Bon, 5 épisodes de Jessica Jones plus tard, l'heure est au bilan ! Héroïne quasi-inconnue au bataillon, beau casting comptant notamment David Tennant, Krysten Ritter et Carrie-Anne Moss dans ses rang... il y avait déjà de quoi séduire sur le papier, surtout quand on se rappelle la réussite qu'a été Daredevil. En bref, j'attendais beaucoup de cette nouvelle alliance Marvel/Netflix et pour le moment, je ne suis pas déçue !
Comme Daredevil, Jessica Jones fait assurément parti des séries très noires consacrées à des super-héros, mais elle a la bonne idée de se différencier très vite de sa prédécesseure. Loin d'être visuellement hyper-violente et de faire appel aux codes du polar, elle préfère jouer sur la psychologie de ses personnages et emprunte beaucoup plus à l'univers du thriller. Elle ne fait pas non plus énormément dans l'action, et garde un rythme relativement lent quoique loin d'être désagréable. De façon générale, Jessica Jones a une histoire plus intimiste et isole davantage sa protagoniste : la réalisation elle-même privilégie certains stratagèmes comme les plans serrés, pour mieux nous représenter la bulle dans laquelle semble l'étouffer.
L'héroïne vaut par ailleurs le coup d’œil. Là où Daredevil/Matt Murdock était un « bon samaritain » prêt à se battre contre l'injustice sur plusieurs fronts, et à défendre les opprimés et les faibles, Jessica, elle, est beaucoup plus pragmatique et cynique. Dénuée de grands idéaux et intéressées seulement par son salaire et sa survie, son personnage est en fait brisé par l'antagoniste de cette saison, le glaçant Zebediah Kilgrave, qui l'a autrefois eu sous sa contrainte psychique durant des mois. Ce passif donne à Jessica des traits de personnalité très intéressants, notamment des signes de stress post-traumatique, une proportion à l'alcoolisme, à l'impulsivité, et une tendance à céder à quelques crises de paranoïa plus ou moins prononcées. Elle baigne au moins autant dans la crasse que les autres habitants de Hell's Kitchen qu'elle côtoie, ce qui rend ses relations avec ces derniers assez intéressantes et inédites.
Autre bon point, du moins selon moi : la série donne enfin une vraie dimensions aux super-héroïnes. C'est d'autant plus paradoxal que Jessica ne correspond pas vraiment pleinement au genre, ne faisant utilisation de ses modestes pouvoirs que rarement et ne possédant pas de costume en latex. Ceci étant dit, les héroïnes étaient jusqu'alors des personnages qui pouvaient être forts certes, mais elles restaient assez passives dans le fond et donnaient l'impression de remplir des quota. Pas ici. Jessica est un personnage bien construit avant d'être une femme super-héros, et cela fait toute la différence sans pour autant l'empêcher d'être sexualisée à certains moments (mais pas plus que ses camarades masculins). Et les autres femmes de la série, plus ordinaires, sont elles aussi plutôt bien écrites et mine de rien, ça fait du bien ! (le personnage de Trish, notamment, qu'on devine être une ancienne victime de violences, est très nuancé).
Je ne pouvais enfin pas terminer cette critique sans parler de Zebediah Kilgrave, incarné par David Tennant : je ne l'ai pas encore vu énormément à l'écran, mais pour le moment il est grandiose. Manipulateur imprévisible, fondamentalement méchant dans son être (là où le Caïd de Daredevil avait quelques ambiguïtés), le personnage fascine, et surtout angoisse. Il n'est pas bien difficile de comprendre ce qui peut terrifier Jessica quand on l'entend à l'écran, et j'ai très hâte d'en savoir un peu plus sur lui.
Alors bien sûr, Jessica Jones n'est pas non plus une série parfaite : on sent que son budget n'est pas conséquent, la réalisation n'est pas toujours à la hauteur, et je trouve personnellement que le jeu de Krysten Ritter est parfois un peu hésitant (quoique convenable). Qu'importe cependant, elle tient très bien ses promesses et apporte enfin une vraie dimension à une héroïne Marvel ! Pourvu que ça dure...