Dans un rythme d'une grande intensité, la série d'anticipation aux décors chatoyants, mélange avec ironie des usages technologiques avancés et des références visuelles parfois datées ou à l'ergonomie mal pensée. Elle développe surtout une idée centrale : celui d'une dissociation morale et mentale de ses personnages.
En effet, et il me semble que c'est un point qui peut poser question à un public peu coutumier des fictions expérimentales, la série impose un concept original amenant une distance entre action (dans un espace virtuel) et parole (dans un espace familier). On retrouve ce type de distance, par exemple aujourd’hui dans les jeux en ligne, ou les avatars ont des comportements dissociés de la parole des joueurs (jamais la voix des joueurs n’est réellement celle qu’aurait un personnage du jeu). C'est bien pensé d’autant que le scénario le justifie très vite en faisant du personnage principal un égotique podcaster et nous renvoies au banc de montage.
Cette approche est aussi lisible dans un cadre plus large. Dans toute oeuvre d’anticipation, on peut retrouver des sortes de gimmick, ou disons de rapport au monde, de pratiques qui créent des effets de styles et des effets narratifs sur les personnages.
Par exemple dans l'excellent "Her" de Spike Jonze, c’est l’hypersensibilité, liée à l’accompagnement continuel des technologies et à la peur discrète - mais totale - du risque qui produit ses conséquences. Le personnage, hypocondriaques de la vie, emprunte constamment des chemins doucereux, sa voix est mielleuse et hésitante. On a alors une incarnation de ce monde, un monde de l'assurance qui a peur de tout et qui cherche en permanence à se rassurer (ou se ré-assurer).
Dans The Midnight Gospel, c’est l’opposé, le personnage est un habitué des voyages étranges, il opère tous les jours des traversée de mondes chaotiques et a développé un détachement agréable à cette condition. Il n’a que peu à craindre des expériences qu’il se donne à lui même, mais développe dans le metaverse, une sorte de méta-discours. Malin, on est selon moi proche de l'idée que déploie One Punch Man, évidemment pas dans un mode blasé, la drogue aidant sans doute le personnage de The Midnight Gospel à ne pas tomber dans l'ennui.
Cette désensibilisation amène une confrontation entre ce qui est dit et ce qui est vu, désynchronisation sonore, non dans le rythme, mais dans l’intonation.
PS : Cette dissociation est plus ou moins sensible lorsque l'on écoute en VO ou en VF, car la qualité sonore n'est pas la même.