Poupée russe
6.8
Poupée russe

Série Netflix (2019)

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saison 1

Nadia, une juive new-yorkaise, fête son anniversaire dans l’appartement d’une de ses copines avec un grand nombre d’invités qu’elle ne semble pas très bien connaître. Et elle semble s’en ficher un peu. Elle se fiche un peu de tout d’ailleurs, à part de son chat qui a disparu. Cette « bobo » trentenaire ne fait pas très attention aux autres ni à elle-même. Elle fume comme un sapeur, aime la fête, ne croit en aucune religion, tient fermement à son célibat, se demande jusqu’à quel âge elle pourra suivre ce rythme et tout cela semble la contenter. Elle n’est pas méchante mais vit pour elle sans attache ni contrainte en dehors de son boulot d’informaticienne. Elle quitte ensuite la soirée pour passer du bon temps avec un homme et va chercher son chat disparu. Mais chemin faisant, elle se fait percuter par une voiture et meurt aussitôt… Elle se retrouve alors dans la salle de bain de l’appartement où se fête son anniversaire… Et c’est le début d’une suite incalculable de morts à répétition qui la renvoient systématiquement au même endroit !

Nous voilà donc nous-mêmes condamnés à revivre le film « un jour sans fin ». Et en effet, le principe est le même, sauf qu’ici, il faut mourir pour repartir à zéro. Mais rassurez-vous, si vous n’avez pas aimé le film, vous pourrez tout de même apprécier « Russian Doll » car le ton et l’ambiance qui s’en dégagent sont très différents. Si similitude il y a, il réside surtout dans le charisme apporté dans les deux cas par l’acteur principal. Ici donc, à défaut de Bill Murray, on retrouve Natasha Lyonne (vue dans « Orange is a new black ») qui brille dans l’interprétation de cette Nadia haute en couleur. Sa démarche de garçon manqué, sa voix rauque, ses répliques cinglantes et cyniques assénées la clope au bec sont un pur régal. A cela s’ajoute cet humour de situation simple mais terriblement efficace résumé à cette question: quelles morts nous réserve-t-elle encore ? Celles-ci sont distillées sur les 8 épisodes avec un réel esprit comique (pour la plupart car quelques autres sortent littéralement de ce registre). On sent bien que les auteurs s’en sont donnés à cœur joie et la mécanique devient assez jubilatoire!

Mais cela fait moins rire Nadia qui va logiquement mener son enquête pour élucider la raison de ce calvaire. Et celle-ci est vraiment bien faite avec un personnage qui arrivera en milieu de saison et compliquera la situation tout en apportant les clés de sa résolution. Alors, nous aussi, on cherche à comprendre et on émet des hypothèses. Et comme dans « un jour sans fin », la voie réside avant tout dans l’évolution psychologique des personnages. C’est judicieux car il aurait été dommage de ne pas s’intéresser aux failles d’une héroïne aussi croustillante. On accédera donc petit-à-petit à ce qui fait que Nadia est ce qu’elle est. Chaque boucle temporelle viendra compléter le puzzle de sa vie et son personnage gagnera en épaisseur au fil des épisodes. On en arrive donc à une histoire où le fond justifie la forme et où l’humain est au centre d’une narration qui a sa structure imposée.

Mais les auteurs, toujours soucieux de briser la monotonie de leur jouet, ont aussi eu l’intelligence de rajouter du fantastique, voire de l’horreur, dans certaines séquences. Cela permet de varier les tonalités de l’ensemble et comme le fantastique fait partie du postulat de départ, ils auraient eu tort de se priver ! Et même si sa justification semble un peu tirée par les cheveux, son utilisation n’est pas gratuite et apporte des éléments intéressants au récit. De même, il fallait trouver une issue cohérente à la mécanique mise en place. Et en cela, le dernier épisode s’avère inventif et finalement assez poétique.

