime

5

Du même critique

Les 8 Salopards
Antofisherb
7

Red Rock Redemption

Edit : publiée à l'origine en 2015, cette critique correspond à mon avis de l'époque c'est-à-dire à une note de 4/10. Je l'ai revu une seconde fois en 2020, et depuis ma note est passée à 7. Je...

le 9 janv. 2016

129 j'aime

22

Victoria
Antofisherb
8

A bout de vie

Mon amour du plan-séquence ne date pas d'hier. Souvent virtuose, toujours impressionnant, c'est parmi ce que je trouve de plus beau au cinéma, par sa technique démonstrative certes mais surtout pour...

le 3 juil. 2015

79 j'aime

15

The Square
Antofisherb
8

Pour une défense de la Palme d'Or

Dimanche dernier, la prestigieuse Palme d’Or du Festival de Cannes a été délivrée à The Square, du suédois Ruben Östlund. Un film adoré par les uns et conspué par les autres, comme rarement une Palme...

le 30 mai 2017

64 j'aime

10