Tout comme Hannibal, The Americans ou Rectify, Masters of Sex négociait cette année le virage toujours délicat de la troisième saison (Hannibal n’y a malheureusement pas survécu). Les deux premières, orchestrées par la chaîne américaine Showtime, nous avaient convaincues par leur équilibre entre classique et audace, et leur aptitude à marier les excitantes recherches du duo Masters/Johnson et leurs vies personnelles complexes.


Face au risque d’essoufflement de la partie scientifique, Michelle Ashford recentre l’intrigue sur ses protagonistes. La saison 3 de Masters of Sex apparaît plus comme un drame historique de très belle facture que la révolution scientifique à laquelle certains pouvaient s’attendre. Une surprise qui en réfléchissant bien, était assez prévisible si les producteurs voulaient passer le cap de cette troisième saison.


Une série comme Masters of Sex, qui suit une chronologie linéaire, élaborée presque sans aucun flashback, n’est pas chose aisée à réaliser surtout quand son principal élément de surprise le sex-study arrive à sa limites. Ainsi plutôt que de continuer dans cette veine à tout prix au risque de perdre son public et de se caricaturer comme avait pu l’être la saison 4 de Revenge, les showrunners ont osé en faire une série plus conventionnelle, en insistant sur la psychologie et la complexité émotive des personnages, tout en mettant en avant le cadre social en pleine mutation des sixties dans une ville américaine moyenne comme peut l’être Kansas City.


Cet équilibre sans cesse instable entre la vie privée et les exigences professionnelles est mis en avant sans artifice particulier, mais avec une sincérité et un à-propos qui lui confère une dimension plus authentique. Michael Sheen et Lizzy Caplan continuent sur la lancée des précédentes saisons et forment un binôme remarquable à tous points de vue, un duo de chercheurs brillants et innovants et, dans le même temps, un couple où chacun à ses propres besoins et parfois du mal à s’y retrouver.


Les personnages secondaires sont le point fort de cette troisième saison. On avait parfois du mal à éprouver de l’empathie pour ceux de la première saison – je pense à Lilian dePaul (Julianne Nicholson) ou Vivian Scully (Rose Mclver) – à tel point que les scénaristes les avaient purement et simplement évincés de l’histoire. Ceux introduits avec la deuxième saison occupent maintenant une place primordiale dans le déroulement de l’intrigue. On retrouve avec joie l’ironie mordante de Betty (Annaleigh Ashford), la naïveté de Lester (Kevin Christy) ou le toujours sympathique Burton (Beau Bridges).


Plus connu pour sa performance dans The Good Wife, Josh Charles fait une apparition remarquée et remarquable dans le rôle de Daniel Logan, un riche industriel qui a fait fortune dans les parfums et décide d’investir dans la clinique de Bill et Virginia afin de découvrir la senteur de l’amour. La seule chose qu’il découvrira est une attraction croissante pour Virginia, ce qui n’est évidemment pas pour plaire à Bill, qui cherchera à se débarrasser de son rival à tout prix, comme lors de l’épisode cocasse du restaurant.


Même les enfants de Bill et Virginia font partie intégrante du récit et ne donnent pas l’impression d’y être par obligation, comme cela a pu être le cas dans d’autres séries (Les Sopranos par exemple). À l’instar de la saison 3 de The Americans, le recentrage sur des problématiques plus personnelles, familiales enrichit l’intrigue d’une dimension supplémentaire. Ce que la série perd en intensité, elle le gagne en maturité.


Au-delà de ses qualités scénaristiques bluffantes, Masters of Sex impressionne toujours autant par sa mise en scène, complétée par une photographie impeccable et une magnifique bande-son d’époque. Le seul petit bémol à souligner est que l’intrigue a tendance à accentuer l’importance des affaires de cœur, leur donnant des faux airs de Feux de l’Amour. Un accroc mineur pour ce qui reste une série de grande qualité. Confortant son statut de locomotive de la chaîne avec Homeland et The Affair, la série a été renouvelée pour une quatrième saison par Showtime et c’est avec joie qu’on retrouvera le duo Masters/Johnson ce qui s’annonce sûrement comme un dernier tour de piste.

Paul_Gaspar
10
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le 21 avr. 2021

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Paul_Gaspar

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