The Wire est souvent rangée à tort dans les séries policières. Elle n'y est pas tout à fait à sa place. Le vrai sujet, c'est la cité, Baltimore, c'est-à-dire les hommes qui la constituent ; et prendre le pouls de cette société justifie de faire un crochet par les docks, un détour par les "projects", les écoles, les squats, les bureaux de police, rendre compte de l'existence de chaque personnage avec cette honnêteté admirable.
The Wire ne se contente pas de mettre en scène le bandit d'honneur ou le flic corrompu ; elle dresse une fresque humaniste et riche en contrastes, derrière laquelle on devine de profondes convictions démocrates, peut-être trop impétueuses pour être totalement masquées. Le temps est donc équitablement partagé entre la loi et le crime, et dès les premiers épisodes, les règles du jeu sont énoncées de la bouche d'un gamin, jeté si vite dans l'enfer de Baltimore qu'il en connaît déjà toutes les combines : devant un jeu d'échecs, il énonce patiemment : placer ses pions, assurer ses arrières, compenser les pertes... Jusqu'à ce qu'à la fin du jeu, le roi tombe, les pièces se relèvent et changent de mains pour que la partie recommence. Si la vie de Baltimore, ses pions postés aux coins des blocks, ses fous marchant de travers et ses rois hors d'atteinte, est un éternel recommencement, la séquence finale renvoie dos-à-dos fatalisme et optimisme : le cancre deviendra patron et le bon élève junkie...