Oz
8.4
Oz

Série HBO (1997)

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Oz : Fin tragique et tragédie sans fin

La série fait souvent référence à la tragédie classique : fatalité d'une catastrophe annoncée, destin inéluctable soumis à des forces qui le dépassent et à la violence des passions humaines.


Les épisodes sont jalonnés d'intermèdes où Augustus Hill (Harold Perrineau) tient le rôle du coryphée, ce personnage de la tragédie grecque qui prend ses distances de l'intrigue pour la commenter, dialoguer avec les spectateurs ou avec les acteurs. Ses interventions à caractère philosophique, sociologique (les gangs, la délinquance, le système pénitencier, la peine de mort...), politique, économique, historique, sont parfois ennuyeuses ou grandiloquentes, parfois justes et pertinentes, et encadrées de mises en scènes variables allant de la sobriété à l'excès de décorum.
On assiste étonné à une soudaine exception au 6ème épisode de la saison 5 qui est entrecoupé de clips chantés par les acteurs, comme dans une comédie musicale. Après la mort d'Augustus à la fin de la saison 5, quelques « revenants » viendront ensuite se substituer à lui. L'idée de varier ainsi le style des intermèdes arrive hélas trop tard.


Chaque personnage demeure le jeu de ses passions, l'objet de son destin auquel il ne peut échapper. L'ombre de la mort plane sur Oz. Malgré toutes les velléités de rédemption, de pardon, de compassion, Oz ramène toujours le rêveur à sa condition : haine et vengeance, violence et souffrance, mensonge et trahison, peur et domination, sadisme impitoyable. D'où une impression de cycles et de répétitions, œil pour œil, spirale de la violence, lutte sans fin pour le pouvoir et le contrôle du trafic.


Oz est une tragédie et une somme de tragédies. L'épisode du bus des familles est un modèle de tragédie. La première scène montre l'accident, puis se déroule le destin implacable. Peu sont ceux qui échapperont à la mort jusqu'à l'épilogue shakespearien avec la mise en scène de Macbeth (qui rappelle Hamlet et le théâtre dans le théâtre), où Macbeth-Schillinger, le roi paranoïaque dévoré par la passion du pouvoir, est mis à mort sur la scène du pénitencier. « Rideau ! » est le titre du dernier épisode.


Les invraisemblances sont nombreuses. Il est peu probable qu'une équipe de télévision puisse tourner un reality show qu'un magazine organise une séance de photos de mode avec les condamné à mort, qu'on mêle des réfugiés à des criminels, ou qu'on puisse creuser à la petite cuiller un tunnel dans le béton armé. Les innombrables meurtres qui s’enchaînent sont probablement une réalité dans les prisons de certains pays, mais aujourd'hui aux Etats-Unis le taux d'homicide en détention est inférieur à celui en population générale.


Bien que la série se veuille non manichéene, certains personnages sont caricaturaux. Le nazi Schillinger incarne le mal absolu et inamendable, le gouverneur Devlin la corruption et le pouvoir sans scrupule. D'autres sont plus complexes, plus ambivalents. Beecher et Hill sombrent mais se relèvent et résistent. Le vieux Rebadow, rescapé de la chaise électrique, patient et résigné, se laisse un moment gagner par ses pulsions criminelles. Kareem incarne la quête de justice mais aussi de pouvoir, O'Reiley la fidélité fraternelle et la survie par la ruse, et Miguel Alvarez lutte sans fin contre sa colère. Adebisi n'est jamais gagné par la peur mais bascule dans la folie. Keller enfin, est le personnage le plus ambigu, prototype du pervers à la personnalité clivée. Certains « couples » sont émouvants : les frères O'Reiley, Beecher et Keller, les deux vieillards (Agamemnon et Rebadow).


Mais la grande réussite de la série est son casting. Le jeu est parfait, irréprochable. Tous les acteurs sont prodigieux, authentiques. On n'observe aucune fausse note. Et l'émotion intense est permanente. On compatit, on s'indigne, on espère, et quelquefois on est complice.


Oz est un symbole et un concentré d'humanité dans ce qu'elle a de pire mais aussi parfois, rarement, de meilleur. Pour cette raison, la série s'éloignera finalement de la tragédie en laissant entrevoir une note d'espoir. D'abord l'œuvre est politiquement engagée. Les critiques ironiques d'Augustus sur le système judiciaire et carcéral, sur la peine de mort, et sur la société américaine, sont souvent précis et pertinents. Mac Manus et le Dr Nathan sont fidèles à leurs idéaux et ne perdent jamais espoir. De même avec peut-être une connotation religieuse le père Mukada, sœur Peter Mary, et bien sûr Kareem Saïd. Enfin, la culture est proposée comme rempart contre l'instinct de mort. La mère d'O'Reily apporte le théâtre et Stella la littérature. Lors du dernier épisode, Rebadow et Stella récitent dans la bibliothèque ces vers de William Blake évoquant une forme de libération :

To see a world in a grain of sand

And a heaven in a wild flower

Hold infinity in the palm of your hand

And eternity in an hour.

Paddy971
9
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le 28 mai 2015

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