
On pourrait penser que la série doit son succès à la perfection de son élaboration: un assemblage minutieux de chaque détail dans le but de délivrer, au spectateur fidèle et attentif, le secret ultime d'une trame mystérieuse, quasi-kabbalistique. Il n'en est rien. S'il est indéniable qu'un soin tout particulier a accompagné la création de cette série, cela ne s'est pas fait sans une grosse part d'improvisation et de tâtonnements. Quelques rectifications, retours en arrière et autres améliorations plus tard (Director's cut, nouvelle fin, reboot de la série au cinéma, director's cut de ce reboot...) Evangelion est toujours aussi problématique, incapable de livrer une réponse définitive. Tout simplement parce qu'il n'y en a pas.
J'ai beau avoir fouillé, analysé, recherché des indices et avoir élaboré les théories les plus diverses comme des millions de geeks à travers le monde, dont une bonne pelleté plus malins que moi, Evangelion reste toujours aussi incomplet. Je pense sincèrement qu'il s'agit là d'une des raisons de son immense succès: la série de Anno est inachevée. Il suffit, pour s'en convaincre, de suivre les déclarations du bonhomme, ses contradictions, ses aveux. Evangelion est une oeuvre en reconstruction constante, tant du côté des fans que de celui de son propre créateur, incapable, semble-t-il, d'en livrer une version définitive. Je pense que cette apparente faiblesse est, en réalité, le plus grand atout d'Evangelion.
Si j'osais faire un parallèle un peu lourdingue avec l'histoire de la série, je dirais que le véritable Plan de Complémentarité consiste à laisser les spectateurs eux-même combler le manque qui subsiste éternellement au niveau de la finalité de l'histoire, de sa philosophie véritable, des sentiments et des relations qu'entretiennent les personnages. Un vide minuscule, une imperfection qui attise notre motivation et nous force à libérer le meilleur de nous-mêmes dans la recherche d'une "théorie du tout" qui satisferait notre compréhension. Sans spoiler, je retiendrai cette leçon des épisodes finaux qui nous exhortent non pas à découvrir la réalité, hélas inaccessible, mais plutôt à rechercher notre vérité, c'est à dire une façon de voir les choses fatalement imparfaite, pétrie de contradictions, voire de naïveté... Mais un crédo qui nous correspond et qui fait sens pour nous, nous aidant ainsi à évoluer. Cette leçon est valable pour toutes les oeuvres "occultes" qui nous poussent à nous prendre la tête... et puis surtout pour notre vie réelle parce que, comme le réalisateur lui-même cherche à nous le faire comprendre à la fin, Evangelion, après tout, c'est juste un putain de dessin-animé...