Marvel's Daredevil
7.2
Marvel's Daredevil

Série Netflix (2015)

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Tels films, telles séries: alors que les productions Marvel au cinéma se voient multipliées ces dernières années au dépens de leur qualité, la Maison des Idées se lance aussi dans les séries, produisant entre autres Agents of Shield et Agent Carter. Cette diversité pourrait nous porter à croire que Marvel tente de nouvelles choses, s'essaye à de nouveaux formats... jusqu'à ce que nous soyons confrontés à la médiocrité de ces nouveaux shows entre extension du MCU et perspective mercantile. On leur trouve, en quelque sorte, les mêmes défauts qu'aux films: des scenarii convenus, des personnages fades et un développement du fond et de la forme extrêmement limité, caractérisé par le traitement de thèmes éculés jusqu'à la corde et par une réalisation au mieux classique, au pire fade.


Daredevil, dernier-né de cette génération de séries sans âme, avait tout pour, comme ses prédécesseurs, n'être qu'un produit de plus, à la hauteur du film raté du début des années 2000, le simple élément d'un univers qui, à force d'être rempli, menace d'éclater. Avec cette fois-ci Charlie Cox dans le rôle-titre, on pouvait s'attendre à une énième série à la Arrow, proposant un thème de la justice retravaillé à la sauce manichéenne que Marvel sait si bien préparer.


Eh bien, quelle claque. Après deux épisodes déjà, Daredevil surpassait dans mon estime la totalité des séries déjà existantes de super-héros. Rien que le générique à lui tout seul, une splendide modélisation 3D évoquant des coulées d'hémoglobine, renvoyait aux oubliettes tout ce qu'avait pu proposer esthétiquement Marvel ces dix dernières années. La façon dont le super-héros est devenu ce qu'il est, à savoir un aveugle, et comment il a appris à vivre avec cela, est vite survolée, sans toutefois être négligée. Ses amis, qui selon un invariant du genre ne connaissent pas son identité secrète, sont dans les premiers épisodes relativement mis en avant, que ce soit Foggy Nelson, son collègue avocat et ami d'enfance, ou Karen Page, leur première cliente devenue leur secrétaire. Si l'on omet les flashbacks fréquents mais discrets, on suit ainsi parallèlement la vie publique d'avocat de Matt Murdock et la vie privée du Devil de Hell's Kitchen, qui ne sont au final qu'une seule et même personne.


On partage rapidement l'enthousiasme contagieux des trois personnages à développer ce cabinet d'avocats naissant, ne désirant rien d'autre que rendre le monde plus juste. Un objectif simple s'il en est, et légèrement mièvre et naïf; on relèvera d'ailleurs le fait ahurissant que le système juridique de Hell's Kitchen soit extrêmement simplifié, et le peu d'enjeux et de résultats autour du cabinet Nelson & Murdock.


Wilson Fisk a le bras long, certes. Mais au point de contrôler tous les cabinets d'avocats sauf celui de Nelson & Murdock ? Peu probable. Cela crée une atmosphère de Nelson & Murdock vs the world qui rend la série beaucoup trop immature.


Heureusement, la série n'oublie jamais ce qu'elle est et ses intentions: une série de super-héros, qui va mettre en avant ses scènes d'action. Force est de constater qu'une fois encore, Daredevil surpasse les productions Marvelliennes habituelles, en proposant des combats inspirés: on peut prendre pour exemple le plan-séquence de la fin de l'épisode 2, tout droit sorti d'Old Boy, dans lequel on suit un Matt Murdock meurtri, blessé, venir difficilement à bout de ses ennemis.


Lorsque l'avocat, super-héros la nuit, rentre chez lui, c'est pour panser ses blessures. On repassera certes sur l'utilité du personnage de Rosario Dawson, une infirmière qui l'aidera fréquemment, mais il demeure important de souligner la volonté louable de la série de tenter une approche réaliste. L'aspect sombre de Daredevil n'atteindra jamais celui de The Dark Knight et aura tendance à s'essouffler tout au long de la première saison, mais on retient tout de même certaines intentions bien plus osées que dans la majorité des productions du MCU.


