Sherlock
8.1
Sherlock

Série BBC One (2010)

Sherlock Holmes et le docteur John Watson reviennent pour nous raconter leurs aventures… au XXIème siècle.


Gatniss et Moffat son une vraie équipe gagnante quand il s’agit d’adapter avec brio une série/un livre célèbre. Ayant déjà réussi le pari avec Doctor Who (dont ils ont, depuis, laissé les rênes à d’autres pour le plus grand malheur des fans, diront certains), ils se lancèrent en 2010 dans la tentative d’adapter les aventures de Sherlock Holmes en retranscrivant ses codes à notre époque. Pari réussi puisqu’ils arrivent, sans trop de problèmes, à moderniser les différentes intrigues grâce aux prouesses technologiques et scientifiques, tout en abordant des sujets de société intéressants.
Mais leur grande force reste certainement leur manière de retranscrire fidèlement les personnages inventés par Arthur Conan Doyle. Ainsi, alors que Watson avait perdu toute sa force de caractère pour devenir le toutou ambulant de Holmes, ici, il retrouve son panache, son sens des initiatives et sa propension à rendre plus « humain » Sherlock Holmes auprès de son public. Car Holmes y compris retrouve ses lettres de noblesse et son caractère cynique, proche du génie et de l’autisme (ou du sociopathe puisque Sherlock se décrit comme un « sociopathe de haut-niveau »). En les complétant avec une belle brochette de personnages secondaires et d’acteurs, c’est un pur plaisir à regarder.
D’ailleurs, la réalisation est impeccable et reprend le même tic que Ritchie pour représenter tout le génie de Sherlock Holmes : les flash-backs, les gros plans et une mise en scène rythmée pour nous faire part des déductions impressionnantes du détective consultant. A cela, s’ajoutent une bonne dose d’humour et des intrigues bien ficelées qui reprennent bien différentes histoires écrites par Doyle (ou font des liens très adroits).
Maintenant, si nous rentrons dans le détail, voici ce que je pense de chaque saison :


-La première avait un vrai dynamisme, avec un vrai fil rouge discret, qui se concluait de manière intéressante. On nous présentait les personnages, l’univers et les scénarios étaient bien écrits : à un détail près. Dans les deux premiers épisodes, j’arrivais sans trop de problèmes à deviner la fin de l’épisode à cause d’un élément qu’ils mettent généralement vingt, vingt-cinq minutes à comprendre. Je ne cherche pas à dire que je suis d’une intelligence extrêmement élevée, simplement que c’est un peu difficile de considérer tel personnage comme un génie quand la solution pendouille au bout de son nez. Il y a évidemment des explications pour justifier tout ceci mais ça gâchait, au début, un peu mon appréciation de la série. Par chance, dès le troisième épisode de la saison 1, les bonhommes ont su me prouver qu’ils avaient le potentiel pour me plaire ;


-La saison 2 n’a fait que confirmer ce choix : scénarios intelligents, mises en scène qui s’épanouissaient de plus en plus, avec les personnages et le succès du « blog » de John. Bref, j’avais de quoi être satisfaite, surtout avec LE final qui avait de quoi nous faire hurler, tant l’attente pour résoudre le cliffhanger allait être long (comprenez bien, du fait de l’emploi du temps surchargé des deux acteurs principaux, ce n’était pas un an mais au moins deux ans qu’il fallait attendre). Avec le recul, j’exprimerai peut-être une petite remarque : faire la Chute de Reichenbach aussi tôt rendait le personnage de Moriarty très sous-exploité puisqu’on ne l’avait vu, au fond, que deux épisodes et demi sur six. Et comme après, les seules réapparitions allaient être difficiles…


-Néanmoins, la saison 3 réussissait à relever le niveau et à faire revenir le détective avec brio, bien que, encore une fois, je trouve le personnage du colonel Moran sous-exploité (il est à peine le méchant du premier épisode) et l’annonce de la survivance de Sherlock Holmes quelque peu… bâclée. S’en aller à penser que ça allait être le fil conducteur de l’enquête, la fin, ambiguë, me laisse un goût amer parce que… même si c’est l’explication la plus crédible, ça reste quand même pas sûre ! Un peu énervant. Enfin, en parlant d’énervant, je pense qu’on peut donner la palme au personnage de Charles Augustus Magnussen, supposément grand méchant reprenant le flambeau de Moriarty et qui… est aussi crédible qu’une piñata en forme de dragon. Et le cliffhanger ! mais alors, je l’avais TELLEMENT vu venir le Mystère-en-fin-de-saison-qui-est-tellement-gros-qu’on-n’arrivera-pas-le-gérer-dans-la-saison-prochaine !
Bon après le problème vient aussi de l’attente (trois ans voire quatre, disait-on à l’époque), qui a fait gonfler les espérances au point qu’on allait forcément être déçu… mais quand même !


