Mais c'est quoi ? Mais ça fait peur ? Mais ça va où ?
Le raccourci serait de dire que « Penny Dreadful » est une de ces séries qui surfe sur la vague de HBO. Un peu de trash, un peu de sexe, parfois les deux en même temps, et vous avez sous les yeux l’opium du peuple. Voilà, ce qu’on peut entendre de certaines nouvelles séries. Alors, pour ma part, petite critique pour dire non. Un "non" que je dis de plus en plus fort en avançant dans le visionnage depuis plusieurs mois maintenant.


Non, ce n’est pas une série qui fait dans l’horreur pour le simple but de nous faire un peu monter la tension au fond de notre canapé. Ce n’est pas non plus une série qui en fait des tonnes en matière d’hémoglobine ou de « gore » pour que le résultat soit dégoûtant. C’est vrai, ça devient rare de ne pas vouloir en faire trop pour être efficace. Non, ce n’est pas une resucée des plus grands clichés de la littérature fantastique. On pourrait croire, mais en fait non.
La première chose qu’il faut noter selon moi dans cette série, c’est la richesse d’un scénario particulièrement original : effectivement, il y a tellement un peu de tout qu’on pourrait croire que ça donne n’importe quoi. De mon point de vue, c’est un exercice magistral de réussir à rassembler autant de références littéraires, de faire se rencontrer Frankenstein et Dorian Grey de façon crédible. Les auteurs et artistes côtoient les personnages fictifs de certaines œuvres, les barrières tombent et il fallait oser. Le bémol, c’est le rythme très irrégulier : parfois, certains épisodes sont d’une longueur impressionnante puis le rythme s’accélère dans les cinq dernières minutes. Après, est-on constamment obligé de faire dans l’excès de vitesse (et l’excès tout court) ?
Pour moi, cette série renoue avec un rythme dans la narration qui s’est perdu en cours de route, malheureusement. Ce n’est pas le scénario fantastique actuel, c’est plutôt retrouvé un peu de la classe victorienne qu’il y avait dans les premiers films adaptés des grands classiques. Certains épisodes m’ont beaucoup fait penser au « Dracula » de Coppola qui arrivait à restituer le roman de Stoker, jusque dans la correspondance des personnages (place de la voix off, soin apporté au dialogue distingué…). Les décors, les couleurs, la façon de filmer, tout rejoint une volonté d’aboutir à un résultat raffiné mais qui sonne juste quand on se prête au jeu.
Quant au « gore » et à l’aspect macabre du show, je n’y ai rien trouvé de choquant dans le sens où la finesse et les références littéraire donnent un sens intéressant à des plans qui sont très bien filmés, jamais bâclés. Les morts qui reviennent à la vie sont porteurs d’une grande humanité (on se croirait dans du Tim Burton tellement c’est une belle façon d’en parler des fois), là où la soif de vie passe par l’envie de se cultiver, les références à la religion ne sont pas là juste pour s’y opposer « par principe » mais au contraire vont poser la question du sens de la foi : en quoi croire ?
Voilà la question qui résume le mieux cette série : en quoi croire ? Où sont les limites que l’on fixe entre le fictif et la réalité, entre le macabre et la beauté, entre le sacré et le profane, entre l’amour et la haine, entre le western et le drame victorien, entre la science et l’éthique entre la vie et la mort…et tant d’autres notions que l’on n’ose habituellement pas mettre dans le même shaker.
Le résultat est un cocktail savoureux, parfois explosif dont on sait que chaque ingrédient a été choisi avec soin. Et il est certain que le casting mériterait un pourboire…on aime ou on n’aime pas, mais il fallait oser. Quand à l’heure actuelle de plus en plus de programmes sont à côté de la plaque, être décalé c’est tirer dans le mille !

Mawelle
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Les plus belles claques esthétiques et Top 10 Séries

Créée

le 8 juin 2016

Critique lue 1.2K fois

2 j'aime

2 commentaires

Mawelle

Écrit par

Critique lue 1.2K fois

2
2

D'autres avis sur Penny Dreadful

Penny Dreadful
Vivienn
5

EVAngelion

Au sein d'une année 2014 qui semblait déjà avant l'heure plutôt généreuse en terme de nouvelles séries, Penny Dreadful faisait sans aucun doute office de l'un des projets les plus attendus de l'année...

le 2 juil. 2014

53 j'aime

10

Penny Dreadful
Halifax
5

Penny Dreadful vendait du rêve...et accouche d'une souris !

Penny Dreadful était l'une des très grosses attentes de 2014 ! Premier épisode clinquant, noir, visuellement très beau. On rigole pas chez Showtime, quand ils font quelque chose ça démarre souvent...

le 4 mai 2014

52 j'aime

5

Penny Dreadful
CharlesCrtn
8

Critique de Penny Dreadful: Attention parti pris d'un lettreux émotif !

Le Penny Dreadful est au XIXème siècle une histoire macabre vendue en petit format dans un papier médiocre mais qui suscite un grand intérêt auprès de la classe ouvrière britannique. Dans ce sens...

le 22 juil. 2014

34 j'aime

3

Du même critique

Et si l'amour c'était aimer ?
Mawelle
8

Voyage en Absurdie occidentale

Il y a assez peu d'auteurs/dessinateurs de bandes dessinées qui pourraient se venter de réussir à me faire rire. Enfin, pas le sourire en coin du gag, non, je parle du vrai rire. Celui dont on peut...

le 14 nov. 2017

24 j'aime

1

Adrastée : Intégrale
Mawelle
8

Méditations en bord de bulles

Tout est de la faute d'un éclaireur que je ne dénoncerais pas. Vous ne connaissez pas encore Mathieu Bablet, et il y a de ça quelques jours moi non plus je ne le connaissais pas. "Adrastée" est...

le 21 sept. 2016

14 j'aime

2