Peu de séries m’ont autant fasciné que Mad Men. Le show a récemment fermé ses portes, sans fulgurance, dans le calme. Après tout les années 60 sont définitivement terminées mais la vie continue. Cependant l’heure est au bilan.
Impossible de parler de la série de Weiner sans aborder son esthétique léchée. La reconstitution d’une époque, la justesse des décors, la beauté des costumes, la bande-son aux petits oignons. C’est une véritable carte postale, certains oseraient même parler d’une publicité pour les années 60. Et c’est tout le sujet du show, cette vision idéalisée d’une époque à laquelle les personnages essaient de se raccrocher, comme s’ils pouvaient ralentir le temps. Les hommes et certaines femmes de Mad Men sont nostalgiques de l’époque dans laquelle ils vivent. C’est ce décalage qui est fascinant. Les 60’s ont été témoins de nombreux bouleversements sociétaux et représentent en quelque sorte la fin de l’Amérique triomphante et invincible telle qu’on l’a connue. Et le travail terrible de ces publicitaires est d’accompagner leurs clients dans ces changements alors qu’ils y sont eux-mêmes réfractaires. On retrouve cette opposition dans la structure même de la série. En effet le monde extérieur change radicalement, en arrière-plan, alors que les journées et donc les épisodes se ressemblent pour les personnages enfermés dans leur bulle de sécurité au cœur de Manhattan. On pourrait penser que la recette se répète au fil des saisons, et c’est vrai. Mais les micro-changements, les réactions des personnages lorsque l’avenir vient frapper un peu plus fort à leur porte font tout l’intérêt de la série. Certains embrassent l’avenir pendant que d’autres reviendront sur leurs pas pour retrouver un équilibre rassurant.
Au sommet de la pyramide, Don Draper, fascinant. Monstre de charisme interprété par l’immense Jon Hamm. Don est une coquille vide autour de laquelle gravite un monde en ébullition. Il a créé sa vie comme une publicité mais tout n’est que mensonge. C’est un véritable anti-héros dans le sens où il n’accomplit absolument rien dans la série. La raison de sa survie vient de l’image qu’il renvoie aux autres. Draper est écrit, pensé comme une publicité, du moins au début. Il ne s’exprime qu’en slogans, toujours impeccablement fringué mais il ne fait rien. Il sera évidemment rattrapé par ses mensonges, son inutilité, et le vide de sa personnalité. Qui est Don ? Qui est Dick ? Peu importe, il n’est personne, le cliché d’une époque qui n’existe que tant que les autres personnages veulent d’elle. Il les rassure, leur montre que finalement les choses ne changent pas. Et lorsqu’ils se décident enfin à embrasser le changement, Don perd pied.
On pourrait parler des heures de la série, de la façon dont certains évènements raisonnent entre eux, des autres personnages, des lieux… Mais il vaut mieux le vivre, s’immerger dans l’écriture géniale de Weiner. Mad Men et l’instantané d’une époque qui s’efface petit à petit et emportera ceux qui freinent des quatre fers. La série prend son temps, ne développe pas vraiment d’intrigue (elle règle heureusement très rapidement le passé trouble de Don) et nous donne simplement à voir un microcosme cherchant à vendre des tendances qu’ils ne comprennent pas.
Un dernier mot sur la conclusion quand même. Inattendue, forcément décevante puisqu’anti-spectaculaire au possible. Elle n’est ni logique, ni absurde. Parfois la vie prend des tournants inattendus. On en ressort le cœur serré car on s’y était attaché à cette jolie carte postale.