Je pense au meurtre de Wesley, qui démarque définitivement Karen Page des personnages féminins classiques des films et séries de super-héros, habituellement de simples éléments du décor; mais également au meurtre de Ben Urich.


Il convient évidemment de nuancer tout propos: Daredevil est un vent de fraîcheur qu'apporte Drew Goddard au MCU; cependant, la série est loin d'être exempte de défauts. On retiendra par exemple le ventre mou que traverse la série en moitié de saison, cherchant semble-t-il à justifier ce qui faisait l'essence la plus mystérieuse du personnage de Daredevil par l'introduction de genres pas vraiment souhaités et pas vraiment cohérents avec le reste. Par ailleurs, même si l'on peut applaudir la diversité des thèmes abordés par la série, tel que la religion, on ne peut que déplorer un final extrêmement convenu et castrateur, tant il détruit tout ce que la série était parvenu à construire tout au long de sa première saison.


A quoi bon passer douze épisodes à bâtir deux antagonistes forts en les rendant presque similaires pour dissoudre tout manichéisme, pour au final les confronter ?


Certes, on n'attendait que ça, qu'ils se tapent dessus, mais est-ce que c'est une raison de détruire tout ce qui avait été fait jusque-là ? Si, lors du combat final, on aurait eu autant d'empathie pour Fisk que pour Daredevil, j'aurais considéré qu'ils avaient atteint leur objectif. Mais tout est mis en scène pour que l'on souhaite la défaite de Fisk; une défaite temporaire, bien sûr, le temps de l'incarcérer et qu'il s'évade pendant la saison 2, afin de relancer une vieille intrigue.


La saison 2 avait donc pour but de non seulement au moins égaler la première, mais aussi de pallier à ces défauts qui entravaient le potentiel de la série. Et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'en cela elle démarre sur les chapeaux de roue. Le Punisher, célèbre antagoniste de Daredevil, est brutalement introduit dès le premier épisode, pour être développé petit à petit tout au long de la saison.


Ce qui permet notamment, d'ailleurs, de répondre à l'un des problèmes de la saison 1: le manichéisme, qui est ici mis à mal par l'exploitation du personnage du Punisher, ainsi que par la multiplication d'intrigues collatérales introduisant divers antagonistes.


Et en parlant de développement, on sent qu'un énorme effort a été fait cette saison à ce niveau-là. Certes, dans la saison 1, les personnages principaux (Foggy, Karen, Matt) bénéficiaient d'une plaisante complexité, mais dans la saison 2, les personnages ne sont pas les seuls à être réfléchis: la façon dont les intrigues se nouent confère un véritable bol d'air frais à un scénario qui avait auparavant tendance à se prendre les pattes dans ses propres ficelles (parfois plutôt faciles). Même si cela va aussi dans le sens d'un sentiment de "facilité" qui peut revenir par moments chez le spectateur, Daredevil est en effet souvent confronté à de nombreux dangers en même temps,


provenant aussi bien d'ennemis extérieurs que de son cercle d'amis.


L'introduction d'Elektra, du Punisher, la réutilisation de Stick, de Fisk, de Claire rendent souvent les rebondissements agréablement inattendus, même si le final (où avait déjà péché la série dans sa première saison) demeure perfectible. Daredevil réussit tout de même le tour de force (pour un show de super-héros) de nous rendre quasiment tous les personnages attachants sans en faire des plantes vertes niaises, de rendre un héros aux idées de justice pas si différentes des coquilles vides telles que Captain America intéressant et badass, et enfin d'insuffler toujours, dans la continuité de la saison 1, un élan d'humanité à travers les divers antagonistes du Devil de Hell's Kitchen.


Daredevil a ses défauts. Il n'en reste pas moins que, comme elle l'a prouvé maintes fois en une seule saison, elle a le potentiel de faire oublier ces mêmes défauts en développant des aspects souvent oubliés dans les productions MCU: l'esthétique, l'ambiance, le fond, les personnages. C'est donc avec une certaine impatience que je vais guetter la sortie de la saison 3 qui, si elle se révèle meilleure encore que la saison 2, pourrait bien propulser la série au rang des dix meilleures séries de super-héros de tous les temps.

Soma96
7
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le 7 juin 2015

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Kevin Soma

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9
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