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A la joie de voir se télescoper le travail d'immenses artistes, vient s'ajouter l'excitation de découvrir comment leurs démarches respectives vont parvenir à se compéter et s'enrichir.
Initié avant sa mort (puisqu'il apparait comme co-producteur de la série), l'adaptation d'un des romans de Philip Roth par le duo David Simon et Ed Burns, les géniaux serialists (Sur Ecoute, Treme, Génération Kill, Show me a Hero…) a en tout cas de quoi faire saliver à priori.


Le roman correspondait sans doute à une envie de Roth d'explorer le récit biographique différemment. Quoi de mieux, de plus osé, que d'introduire les souvenirs d'enfance dans une dystopie, pour faire mieux ressortir les caractères, mieux étudier les lignes de forces et dégager l'essence de ce qu'étaient réellement ses parents, son frère et même son quartier ?
Et pourquoi ne pas en profiter pour rappeler que l'histoire est un fil parmi tant d'autres réalités possibles, et que les camps du bien et du mal sont presque toujours bien plus diffus et poreux qu'on veut le croire. Qu'il existe de ces moments où les loups veulent la paix et les pacifiste la guerre.
Quand pourtant des principes intangibles demeurent: les questions vitales d'une époque sont presque toujours cachées derrière des principes et des intérêts complexes et particuliers qui incitent à détourner le regard de l'essentiel.


La série imaginée par Simon et Burns permet en ce sens de nous questionner sur nos comportements individuels en dehors des paradigmes historiques habituels, sur lesquels des générations se reposent presque toujours encore pour essayer de bâtir le présent. La dystopie bouscule et interroge nos préjugés, mais elle permet surtout de ré-évaluer les certitudes sur lesquelles se sont bâties nos convictions.


Cette double lecture rend la vision des 6 épisodes d'autant plus passionnante qu'elle rappelle qu'une fois un processus totalitaire (ou idéologiquement motivé par autre chose que les libertés individuelles) engagé, aucune posture n'est valable en tant que telle, si elle prise dans sa dimension singulière et isolée. Faut-il préférer l'action ? La résistance morale ? L'adaptation intéressée en espérant adoucir le choc ? Qui peut se permettre quoi, au regard de sa situation familiale ou professionnelle ?
Et quand le basculement historique survient, toutes les frontières ne peuvent qu'exploser au sein d'une famille, d'un voisinage, d'une nation.
Cette série est, en ce sens, une véritable leçon d'histoire.

guyness
8
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le 25 avr. 2020

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