Oz
8.4
Oz

Série HBO (1997)

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"Toi qui entre ici, abandonne tout espoir"

Avec l'ambition d'améliorer la réinsertion sociale de détenus une fois sortis de prison, l'unité expérimentale appelée Emerald City dans le pénitencier, surnommé Oz, permet l'interaction entre prisonniers très différents. Ceux-ci s'autorégulent et circulent librement à l'intérieur de ce quartier. La série suit le quotidien de ces habitants, comprenant prisonniers et personnel de la prison, et possède deux atouts :
Elle ne cache rien. Le mode de vie en prison nous est décortiqué en détails. Le déroulement de chaque jour, les transferts de prisonniers en fonction de leurs actes et crimes, comment s’y passent différents événements tels qu'une fouille, une visite, un rendez-vous, une séance de désintoxication, etc. Le fonctionnement d’un pénitencier est connu de façon précise par le spectateur. Il en est de même pour ses habitants. Dans ce système carcéral travaillent des gardiens et autres employés qui nous font profiter de leur travail, leurs remises en question et corruptions pour certains. Quant aux personnages, présentés d'abord par leurs crimes et peines, on suit leurs allées et venues, rencontres, travail, réflexions, sexualité et vie familiale.
Divisés en groupes idéologiques, sociaux et ethniques, ceux-ci se livrent une guerre des gangs stratégique à plusieurs desseins, principalement dominer le trafic de drogue, garantissant le respect et le pouvoir au sein de la prison. L'idée de départ du quartier libre est un bon prétexte pour pouvoir suivre les pires criminels confinés ensemble, et les voir agir comme bon leur semble. Devoir tuer quelqu'un sans qu'aucun autre gang ne le sache. Pour cela, déterminer stratégiquement le lieu et le moment du meurtre, la manière, en faisant porter les soupsons sur quelqu’un d’autre. Chaque gang a son leader charismatique temporaire, et entre tous ces membres en communauté, interagissent les électrons libres. La plupart n'appartiennent à aucun groupe, cherchent le plus souvent à purger leur peine sans histoire, alors que d'autres participent occasionnellement à diverses manigances, certains en ont fait un mode de vie, grâce à leur charisme certain. On suit l'élaboration de chaque plan, les uns après les autres, sans forcément savoir qui va être la victime, les gangs impliqués et surtout comment cela va se passer concrétement : les imprévus probables peuvent renverser la situation en quelques secondes.
Dans ce système, les nombreuses surprises et rebondissements perturbent le fonctionnement des plans échafaudés : le bodycount est impressionnant et les morts très surprenantes de par leur caractère inattendu. Un coup de couteau incontrôlé suffit pour écarter définitivement un personnage, quelque soit son statut. La série tient ici sa première force principale : le fait que l'on ne peut prévoir ce qui arrivera. Un personnage arrive en prison, impossible de déterminer combien de saisons ou de minutes il survivra dans Oz. Jamais personne n'est filmé comme futur mort, la mort surgit d'elle-même. Cette surprise s'avère toujours efficace car tout est temporaire. Les personnages subissent des événements perturbateurs qui font varier leurs interactions, rapports de forces et places dans le groupe, sans que rien ne soit définitif. Rien n'est stable pour tout le monde, dans Oz comme à l'extérieur, où même les familles ne sont pas épargnées.
Avec ses nombreux personnages, dont on ne pourrait désigner les principaux, et ses nombreuses actions, la violence n'est jamais suggérée et la nudité explicite. Pas question de se censurer ou de s'adapter à une autre sensibilité, tout est frontal, filmé comme le reste et finalement toutes les blessures, morts et armes paraissent banal dans ce quotidien. Devoir éliminer ou tuer quelqu'un pour que les affaires prospèrent, ça fait partie de la même routine que de devoir se lever, manger, travailler, se coucher.


