Six pieds sous terre
8.1
Six pieds sous terre

Série HBO (2001)

Six Feet Under est l’histoire de la vie. Etonnant que je puisse vous dire cela alors que les personnages principaux ne sont autres que des entrepreneurs de pompes funèbres quotidiennement en relation avec la mort… De nombreux mots pourraient introduire mes propos mais je n’en retiendrai qu’un seul : la constance. En effet, cette série de 63 épisodes est constante du premier au dernier épisode, elle ne se perd pas dans je ne sais quelle facilité commerciale pour satisfaire les fans de la série, elle est toujours juste et toujours bien construite. La série se concentre sur l’univers morbide des pompes funèbres et de cette famille qui doit tenter de vivre en ayant la mort pour seule certitude. La famille Fisher dont le père décède soudainement d’un accident de la route va devoir poursuivre le commerce familial auparavant tenu par le défunt Nathaniel Fisher Sr.

Chaque épisode commence par la ou les morts d’un ou plusieurs anonymes(s) amenés à traiter avec les Fisher pour les funérailles de leur conjoint, parent, ami ou collègue angelin. Mais ces affaires n’occupent que très peu de temps dans un épisode car le reste de ce temps est consacré aux maux sentimentaux de nos protagonistes. Parlons donc de la complexité des personnages qui est l’élément fondateur de la réussite de la série. Nate et David les fils, interprétés par Peter Krause et Michael C. Hall respectivement. Nous retrouverons ce dernier plus tard avec un super rôle d’anti-héros dans Dexter. L’un est un polygame ayant fui du foyer familial pour échapper au repoussant métier de croque-mort, l’autre est un homosexuel refoulé débordé par les difficultés de son travail qui était celui de son paternel auparavant. Leur sœur Claire Fisher, qui est interprétée par Lauren Ambrose, est le stéréotype du XXIe siècle de la jeune adolescente paumée : droguée, déprimée, perdue, arrogante etc… Tous trois ont une mère, Ruth Fisher qu’incarne à merveille Frances Conroy, fraichement veuve et amenée à affronter de nouveau les méandres des rencontres amoureuses. Tous les autres personnages sont les ingrédients de l’intrigue, ce sont tout simplement les rencontres que notre famille préférée va faire : collègues (Federico), amis (Russell, Bettina, Edie etc…), compagnes/compagnons (Keith, Brenda, Lisa, George etc…), famille (Sarah), belle famille, psychiatres, amants, maris, femmes, enfants… bref vous l’aurez compris cette série doit sa fabuleuse constance et continuité grâce à cette multitude de personnages. Qui, après réflexion, ne sont que des compagnons de route vers l’irrévocable, vers ce qui nous attend tous, la mort.

L’humour (noir, quelques fois) fleurissant dans la série est toujours extrêmement délicat et bien placé, sans prendre à part une communauté. D’ailleurs tout est traité avec énormément de respect et avec objectivité. Le couple d’homosexuels que forment Keith et David ne fait que nous prouver d’épisode en épisode qu’ils sont plus aptes à entreprendre et mener une vie d’adulte stable et confiante dans un environnement saint que pas mal de couple sur cette planète. Ce couple fait naître une réelle empathie et surtout beaucoup de tendresse à leur égard de la part du téléspectateur. A côté de ces deux derniers, on suit nos protagonistes avec beaucoup d’entrain sans jamais s’ennuyer car Alan Ball nous force à passer d’un sentiment affectif à des sentiments de haine envers Ruth, Claire, Nate ou encore Brenda l’amante puis femme de Nate, pour ne citer qu’eux. L’intimité de personnes qui nous sont inconnues est souvent barbante et lassante mais ici les dédales amoureux sont tellement bien mis en scène que ceux-ci deviennent passionnants. Par-dessus tout, le ton objectif employé pour traiter de tels sujets est instructif et nous mène à créer notre propre réflexion et disons-le nous l’objectivité n’est plus vraiment présente dans notre paysage audiovisuel, quelques journaux résistent mais en général il est plus facile de tomber dans la propagande mercantile que d’assumer certains points de vues sur des sujets tabous, traités dans Six Feet Under, comme : le bien et le mal, la mort, l’homosexualité, la famille, le sexe, l’amour, la folie, les drogues et même l’art et la criminalité (épisode où David se fait séquestrer et celui où il part rencontrer son agresseur en prison). Six pieds sous terre est une série qui s’étire beaucoup dans le temps et pourtant c’est une de celles qui développe le plus ses personnages. Tout le monde a son jardin secret, ses doutes, ses désirs, ses rêves, ses problèmes et ses souffrances.

Pour résumer, Six Feet Under est l’histoire de la vie car elle traverse le temps. Tout le monde attend son tour. La grande idée de la série pourrait être : on vit, on meurt et entre les deux on souffre. Et elle l’est, mais cette idéologie est éclaircit par un optimisme gangreneux. Cet optimisme c’est la contrepartie des souffrances : l’amour, le bonheur, la fraternité, l’amitié. Tous ces éléments ne constituent peut-être qu’une infime partie de la vie mais tout le monde y a le droit. Et la série nous le prouve avec cette ribambelle de personnages auxquels on s’attache très vite et surtout très fort. On a réellement l’impression que quelque chose nous manque à la fin de la cinquième et dernière saison. Je pense que ce sont eux, pourquoi ? Je ne sais pas. Peut-être parce qu’on nous les présente comme de réels êtres humains que nous sommes et non comme des personnages fictifs de séries factices à l’eau de rose, comme c’est le cas la plupart du temps.
baptistevanbalbergh
8

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Créée

le 4 mars 2015

Critique lue 684 fois

7 j'aime

The Passenger

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7

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