Jessica Jones est une série avec un gros gros point fort, et pleins de points faibles. Commençons par le point fort, tout le monde sait ce que c'est, il s'agit du méchant. Mais il s'agit d'un bon gros point fort, hein. Du genre qui fait passer la pilule sur le reste et qui tient la baraque à lui tout seul.
Si c'est si agréable de voir un bon méchant, ce n'est pas (uniquement) parce que l'offre sur ce marché est assez famélique, pas uniquement parce que c'est David Tennant (mais quand même un peu; qui d'autre aurait pu jouer ce personnage avec autant d'ambiguité, de charisme, de présence et de saloperie?), mais aussi parce que tout ce qui est cool dans la série se rapporte à ce personnage.
Exemple: le personnage de Jessica Jones est surtout intéressant par rapport à son opposition à Kilgrave. C'est lui qui la rend parano et la force à envoyer chier tout le monde, c'est lui qui la motive à se bouger et sortir de ses tendances auto-destructrices. C'est clairement le personnage de la série qui a bénéficié de l'écriture la plus complexe. Son évolution tout au long de la série est plus passionnante que celle de son héroïne. D'abord manipulateur, puis amoureux pervers, puis victime, puis presque-héro, il attire l'intégralité des sentiments de sympathie, de défiance, de fascination du spectateur, à tel point que quand il n'est pas l'écran, c'est son absence qui saute aux yeux. Il dégouline sur toute la série, parvenant à générer de la paranoïa au delà des personnages jusqu'au spectateur.
Avoir conçu un tel méchant est une vraie réussite de la part des réalisateurs, et un vrai vent de fraicheur dans le paysage des super-héros. Mais paradoxalement, c'est un peu aussi la faiblesse de la série.
Le problème, c'est que Kilgrave phagocyte tellement chaque épisode, que n'importe quel moment sans lui est un peu chiant. Finalement, seul Jessica l'intéresse et c'est cet intérêt qui fait marché le duo. En comparaison, les autres personnages dont Kilgrave n'a rien à faire apparaissent relativement secondaires à l'intrigue qui tourne principalement autour du privé et du pervers. Y'en a quand même des pas mal, hein, Trish, Luke, Jeri, sont sympas, mais on ne peut s'empêcher de les trouver pas super intéressants. Parce qu'ils sont des victimes, de simples pantins, et donc remplaçables. Au final, on finit par voir la série et ses personnages au prisme de l'obsession de Kilgrave: seul Jessica compte, les autres sont transparents. Et effectivement, les autres en question ont du mal à dépasser leur statut de sidekick et à intégrer l'intrigue, tant la table a été reservée pour 2, et 2 uniquement.
Ce défaut de l'omnipotence de Tennant sur la série se manifeste de bien d'autres manières, dont le rythme. La série est trop longue, prenant son temps pour développer des sous-intrigues pas forcément intéressantes, qui n'ont pour seul but que d'introduire une saison 2 ou une série parallèle (Luke Cage, Iron Fist). Ca se voit et ça casse la dynamique de la série, qui culmine aux 2/3 de la saison, pour retomber sur la fin et finir de manière assez mollassonne.
Ce qui laisse poser la question: que va t il se passer dans la saison 2. En spoilant un petit peu, Kilgrave finit par passer l'arme à gauche, et même avec beaucoup d'imagination, on ne voit pas très bien comment la série pourra se passer de lui. Parce que tout ce qu'il reste sans lui, c'est une série assez similaire à Daredevil, bastons chorégraphiées en moins. L'aveugle en rouge souffrait justement d'un antagoniste relativement risible et d'enjeux plutôt plats. La fin de la première saison de Jessica Jones laisse penser que la suite va plutôt s'orienter vers ça, avec caméos et réferences croisées de bon aloi, les classiques du mondes des séries de super-héros. Dommage.