Cette série est la plus affligeante que je connaisse. Déjà le titre de la série. Tel un slogan de soda marron qui, même en cherchant au cinquantième degré et en occultant cette syntaxe douteuse, ne veut absolument rien dire ("souris la vie", "vibrez football"...) à part que les auteurs ont indéniablement laissé leurs enfants jouer avec Word pendant qu'ils en étaient à leur énième pause coke (et LÀ je ne parle pas du soda marron).
À chaque fois que je demande à quelqu'un (à part mon grand-père) comment il trouve l'énergie de s'infliger quotidiennement ces vingt minutes de défécation télévisuelle, on me répond que "non mais en fait je sais que c'est con hein je regarde pas ça au premier degré tsais hu hu" (ce qui ne veut rien dire, puisque même au premier degré les pubs de viande hachée Bigard sont meilleures). Et tout ça pour que, dix minutes plus tard, je sois entraîné malgré moi dans une discussion sur "comment cette salope de X a pu inoculer le sida à cette pauvre Y non mais tu te rends compte". Euh... non (en fait "j'en ai rien à péter" serait plus juste, et ça me permettrait de filer la métaphore gastrique introduite dans le savant jeu de mots glissé dans le titre de cette critique).
Car il se passe des choses graves et tout à fait vraisemblables dans cette série. De VRAIS problèmes socio-culturels y font leur apparition, à tour de rôle (j'attends avec impatience la thématique "pauvreté du paysage audiovisuel", avec tous les personnages vomissant devant leur télé, mais j'ai comme un doute). Enfin, "à tour de rôle", c'est vite dit. Certains personnages de la série ont le don de remplir plusieurs cases du tableau "quotas/minorités" dont se pignole le CSA : un personnage féminin lesbien délinquant drogué sans emploi, ça claque (bonus points s'il vit dans un camping car volé à des Roms). N'hésitant devant aucune tonalité moralisatrice arriérée, il ne fait pas bon faire des erreurs de "choix de vie" au Mistral, quartier général de cette vieille France à laquelle rêvent ces vieux chewing-gums gris de Michel Drucker et Jean-Pierre Pernaud.
Quant aux acteurs... Ce n'est pas donné à tout le monde d'émerveiller son public quand on doit interpréter des dialogues aussi plats qu'un écureuil écrasé. Mais quand même, on comprend pourquoi chacun d'entre eux s'efforce de surjouer la moindre interjection, avec les horribles dialogues qu'on leur soumet. Ou alors de bien appuyer le tic de langage que la catégorie sociale de son personnage lui impose (le jeune va dire "relou", le rebeu "wesh" ou "vazy") selon les usages linguistiques des années 1985-1996. Dans la saison vingt-deux (en 2026) les jeunes diront peut-être "trop dar" ou "t'as le seum", qui sait.
Enfin bref, tout ça pour dire que Plus Belle La Vie, c'est une série qu'on est vraiment bien sans elle.