On pourra reprocher à la série un manque de profondeur et c’est vrai qu’elle se veut avant tout divertissante. Mais elle est aussi pleine de fraîcheur et parfaitement équilibrée en plus d’être une ode à la vie et à l’entraide. Portée par sa formidable actrice au bagou phénoménal, elle n’oublie pas non plus de traiter finement la psychologie de ses personnages grâce à des dialogues succulents, à une mise en scène précise de son procédé stylistique et à une narration cohérente. Au final, dès que vous entendrez la petite musique pianotée, signe d’une énième renaissance, vous vous demanderez quel chemin sera pris lors ce nouveau chapitre ! Et en plus, la bande son est super. « Sweet birthday baby ! »

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saison 2

Saison 1, un jour sans fin

Quand on avait quitté Nadia en 2019, celle-ci déambulait une nuit de carnaval, l’air épanouie en compagnie de son nouvel ami, Alan. Pourtant, pour atteindre cet état d’allégresse, il lui avait fallu mourir un nombre de fois beaucoup trop important pour une simple mortelle. En effet, celle-ci était tout d’abord morte renversée par une voiture après avoir quitté l’appartement où se déroulait la fête organisée en son honneur pour son anniversaire. A la suite de ce fâcheux événement, elle s’était directement retrouvée catapultée dans le temps, à la place qu’elle tenait quelques heures auparavant dans la salle de bain de ce même appartement,... S’était alors ensuivi une succession de décès qui la ramenait inlassablement au même endroit, au même moment. De quoi devenir folle… Durant cette interminable journée, elle avait alors fait la connaissance du fameux Alan qui connaissait le même désagrément, sans plus comprendre qu’elle ce qui lui arrivait. Au prix de multiples efforts, tous deux étaient parvenus à trouver les clés leur permettant de briser ce consternant maléfice. Mais ici, point de magie ni de sortilèges… Simplement un court récit initiatique où le rapport au monde des deux protagonistes allait être remis en question. Ainsi, durant 8 épisodes, on avait assisté à une fable moderne et originale où le fantastique côtoyait la farce et dont la morale, pleine de sagesse, avait eu le don de faire grandir ses personnages en leur insufflant un souffle de vie bienfaiteur.

What’s next ?

La question se posait maintenant de savoir comment les auteurs allaient pouvoir donner suite à cette histoire…Le concept initial ne pouvant être à nouveau réutilisé sous peine de redite franchement facile, c’est cette fois-ci en prenant le métro que Nadia allait à nouveau devoir se confronter à elle-même.

On prend la même...

Dès les premières images, on constate avec joie que cette dernière n’a rien perdu de ce qui faisait son charme. Toujours habillée de noir, on retrouve sa dense chevelure rousse. Sa démarche chaloupée, presque masculine, nous conduit ainsi à l’hôpital où sa « mère adoptive » vieillissante, Ruth Brenner, se trouve en observation. Sa voix délicieusement éraillée continue de déverser le flot de sarcasmes et de jurons auquel nous étions coutumiers et qui constituait assurément le socle principal de sa communication verbale. Enfin, on est heureux d’apprendre que si elle essaie d’arrêter de fumer, elle n’y est pour l’instant pas parvenue. Ce n’est pas que l’on se fiche de sa santé mais on aimait Nadia telle qu’elle était et il aurait été dommage que quelques années de Covid égratigne un personnages aussi croustillant... C’est sur le chemin du retour qu’elle constate que quelque chose ne tourne pas rond. Dans la rame de métro, les gens fument et leur look paraît légèrement démodé ; un poster de la comédie musicale « Cats » est accroché au fond du wagon. Il lui faut se rendre à l’évidence : la voilà rendue en 1982 ! Cela serait à peu près supportable si elle ne réalisait pas rapidement que les gens qu’elle croise voient en elle… sa propre mère bientôt prête à accoucher d’elle…

Retour vers le futur

Voici donc le nouveau concept de cette saison : continuer à jouer sur la notion d’espace/temps tout en changeant sa composante. Pourquoi pas… Ainsi, ce que l’on croit être l’enjeu central du récit va rapidement nous être dévoilé sans qu’on n’y prête trop attention. En effet, il est indéniable que la jeunesse de Nadia auprès d’une mère schizophrène n’a pas franchement été dorée. Or, elle voit ici l’occasion de changer la donne pour que, par ricochet, son avenir s’allège des fardeaux dont elle a hérité. Et par lien de cause à effet, Alan se confronte rapidement à la même problématique bien que ces deux-là aient des avis divergents sur la manière de la traiter. Quoi qu’il en soit, vous l’avez compris, il s’agit d’une énième histoire de retour dans le temps où modifier le passé permet d’éventuellement débarrasser le présent de ses scories néfastes. Niveau originalité, on a connu mieux...

