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L’effroi m’assaillit sans filtre. La maison, non simplement délabrée comme nous avions pu l’imaginer, était davantage moisie. Ça sentait mauvais la vieille saucisse pourrie saturée d’épices, biodégradée seulement qu’à moitié. Et par-delà l’air d’hygiène buccale fétide, d’inattendues formes de vie éphémères pullulaient. Dans tous les sens des bruits grouillants, de choses plus petites que moi, fuyaient sous mon pied, sous le pas de l’enfant que j’étais. J’aperçus à la volée quelques grandes carapaces noires briller en se faufilant. Le vieux paillasson chauve et sans couleur gigotait de lui-même, porté par l’activité insouciante d’insectes aux couleurs abjectes et fluos, et de rongeurs en décomposition, et ça n’était encore que la petite vie et la petite mort, terriblement insaisissables et pleines de mandibules, d’araignées qui quand on les regarde de près ont sur le visage des mouvements hideux de champs de maïs en pleine tempête. Plus immédiatement dangereux, il y avait partout des traces de la grande vie, si j’ose dire. Celles de véritables humains, dont les lieux étaient ou avaient été manifestement investis. Des matelas trempés reposaient à l’extérieur autour de moi, aussi défoncés que la terre boueuse qu’ils partageaient avec des bouteilles brisées, des appareils électriques et des canettes, des emballages de jambon Hertha vides piétinées, des trucs posés en arc et des traces de feu pas loin. Dans le hall d’entrée, quand je risquai une tête appréhensive, je trouvai tout le biotope de ce que plus tard je serais capable d’appeler squat, et de ce que je serais un jour capable de moins craindre. Et de ce que ce jour-là je ne pus qu’associer à l’idée d’une présence aléatoire, intempestive, une présence inconnue qui hanterait les lieux. Un genre de poltergeist cloîtré. À travers ces objets vulgaires, à travers ces signes de vie, grands ou petits, à travers la vie même microscopique, et à travers le silence surnaturel et paradoxal du lieu, qui suintait du plafond, je déclenchai automatiquement dans ma tête la peur du fantôme, décidai presque de faire marche arrière. Je me sentais l’arracheur de dents d’une douleur hurlante endormie. D’une mâchoire en décapsuleur. Misanthrope qui plus est. Qui n’a rien demandé d'autre qu'un toit médiocre pour passer l'hiver.

Vernon79
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le 17 nov. 2018

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