Sherlock a les qualités et les défauts de l’écriture de Steven Moffat (bon, ok, ses saisons de Dr Who, je mentirai en disant avoir vu les autres...). Cette série a dépoussiéré le personnage de Sherlock Holmes avec une classe, une intelligence et un savoir-faire remarquable. L’excellent casting y est déjà pour beaucoup (Benedict Cumberbatch et Martin Freeman évidemment, mais aussi absolument tous les autres acteurs, avec une mention spéciale pour Marc Gatiss, que j’aime vraiment beaucoup, et qui coécrit la série au passage). Le postulat de base était franchement casse-gueule (adapter les Sherlock Holmes à l’époque contemporaine, c’était du pur blasphème pour beaucoup), mais il a été traité de façon intelligente pour qu’après quelques minutes tout semble aller de soi. La découpe des épisodes aussi était casse-gueule (des épisodes qui font chacun un film de taille moyenne, ce qui fait qu’une saison dure 3 épisodes), mais s’avère être le temps idéal pour développer une intrigue, l’univers et les personnages, en mêlant habilement choses connues, changements liés à l’époque de l’histoire, et nuances dans la personnalité et les relations des personnages.
Dans l’ensemble, les intrigues et la création du suspens sont aussi un travail de maître. Mais c’est là que ma relation amour-haine commence avec Moffat. Les intrigues de Sherlock commencent sur un problème très « holmesien » (un client arrive, pose un problème, Sherlock se la pète en devinant des trucs), puis se développent, se complexifient, la tension monte, tout semble tellement compliqué mais la solution est juste là devant nos yeux, elle va être révélée... et ,finalement, elle fait un peu effet de pétard mouillé. Probablement parce que la série crée une attente tellement forte qu’elle ne peut pas être tout à fait comblée. Probablement aussi parce que je suis moins bon public que quand je m’extasiais devant Fight Club à 15 ans. Mais rien n’y fait, j’ai toujours un goût de trop peu à la fin d’un Sherlock. Ce qui est bête, c’est que je ne serais pas déçue si les autres parties des épisodes étaient « juste bien » et pas « absolument géniales ». Le dernier épisode en date (au moment où j’écris : S4E3, The Final Problem) est le meilleur exemple de ce « paradoxe Moffat », qui me frustre au plus haut point : tout l’épisode tourne autour des Holmes, autour d’un mystère familial ; Sherlock, Waston et Mycroft se retrouvent dans un huis clos qui crée une tension extrême, exacerbée par ce mystère et par une complicité magistrale entre les acteurs. Et puis soudain, paf, le mystère éclate, et il est un peu décevant. Mais uniquement parce que l’attente créée était beaucoup trop haute.
Finalement, la fin d’un Sherlock, c’est un peu comme la fin de certains Stephen King, lorsque le monstre invisible qui cristallisait toutes les peurs du lecteur apparaît, et qu’il se rend compte que, autant c’est terrible pour le personnage, autant ce qu’on avait projeté dans ce monstre n’était qu’en nous, et ne se retrouve pas dans le livre. Mais peut-être que c’est juste moi.
Dans tous les cas, ça ne doit empêcher personne de regarder cette série, qui est magistrale, réécrit les codes des séries sans y toucher, et pose tranquillement BBC au top de la télévision mondiale.