la beauté aux basses températures est beauté

Les miracles existent bel et bien. C’est pour moi la première thèse de cette œuvre, les miracles existent et sont intrinsèquement liés à la beauté, car tout comme elle ils sont insaisissables. Deuxième thèse : la foi en dieu est le sentiment le plus révolutionnaire qui puisse exister à l’échelle de l’homme. Croire en ce que nos sens ne peuvent atteindre est un acte sûr de folie dans un monde qui se targue d’une rationalité sans faille et qui oublie par la même que toutes ses trouvailles, toute sa progression n’ont été que le fruit d’une remise en question et surtout d’un dépassement des limites dessinées par les dogmes scientifiques et rationnels établis. La révolution est l’espoir en un monde plus juste, la foi est l’espoir en une justice ultime, incontestée. Troisième thèse: La foi ne suppose pas la soumission mais au contraire l’audace et la pleine conscience.
La série raconte aussi l’histoire d’un homme hanté par son drame personnel. Orphelin, il est à jamais cet enfant qui a été abandonné entre les mains de l’église. Sa condition de saint vénéré ne résout en rien la plaie profonde que lui causât la perte de ses parents, de sa mère surtout, première manifestation de la beauté à ses yeux et son plus grand amour. La vie des religieux est étrange car elle les met constamment aux prises avec les grandes questions que tout homme se pose et, surtout, les met face à eux même avec une régularité qui mettrait mal à l’aise tout un chacun.
Découvrir la source de sa tristesse intime, de ses contradictions et de ses complexes est chose aisée à toute personne qui se donne le temps de le faire vraiment, mais la difficulté ne réside pas là. La difficulté réside dans le fait de supporter de vivre avec cette tristesse enracinée au fin fond de son âme, la difficulté est dans le caractère éphémère de la force qu’on se découvre pour dépasser cette tristesse, la difficulté est dans la perspective de trimbaler toujours avec soi cette tristesse. La vie des religieux est étrange dans le sens où ces questions simples et primordiales hantent le plus clair de leur temps, contrairement aux autres pour qui la vie, aussi bien que leur volonté, s’ingénue à être toujours féconde en moyens de divertissement et d’ivresse.

Le rythme est lent ? Non, le rythme est juste. Celui du temps qu’on se donne. Ce n’est pas plus le rythme de la série qui est à plaindre que le rythme supposé rapide de nos propres vies. On se projette dans un flux d’actualités qui s’alimente à chaque seconde d’un fait nouveau, on est constamment aux aguets de l’information qui fera mouche. On attend en somme, et pendant cette attente on se donne l’impression qu’on a été témoin de beaucoup de choses. Mais en fait, tout ce torrent d’information ne nous a strictement rien apporté où alors si peu. Sorrentino coupe court à la soif insensée et despotique du spectateur d’assister à du spectaculaire au milieu d’un temple d’austérité. Mais Sorrentino est magnanime, son générique en atteste, c’est au public d’apprécier en retour l’œuvre pour ce qu’elle est, et elle est admirable, et non pas pour ce qu’il aimerait qu’elle soit.