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Lenny Belardo a de quoi être satisfait. Ce matin, contre toute attente, il se réveille pape. Ce jeune cardinal américain de 47 ans n’était pas le favori de cette farouche compétition. Mais avec le jeu des alliances propre à cette élection, il a fini par l’emporter au détriment de son mentor, le cardinal Spencer. Cette victoire, il la doit en partie au cardinal Voiello, maître conspirateur du Vatican, qui a appuyé cette improbable candidature en pensant que le « jeune » homme serait à coup sûr plus manipulable que son aîné, jugé trop conservateur à son goût. Mal lui en a pris.


Si vous regardez « the young pope » afin d’assister à une diatribe anti-religieuse, passez votre chemin. En effet, la série ne cherche pas à dénoncer cette institution qui ne semble ni meilleure, ni pire qu’une autre malgré les manigances qui s’y trament. De même, la religion chrétienne n’est pas directement critiquée en tant que telle. En effet, les notions de compassion et d’amour de son prochain ne seront pas vraiment dévoyées par les différents protagonistes de cette histoire. L’objectif de Paolo Sorrentino est plutôt de disséquer la psyché d’un homme et de faire le parallèle entre son parcours individuel et la manière qu’il a d’exercer son pouvoir.


Dans cette optique, placer l’action de son histoire au Vatican n’est évidemment pas anodin. Car qui possède une influence aussi mondialisée que celle du pape ? Celui-ci livre son message sur l’ensemble des peuples de la planète : il est un guide spirituel et sa voix se veut universelle. Or, il se trouve que Lenny prône une parole d’un conservatisme moral absolument sidérant. Mais que ce soit pour évoquer la place perdue de l’église dans la société, l’homosexualité ou l’avortement, la radicalité de son propos ne peut avoir de poids que si elle est portée par un homme hors du commun. Et c’est ainsi que nous est montré ce pape incarné de manière assez exceptionnelle par Jude Law dont la gueule d’ange et les yeux bleus contrastent magnifiquement avec la violence de ses plaidoiries. Aussi effrayant qu’envoûtant, il représente efficacement la main de Dieu, parfois bienfaitrice, souvent diabolique. Et si les longues diatribes qui ponctuent le récit sont parfois un peu confuses, elles restent souvent passionnantes et très bien écrites.


Mais là où la série est une vraie réussite, c’est qu’elle n’est pas didactique et les attitudes de Lenny s’expliquent avant tout par son vécu qui déteint sur la vision qu’il se fait du monde et sur ce qu’il veut lui imposer en miroir. La foule des fidèles, cette enfant qui n’attend pour vivre qu’un geste de tendresse de son patriarche, en fera directement les frais. Dans ce cadre, le Vatican, ville état séparée du monde, est une prison dorée dans laquelle se débat ce pape oisif, enfermé dans ses convictions comme il l’est dans ses jardins et dans son passé. Mais petit-à-petit, suite aux événements qui découleront de ses prises de position, cet homme complexe et ambivalent connaîtra le doute et s’interrogera sur sa foi. A ce titre, l’évolution narrative du personnage est plutôt bien menée et cohérente, quoiqu’un peu extrême sur la fin.


Enfin, le cadre de la religion permet à Paolo Sorrentino de laisser libre cours à son imagination de cinéaste. Pour cela, il va d’abord centrer sa mise en scène sur les contrastes que lui offre son personnage : à la fois jeune mais conservateur, sportif mais fumeur compulsif, à l’allure moderne mais affublé d’un chapeau papal risible. La lumière divine qui se dégage de sa soutane d’un blanc éblouissant peine à masquer la noirceur de son esprit. D’un point de vue musical également, le chant grégorien laisse place à une musique pop voire électro qui vient vivifier un genre souvent austère et renvoie à la jeunesse supposée de son héros. De surcroît, cette bande-son procure à l’ensemble une ambiance toute particulière assez atypique et vraiment envoûtante. Enfin, le contraste est également de mise au sein même de la narration. Ainsi, le double discours pontifical, symboliquement chargé (mais réussi), en est un parfait exemple. De même, à défaut de cathédrale, les prières appuyées du pape peuvent se dérouler au beau milieu d’un parking d’autoroute avec pour seul éclairage les phares des camions. De tout cela se dégage une mise en scène et une photographie très travaillées, parfois un peu trop maniérées, mais foncièrement modernes.


Cerise sur le gâteau, Sorrentino va même profiter de l’occasion pour distiller dans son récit des miracles et des visions, éléments baroques propres au genre mais devant être bien utilisés ! A ce niveau, on pourra tout de même juger un peu superflue le traitement de la relation qu’entretient Lenny avec Ludivine Sagnier, une fidèle auquel il apportera toute son attention. Mais par ailleurs, ceux-ci ajoutent plutôt au mystère de ce pape mi-ange, mi-démon en plus de renforcer l’onirisme de l’ensemble. Ils viennent surtout nous rappeler qu’il s’agit bien là d’une fiction et que le réalisme n’est pas l’objectif principal de son auteur. Au final, « the young pope » se veut aussi instructive que divertissante, aussi allégorique que poétique, aussi bavarde que visuellement élaborée. Elle mélange tous ces éléments avec une certaine classe, ne délaissant jamais son propos et ses personnages. Et si l’action se déroule dans les hautes sphères du pouvoir, elle tend à nous rappeler que chaque individu, à son niveau, est responsable de la manière dont il use de son autorité sur son entourage.


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vosarno
8
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le 7 févr. 2021

Critique lue 142 fois

vosarno

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