-Mais, pour combler l’attente, fin 2016, sort un épisode spécial qui remet Watson et Holmes dans leur contexte originel et les fait enquêter sur la mort d’une mariée revenue à la vie pour assassiner son mari. L’épisode promet de faire patienter les fans et, s’il réussit à bien le faire, il reste quand même légèrement décevant puisque, alors que d’autres séries essayaient toujours de continuer le fil conducteur de leur histoire avec les épisodes spéciaux (cf. Downton Abbey), là, on ne nous en apprend vraiment rien de nouveau. Moriarty est bel et bien mort et comme en plus, la confirmation de l’hypothèse de Holmes n’est jamais apportée autrement que durant son bad trip, la conclusion de cet épisode semble bâclée et c’est frustrant… puisqu’il faut encore attendre un an pour avoir la suite des épisodes. Ça, plus le délire mystique des femmes qui prennent le pouvoir via une société secrète dont je ne sais vraiment pas quoi en penser…


-Enfin, la saison qu’on attendait plus, la saison 4 qui… fait l’effet d’une prise de LSD. Honnêtement. Emotionnellement, on a surtout l’impression de ne jamais être là. Trop comique ou trop mélodramatique, ce qui est quelque peu déconcertant. Et puis, il y a les enquêtes qui sont… comme d’hab’ mais là, comme TOUTE la saison devait porter sur le fantôme de Moriarty et la menace dans l’ombre d’Euros… les intrigues sur les Six Margaret Thatcher ou le philanthrope-tueur-en-série sont intéressantes mais on s’en fout un peu… au vu du contexte de la saison. Du coup, encore une fois, le méchant de la saison est bâclé (alors que, pour le coup, il y avait un fil rouge intéressant).
Mais c’est surtout très énervant que… on sent que tout le monde fatigue ! La preuve en est que les intrigues partent un peu (beaucoup) dans tous les sens, brassent beaucoup d’air pour pas grand-chose, friment (un peu trop) et se surestiment totalement. Le philanthrope-tueur-en-série, par exemple, qui est surclassé pour… pas grand-chose ! En plus d’être un ersatz de Magnussen (et Magnussen était déjà énervant !) !
La mort de Mary, en plus, qui prend des proportions disproportionnées pour pas grand-chose (en plus, il y a tout ce qui s’est passé avant dans son couple, qui fait qu’on la quitte non pas sur un chagrin mais sur un « de tout façon, ça se serait terminé en divorce, cette histoire ! Je veux dire : ils se sont fiancés au bout de six mois, mariés au bout d’un an et ont eu un gosse dans le même temps… Oh, et John a été plusieurs fois trompé par sa femme avant de véritablement la tromper en ‘pensée’ ! Donc, pas de quoi les prendre pour les amoureux du siècle… »).
Mais le pire, c’est certainement l’apparition de la sœur cachée ! Pour rappel, le but de la série a toujours été de nous montrer les dons des Holmes d’un point de vue humain, d’un point de vue de Watson (parce que humain lambda). Or, comme on a voulu nous montrer qu’Euros surpassait largement les capacités de ses frères… on a rendu les siennes quasi surnaturelles.
Sauf que, pourquoi c’est débile ? Parce que c’est le principe de « rendre les protagonistes, d’ordinaire intelligents, stupides pour pouvoir renforcer l’aura de l’antagoniste et sa quasi invulnérabilité ». Autrement dit, au lieu de chercher à trouver des qualités propres à l’antagoniste, on fait perdre tout bon sens aux protagonistes, qu’on cache sous différents artifices tape-à-l’œil et voilà !
Sauf que, pourquoi ça ne marche pas ? 1) parce que certains éléments faits par Euros sont difficilement inexplicables (comment elle a réussi à s’enfuir, à manipuler les gens, à organiser son petit jeu, etc.). 2) parce que ça aurait mieux marché si, du coup, Euros avait pris la peine d’expliquer comment elle a réussi à berner ses frères, autrement dit, si elle avait endossé le rôle d’Enigma solver, à la place de son frère. Là, pour reprendre l’expression d’un ami, elle ne paraît pas plus intelligente que ses frères, juste détentrice d’un CAP magie noire.
Et c’est problématique parce que ça ne fait plus du tout réaliste. Tiens, même l’explication autour de Moriarty est incompréhensible !
Et puis, le cheminement des personnages devient du n’importe quoi, surtout avec la mort de Mary. Encore une fois, comment peut-on passer de Watson qui ne doutera jamais de son meilleur ami même si toutes les preuves étaient contre lui à Watson qui est maintenant persuadé que son ami débloque complètement, pourrit tout ce qu’il touche et est fou ?
Enfin, bon, malgré le fait que la saison 4 sent bon les réécritures de scénario, bien que je n’arrive pas à expliquer ce qui me fait sentir cela, il reste quand même des scènes sympathiques comme la course-poursuite en voiture de Mrs. Hudson ou l’explosion de Baker Street (peut-être un peu incohérente, celle-là, non ?). Donc, comme quoi, la série a encore du potentiel et ce n’est peut-être qu’un simple faux-pas à cause de la pression. La fin ouverte propose bien une suite alors, pourquoi ne pas la faire ?