C’était mieux avant

Dans ce contexte, durant les premiers épisodes, difficile de retrouver la magie du premier volet. Tout va trop vite : Nadia se voit embarquée dans une nouvelle vie sans réellement broncher ni paraître trop perturbée par ce qui lui arrive. Les situations cocasses qui pimentaient la première partie semblent s’être envolées ; même la verve jubilatoire de son héroïne a perdu de son mordant cynique. De plus, cette trame narrative s’avère jusqu’au bout moins propice à l’inventivité. Non pas qu’elle en soit totalement dénuée car de nombreuses surprises attendent le spectateur en chemin, mais l’association fable/fantastique s’agence moins bien et perd de son efficacité. Reste une ambiance, celle de New-York la nuit. Car quelle que soit l’époque, Nadia aime la nuit, le bouillonnement de la ville et la faune qui l’habite.

Quoique...

Pourtant, rapidement, on parvient à se détacher de ce que la saison 1 nous avait proposé pour dénicher dans ce second chapitre un trésor totalement inattendu : la tendresse. Car évidemment, pour Nadia, se retrouver dans la peau de Nora, sa mère, revient non seulement à la côtoyer de près mais aussi à faire connaissance de ses proches et du reste de sa famille. Et dans ce cadre, il suffira d’un baiser donné à la dérobée, d’une tête subrepticement posée sur une épaule où de mains qui s’effluerent tandis que affleurent quelques larmes pour se sentir envahi par l’émotion. Ces moments de douceur et d’empathie volés sont assez bouleversants pour ceux qui prennent le temps d’en mesurer la sincérité. Et pour les rendre palpables, la performance de Natasha Lyonne est encore une fois exceptionnelle. Elle ne surjoue jamais son personnage et laisse apparaître avec délicatesse une couleur nouvelle dans la palette déjà large d’une Nadia de plus en plus attachante au fur et à mesure que le récit avance. Elle devra ainsi se confronter à ceux et celles qui ont participé à sa construction et ont façonné son histoire. Et en cela, la série fait preuve d’une sensibilité tout à fait troublante renforcée par l’utilisation pertinente d’une bande-son qui était déjà une des grosses qualités de la première saison. Mais commencer celle-ci par « Personal Jesus » de Depeche Mode pour la terminer avec « Shine on you crazy diamond » de Pink Floyd cadre non seulement avec l’époque mise en avant dans la série mais aussi avec l’humeur qui la traverse. De dynamique et rythmée, celle-ci basculera subrepticement vers l’onirique voire le merveilleux.

Conclusion

De cette manière, le postulat fantastique un brin éculé qui sert de point de départ à l’intrigue nous apparaît finalement comme un prétexte permettant de rendre vivante une histoire familiale qui n’avait jusque là que peu de consistance. On finit ainsi par se prendre au jeu de l’enquête dans lequel se lance Nadia afin de reconstituer les événements qui ont fragilisé sa famille. Certes, cet aspect de la narration manque de coffre et aurait mérité quelques épisodes supplémentaires afin d’en étayer le contenu. Mais il est en partie compensé par la tendresse qui lie des individus auxquels on s’attache naturellement. Pour en arriver à un épilogue qui prend une nouvelle fois la forme d’une morale totalement dénuée de mièvrerie. Pas de doutes donc : les auteurs sont parvenus à réintroduire le concept qu’ils avaient inauguré lors de la première saison dans une histoire aux enjeux narratifs renouvelés, tout en prenant soin d’étoffer leurs portraits de personnages. Tout cela au travers d’une série qui brille par son humilité. Espérons maintenant que les réponses que Nadia et Alan ont obtenu à travers ces diverses mésaventures leur permettent de profiter encore plus intensément de la vie. Mais en êtres vicieux que nous sommes, on ne serait pas contre qu’un nouvel événement extraordinaire vienne perturber leur quotidien et les confronte à une autre facette d’eux-mêmes. Pour les faire grandir encore un peu plus...et nous aussi, par la même occasion.


Disponible sur Netflix


Cette chronique et bien d'autres ici https://seriephiledudimanche.jimdofree.com/2022/10/29/russian-doll-saison-2/

vosarno
8
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Créée

le 30 oct. 2022

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vosarno

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