Oz
8.4
Oz

Série HBO (1997)

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Le dernier jour d'un condamné

Quelle oeuvre, depuis Victor Hugo, nous force autant, en effet, à entrer malgré nous dans l'horreur du quotidien d'un prisonnier et plus précisément dans celui d'un condamné à mort ? Oz aborde tellement de thèmes qu'il serait prétentieux de penser les traiter tous dans une critique : retenons-donc les principaux, en particulier celui de la punition et de la peine de mort.


Rien que le nom, d'ailleurs, prête à une sordide ironie : Oz, qui en lieu et pour place d'un royaume imaginaire et rêvé laisse place à la réalité d'une prison de sécurité maximale où le meurtre, la drogue et le suicide sont les seules échappatoires. Il est important de noter d'ailleurs que pour tous ceux et toutes celles qui gravitent autour, Oz est un trou noir, qui aspire l'énergie vitale de chacun. Qu'on soit gouverneur, procureur, avocat, policier, maton, visiteur, prisonnier ou condamné à mort, Oz finit par rattraper, broyer et détruire méticuleusement chaque personne... inexorablement.


En ce sens Oz est une oeuvre éminemment politique et polémique. C'est même un brûlot, non pas uniquement contre le système pénitentiaire, mais contre toute la société occidentale moderne qui se croît si vertueuse dans le respect et l'application des droits de chacun. Et en de nombreux exemples il nous ait montré comment la volonté de rédemption des uns et des autres est tout simplement annihilée, sur la base d'une présomption de culpabilité éternelle.


De la même manière que "Le Dernier Jour d’un condamné" d'Hugo donc, la grande force de cette série est de nous mettre dans la peau de ces prisonniers, qui sans être innocents de leurs crimes, n'en restent pas moins des êtres humains avant tout. En nous forçant à nous mettre à égalité avec eux, comme si nous-mêmes nous étions des co-détenus, nous nous rendons compte à la fois de l'inefficacité de tout ce système et surtout de son injustice patente.


Et au fond quelle différence y'a-t-il entre Adebisi et Saïd ? le monde entier, en principe, me direz-vous. Et pourtant entre les murs d'Oz, ils seraient presque frères face à une même injustice aveugle. Le père Mukada a beau essayer du mieux qu'il peut d'accompagner les condamnés à mort jusqu'à leur dernier soupir, la soeur Peter Marie a beau protester la peine de mort et essayer de soigner les maux de l'âme des détenus, le "minister Saïd" a beau essayer de canaliser l'énergie et la violence de ses semblables vers une recherche continue de la justice, rien n'y fait, le système détruit tout sur son passage et ne laisse aucun survivant, coupable comme innocent, criminel comme repenti.


Et c'est là qu'est le véritable plaidoyer de la série, c'est là que retentit sa noblesse : une exécution laisse aux uns les pleurs et autres la nausée mais personne ne peut être insensible face à cette barbarie innommable.


Comme lors de l’exécution de Cyril O'Reily, par exemple.


Oz a le grand courage de nous montrer, qu'on le veuille ou nous, un miroir de notre société et de nous forcer à fixer ce miroir les yeux dans les yeux, dans toute son horreur. Et finalement, le côtoiement de ces détenus nous en apprend bien plus sur nous-mêmes, sur nous tous, qu'aucune autre chose. Et pour ça c'est une oeuvre absolument majeure.

taboun
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le 21 juin 2016

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taboun

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