Si dense et pourtant si creux ...

La série des Wachowski en aura fait baver plus d'un avec son concept accrocheur et sa bande annonce efficace, son label Netflix, son univers multiculturel. Promesses entrevues d'une histoire dense aux multiples ramifications, promesses de grandes scènes d'actions, d'une mythologie complexe, de personnages profonds et travaillés ...

Dire que Les Wachowski ont failli sur tous les points serait sûrement sévère , et pourtant pas si malhonnête ... Regarder Sense8 c'est comme regarder une pub Apple/Samsung, on s'émerveille devant la beauté des paysages proposés, on est happé par la multitude des ethnies proposées, et pendant quelques minutes on a l'impression de voyager, on prends conscience de la beauté que ce monde à offrir, on est alors touché par une certaine grâce. On se prend à penser à tout ce qui fait l'humanité, l'amour, la beauté, mais aussi la violence, la peur, la haine... On est soudainement épris de grandes valeurs, de grandes envies, tellement qu'on en oublie le fond, on en oublie le pourquoi du comment, on en oublie le concept de départ .

Et lorsque la caméra virevolte, que la série se pose, prend le temps de capter ces quelques moments de vie, que la playlist, qui ne semble d'ailleurs pas connaître de fausse notes, épouse à merveille les images proposées à l'écran, j'en viendrais presque à oublier ce que la série m'a proposé juste avant. J'en viendrai presque à oublier que tout au long de ces 12 premiers épisodes on en apprend jamais plus sur l'intrigue principale, que les motifs du " méchant " ne sont jamais vraiment dépeints et qu'au fond malgré toutes ses grandes valeurs et ses bons sentiments l'écriture des Wachowski ne semble jamais vouloir embrasser un destin plus grand que celui d'un conte pour enfant où le manichéisme est roi, où les grandes phrases sur l'amour, la mort, la vie n'ont jamais réellement de consistance puisque qu'elle sont distribués trop souvent et bien souvent à mauvais escient.
Ainsi les dialogues ne semblent jamais prendre d'épaisseur, les scènes d'actions suivent le même modèle que celles de mauvaises séries des années 90 utilisant ces ficelles qu'on connaît malheureusement tous à coup de gilet pare-balles, de chargeurs qui se déchargent au bon moment, d'armes miraculeusement à la portée du héros , d'ennemis qui attaquent au compte-gouttes et qui préfèrent aller au corps à corps que se servir de leur armes. On a envie de crier " So convenient ! ". On a envie de hurler aux Wachowski notre incompréhension, de leur demander au fond pourquoi utiliser un concept aussi innovateur si ce n'est que pour déblatérer des platitudes. Pourquoi faire quelque chose d'aussi grandiloquent quand au fond l'intrigue semble si creuse, que les personnages ne sont jamais vraiment nuancés ?

Là ou Lost avait réussi à introduire ses nombreux personnages à coup d'épisodes centrés et de Flashback bien sentis, Sense8 donne souvent cette impression d'être à contre temps. Peut être que le schéma adopté n'est pas le bon. Comment impliquer le spectateur par les destins proposés, quand toutes les scènes distillées sur chaque personnage ne sont que le prétexte à un événement en particulier ? On a cette sensation que certains personnages sont là pour faire le nombre ( l'indienne ), d'autres seulement pour leurs aptitudes ( l'asiatique ), d'autres encore pour leur cachet diversité et les paysages que l'on pourra explorer à leur côté ( l'africain).

Sense8 n'est au fond jamais plus que la somme de 8 personnages, leurs histoires ne semble jamais converger vers quelque choses de plus grand, la symbiose n'opérant que lorsque Sense8 revêtit son aspect clippesque. Sense8 malgré son idée de départ ne raconte jamais plus que qu'un Soap opéra. Sense8 c'est cette personne qu'on connaît tous, qu'on est ou qu'on a déjà été , cette personne pleine de rêves, fort de grandes idées sur l'humain et l'universalité du monde, persuadé d'avoir quelque chose à dire, mais qui au fond ne dit rien de bien nouveau ...