Orphan Black est le prototype même de la série Netflix actuelle : un concept plutôt intéressant, économiquement développé et produit, avec un aspect précis de qualité qui déborde tous les autres éléments, ne cherchant pas à surprendre mais à donner à manger au consommateur pour le sustenter. Le premier épisode laissait rêveur : une jeune femme surprend son propre sosie en train de se suicider et décide d'usurper son identité pour la dépouiller post-mortem. Elle se retrouve alors empêtrée dans une sombre histoire de clones, d'entreprises expérimentales, et doit pour défendre sa fille lutter avec ses sœurs clones contre des ennemis aussi mystérieux que changeants. Chaque épisode contient son lot d'actions, de bagarres, d'émotions et donne à manger aux cochons en ce sens qu'elle cherche à contenter le client, à ne pas le bousculer ni dans ses attentes ni dans ses certitudes, surtout pas essayer de le faire réfléchir : après tout, il a payé pour passer un bon moment. Le plus paradoxal est que la série est loin d'être mauvaise, et même si elle ne tient pas à proprement parler en haleine, elle fait passer à chaque épisode un bon moment. Il faut dire que la série tente de ratisser large tant les tartes à la crème sont présentes : la mère protectrice, l'histoire d'amour impossible, la bonne femme au foyer qui prend tout à coup un côté Breaking Bad et un petit peu de psychopathie disséminée ça et là. Avec un pluralisme aussi important de thèmes, à un moment, cela touche forcément juste et le spectateur se complaît rapidement dans une narration aussi peu crédible que parfois très grossière, voire vulgaire. Qu'importe, ce n'est pas la qualité première de la série.
En réalité, le charme principal de la série repose sur le jeu de l'actrice principale Tatiana Maslany qui est véritablement impressionnante, d'autant plus en version originale. Elle réussit le tour de force de camper des personnages ontologiquement différents, forcément un peu caricaturaux, et est plutôt exceptionnelle en Cosima ou en Krystal. Le personnage d'Alison est également brillamment interprété et se révèle avoir régulièrement des trames scénaristiques parallèles, souvent plus intéressantes que celle du personnage principal : Sarah Manning. En revanche, les autres personnages peinent à s'installer en dehors de leurs caricatures, et ne parviennent à une véritable densité qu'à partir de la saison 3 ce qui pose problème tant ils s'entremêlent dans l'intrigue. Cette série touche certes aux sujets bioéthiques, et notamment du clonage, mais autant dire que sur ce point elle ne dit rien, ne fait pas réfléchir, use de subterfuges dystopiques un peu déjà vus et ne parvient vraiment pas à s'ancrer dans le réel. Le spectateur ne se rend compte que pendant la dernière saison que la série se déroule au Canada et ne parvient pas vraiment à croire aux ennemis combattus tant ils nous donnent mal à la tête à partir du début de la saison 2. Quant à la trame scénaristique, la quantité a primé sur la qualité, et les recours au fusil de Tchekhov sont un peu cousus de fil blanc. Orphan Black égayera sans doute vos journées pluvieuses, le café à la main, la tête ailleurs, sans pour autant laisser un souvenir impérissable.