C’est pour cela que j’en arrive à l’hypothétique saison 5. Je dis hypothétique parce que, si tout le monde a envie de revenir, personne ne peut pour le moment à cause d’emploi du temps ET probablement de la mauvaise grâce de Martin Freeman, l’interprète de John Watson, qui ne se sent peut-être pas à cause de l’ENORMEMENT attente des fans (j’emploie beaucoup de termes hypothétiques parce que VRAIMENT je n’en sais rien).
Ils ont réussi à ne pas faire de cliffhanger à la fin du 4, probablement parce qu’ils devaient tous en avoir marre d’avoir la pression de revenir avant un maximum de cinq ans. Officiellement, ils l’ont justifié par « on voulait faire la fin d’une période pour se tourner vers autre chose pour la série ». Soit. Mais quel intérêt de revenir pour la saison 5 ? Ils sont fatigués, ils l’ont prouvé. Ils ont aussi prouvé qu’ils commençaient à ne plus avoir trop de cordes à leur arc, notamment parce que, soyons honnêtes, Doyle n’a pas écrit non plus des milliers et des milliers d’histoires sur Holmes (déjà qu’il abhorrait le personnage) ! Et comme, ils usent en moyenne cinq nouvelles/romans par épisode, que les derniers ne se sont pas révélés être une adaptation très intelligente de leur support d’origine, il y a un moment à quoi ça sert ? A prendre du plaisir ? A continuer à surfer sur le phénomène ? A ne pas décevoir les fans ? Il faut aussi savoir s’arrêter. Surtout quand on est plus capable de créer des méchants charismatiques parce que Hey ! on a tué Moriarty deux saisons trop tôt et on n’a pas eu l’intelligence de montrer en détails le démantèlement de son organisation ou de faire durer un autre méchant charismatique après !
Vraiment, s’arrêter, c’est bien. Surtout quand il y a un tel décalage entre les sorties de saison qu’on est difficilement capable d’expliquer pourquoi les personnages ont pris trois ans dans la gueule alors que seulement quelques minutes se sont théoriquement écoulés ! Bon, la bonne nouvelle est que, au moins, s’ils font la 5, ils pourront cette fois-ci véritablement faire vieillir les personnages au même moment que les acteurs… mais, bon, est-ce que ça vaudra vraiment la peine de se mettre à dos les fans si cette saison déçoit ?
Ps : On ne me fera pas croire qu’ils avaient prévu depuis des saisons la sœur cachée ! Clairement, c’est à la fin de la saison 3 qu’il fallait remonter l’intérêt de la série et qu’ils ont trouvé ça !
Re-PS : ils auraient dû gérer l’écart des enfants Holmes d’une autre manière… sept ans d’écart entre Mycroft et Sherlock mais un seul entre Sherlock et Euros, pfff…

Créée

le 9 juin 2020

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