Le second atout d'Oz est sa narration particulière. Installé dans sa cellule en verre, Augustus Hill, un prisonnier paraplégique, fait part aux spectateurs de sa réflexion au long de la série. En s'adressant à eux, ce sont les paroles d'un vrai prisonnier que l'on croirait entendre. En découvrant son point de vue, celui-ci nous fait partager son avis, ses réactions, son humour et son cynisme. Chaque épisode aborde un thème précis pour finir à une conclusion faisant le lien direct avec l'enceinte d'Oz. Ces monologues explicitent les métaphores de la série. Abordant un nombre important de thèmes nous touchant tous, l'identification aux personnages se fait de plus en plus complexe. Le message reste universel et intemporel, comme si l'on regardait une tragédie classique. Shakespeare est d'ailleurs cité en fin de série via la pièce de théâtre « Macbeth » où les prisonniers jouent leurs propres rôles dans cette mise en abyme.
Faisant la métaphore de la société américaine, avec un melting-pot prononcé, voire métaphore de la vie en société en général, la série apporte encore plus au divertissement déjà excellent en tant que tel. Avec un peuple exhaustif, la prison a des airs de cage à rats où les scientifiques font des expériences sociologiques. Une fois sa place bien installée dans cet environnement, l'individu est perturbé par des évènements où s'entrechoquent foi, communauté, origines, sexualité, et d'autres nombreux thèmes abordés. La place au sein d'un groupe (ou non) et même la mentalité de chaque habitant se retrouvent également instables, conditionnés à un mode de vie particulier et des situations exceptionnelles. La série pose et explore de nombreuses questions sur ces sujets sans dresser d'avis radical, c'est la complexité et le questionnement qui priment.
C'est alors que le spectateur s'identifie aux détenus qui sont humains, bien humains. Et c'est surtout lors de moments touchant à la famille que l'empathie surprend soudainement, quand un raciste sadique et antipathique retrouve ses fils perdus de vue, quand un détenu console son frère de cauchemars ou quand un leader barbare se voit troublé par ses origines. La vision du personnage en est radicalement changée. Le moment le plus positif reste cette collecte où tous les habitants d'Oz s’unissent et donnent de l'argent pour le petit-fils malade d'un détenu, comme si tous les conflits s'arrêtaient. La série fait également ressentir de la compassion pour des actes de criminels, lorsque qu'un leader se fait insulter car faisant honte à sa communauté par exemple, on se surprend aussi à être triste pour un despote déchu de son empire. Et régulièrement, cette société très active se suspend le temps d'un morceau de violoncelle, d'une fascination pour une star du basket, d'une berceuse qu'un détenu chante à son frère attardé, un baiser amoureux lors d'un coup de foudre… Les habitants d'Oz traversent une palette exhaustive d'émotions et de mentalités. Les personnages sont complexes voire ambigus, et malheureusement cela ne s'applique pas à tous les gardiens dont certains ne présentent qu'une facette. C'est bien le seul défaut de la série, minime et très peu présent, donc peu dérangeant.
Concernant le domaine carcéral, celui-ci est fortement critiqué. Alors que le principe d'Emerald City est l'autogestion pour une vie normale en société, c'est la criminalité qui s'autorégule et même se (ré)génère comme un cercle vicieux. De plus, certaines situations soulèvent des absurdités et contradictions qui font douter du système en place, remettant en cause les notions de justice dans l'époque présentée. A l'image de Tobias Beecher qui est sans profil délinquant, ni criminel. Celui-ci entre dans Oz dès le début de la série suite à un accident et est le fil conducteur identificateur pour le spectateur. Un personnage qui, conditionné à son nouveau mode de vie, devient criminel pour survivre, et se perdra de plus en plus au cours de ses années de détention. Alors que les habitants d'Oz s'en remettent de plus en plus à la religion (il y a même une parenthèse mystique étonnante dans ce réalisme cru), la série, elle, frappe avec son profond nihilisme et le désespoir dominant. Pour aucun habitant la situation ne s'améliore. Il y a de rares moments d'espoir, mais qui s'avèrent tous faux. L'idéalisme de départ disparaîtra rapidement et des événements malheureux anéantiront chaque bon pas. Voila ce dont on peut être certain dans Oz, une fois que l’on y est entré, on ne peut en sortir, sinon mort. Exceptionnellement, un détenu en sortira vivant et pour de bon. Mais même pour lui, il y aura des séquelles irréversibles. La prison s'apparente à un enfer et si on surmonte la longueur et la dureté du "système pénis" décrite par le narrateur, le système pénal reste le plus fort, malgré toutes les injustices qui s'y passent, et pervertissent les plus irréprochables des prisonniers. La mortalité soudaine est omniprésente à Oz mais ne peut toucher Oz lui-même et ses murs restent immortels. Ce n'est pourtant pas faute pour les détenus d'avoir essayé.
Siry
10
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Créée

le 17 déc. 2012

Critique lue 1.1K fois

12 j'aime

Siry

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