La fantasy est mon genre favori, tout support confondu. Il serait assez classique de dire que je suis un fan du Seigneur des Anneaux et des autres œuvres de Tolkien, tout comme d’affirmer que la série Game of Thrones m’a aussi aidé à me plonger davantage dans ces univers de l’imaginaire. Depuis quelques années, j’ai eu l’opportunité d’en découvrir une foulée, écrits de mains de maître tels que Robert Jordan, Robin Hobb ou encore Brandon Sanderson, pour ne citer qu’eux. Or, si ce type d’histoires abonde en romans et en jeux vidéos, sa présence en films et en séries se fait plus rarissime, encore moins en version « live ». Qu’on l’apprécie ou non, Game of Thrones aura prouvé qu’il ne s’agit ni d’un sous-genre, ni d’un genre incapable d’être porté correctement à l’écran. Il a lancé une vague que j’accepte à bras ouverts.
Des noms tels que « La Roue du Temps », « L’Assassin Royal » ou « Les archives de Roshar » parlent aux fans de fantasy, mais beaucoup moins à un public plus large. Tout le contraire de « The Witcher » qui a rencontré un succès franc et légitime. Il faut dire que les romans d’Andrej Sapkowski sont déjà de qualité, mais que les jeux vidéos de CD Projekt le sont davantage, propulsant un succès déjà existant. Le troisième en particulier est un chef d’œuvre d’écriture qui a irrémédiablement laissé son empreinte dans l’histoire des jeux vidéos. Il était donc évident que, tôt ou tard, des adaptations s’ensuivraient. Ainsi a donc résonné l’adaptation en série, envié par d’aucuns, craints par d’autres, l’annonce m’ayant personnellement laissé perplexe en attendant d’en savoir plus.
Et en cette fin de décennie, j’ai eu l’occasion de me plonger dans un autre univers fantasy après « Le Prince des Dragons » (de registre différent mais d’excellente facture). Je le déclare net : à mes yeux, cette première saison est une réussite. Pas un sans faute, loin de là, hélas ! Si les décors sont majoritairement beaux, quelques effets spéciaux laissent à désirer (défaut gommé dans la prochaine saison de plus grand budget ?). La timeline est confuse dans les premiers épisodes avant de se clarifier au fur et à mesure tandis que le lore, toujours aussi bien construit, risque de perdre les personnes moins connaisseuses de cet univers. Il est aussi dommage de croiser autant d’accents britanniques (que j’adore évidemment) dans un continent où existent moult royaumes. Enfin, quelques interprétations laissent à désirer, à l’instar de Triss qui n’a pas l’occasion de briller, ou encore Foltest qui ne possède pas l’aura des livres et des jeux vidéos.
Certaines qualités, d’autre part, pourront paraître « superficielles », ou juste « naturellement exigées » pour une série de ce type. De fait j’ai trouvé cette première saison immersive, avec de très bonnes idées de mise en scène. La comparaison avec Game of Thrones se retrouve déjà caduque : ici point de simple transposition du Moyen-Age européen, on est dans du fantasy pur jus. Monstres à foison, Elfes, Nains et Dragons, et magie bien explicite, tout à l’opposé du carcan réducteur souhaitant que la Fantasy, indissociable à la magie, l’affiche discrètement. C’est tout de même le cas à ses débuts, heureusement cette tendance s’inverse vers les derniers épisodes, pour un spectacle métaphorique et visuel des plus plaisants. Force est de constater que la série partage cette qualité avec le jeu vidéo, de même que sa musique folk très prenante.
Je souligne aussi un respect général pour l’œuvre. Plusieurs doutes avaient été émis vis-à-vis de la showrunneuse, les miens ont été effacés face au résultat. J’ai trouvé mon compte dans cet univers fantasy où se confrontent l’errance d’un anti-héros fort et cynique, à l’humour aussi tranchant que ses lames, des prophéties, des intrigues politiques et des batailles épiques (quoique celles-ci n’ont pas encore atteint leur pleine intensité). Le choix de raconter les origines de Yennefer et de Ciri en parallèle des « quêtes » de Geralt était risqué, et a perdu plusieurs spectateurs en cours de route. Mais adapter n’est pas copier, et c’était une décision judicieuse pour le développement des protagonistes, quoique la forme aurait pu être meilleure.
Mais les principaux atouts de cette série reposent sur l’interprétation des acteurs. Je l’affirme tout de go : Henry Cavill maîtrise le personnage de Geralt ! Outre son allure bien retranscrite, il a la voix, la posture, la gestuelle, le caractère. Ça se voit qu’il s’est entraîné pour incarner un personnage qu’il aime. J’ignore comment cela évoluera par la suite, mais il se peut qu’à l’instar de plusieurs acteurs célèbres, il devienne indissociable de son rôle. Anya Chalotra n’est pas en reste non plus : en nous racontant ses origines, la série a dévoilé une évolution passionnante d’une bossue rejetée à une puissante magicienne. Elle est forte, badass, charismatique, et surtout possède une excellente alchimie avec Geralt (j’en deviendrais jaloux, fan de Triss que je suis). Parmi le trio principal, Ciri se trouve un peu en retrait, mais l’actrice correspond bien à l’idée que je me fais du personnage. Je risque à présent de faire du name-dropping peu inspiré, mais tant pis : Jaskier m’a laissé perplexe au début, mais son alchimie avec Geralt fonctionne, quoiqu’il apparaisse un peu trop « british » pour vraiment être notre barde favori. Calanthe et Tissaia portent également leur rôle à merveille, si bien que j’ai eu envie de les admirer la moitié du temps, et de leur cracher dessus l’autre moitié. Cahir et Sac-à-souris campent aussi bien leur rôle.
Fidèle, prenant, immersif, la série The Witcher souffre de quelques défauts. Errances de première saison ? Peut-être mais elle est prometteuse, et si elle continue sur cette voie, gommant ses imperfections au fur et à mesure, elle n’aura plus rien à envier aux livres et aux jeux vidéos.