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La série de Nicolas Winding Refn est disponible sur Amazon Prime. J'ai découvert le réalisateur en 2008 avec Branson. Je découvrais également par la même occasion Tom Hardy, manifestant dès ce film un goût certain pour la transformation, caractéristique qui lui fut souvent associée, et qui est sans doute moins vraie depuis quelques années. Le film m'avait saisi dès le premier plan. Branson, joué par Tom Hardy, est tabassé dans une prison sur une musique de Scott Walker. Ce film m'introduisait à la thématique obsessionnelle de NWR : la violence. Branson est un individu violent qui refuse de se laisser dompter. Le film est drôle, très esthétique, hyper référencé. Le dispositif est celui du Lola Montes de Max Ophuls (l'histoire est racontée via une présentation du personnage au sein d'une exhibition) et on pense beaucoup à Orange Mécanique (Kubrick). Alors j'ai eu envie d'en savoir plus. J'ai vu la trilogie Pusher que NWR avait réalisée entre 1996 et 2005. J'y retrouvais l'obsession pour la violence, mais dans un rapport beaucoup plus réaliste. Les trois films se passent dans le milieu de la drogue à Copenhague. On y découvrait Mads Mikkelsen qui tout comme Tom Hardy a connu depuis la célébrité, grâce à son rôle de méchant dans Casino Royal. On le retrouve dans Valhalla Rising (2009) qui accentue encore plus la rupture avec le style réaliste des débuts. Le film est très esthétique, quasi abstrait. Dans une interview donnée à la septième obsession NWR raconte qu'il a définitivement trouvé son style en relisant les contes d'Andersen. Effectivement ses films sont des contes qui racontent la violence originelle. Drive fut un malentendu qui permis à NWR de gagner momentanément le grand public. Ryan Gosling y gagnait quelques galons de sex symbol. Mais en radicalisant son approche avec Only God forgives puis Neon Demon, NWR a laissé pas mal de monde en chemin. Il y a ceux qui déplorent une hyper sophistication formelle masquant un vide abyssal sur le fond. Et il y a les fans qui le vénèrent. Too old to die young n'est pas fait pour arranger les choses. Les commentaires sur la série montrent que le clivage s'est accentué. La série est composée de 10 épisodes d'une durée moyenne de 75 minutes (le dernier épisode est beaucoup plus court). Elle a été envisagée comme un long film. Les premiers épisodes posent les personnages. Comme d'habitude on trouve les signatures formelles du réalisateur : image hyper léchée très inspirée par l'esthétique des années 80, musique à l'avenant, sur-utilisation des ralentis. On retrouve aussi le goût pour la citation cinéphilique. Par exemple un massacre dans un parc de caravanes rappelle l'apocalypse finale du Zabriskie Point d'Antonioni. J'ai d'abord été agacé par le rythme très lent. NWR enchaîne les plans séquences, cela peut provoquer chez le spectateur une certaine torpeur. Je suis rentré petit à petit dans l'univers. On y suit le destin de policiers corrompus, de tueurs de pédophiles, de gangsters jamaïcains, de chefs de cartels mexicains et de jeunes filles innocentes. L'histoire est glauque, désespérée. Le final est assez incroyable, choquant, comme un coup dans le plexus. NWR génère là une émotion qu'aucune des ses œuvres n'avait suscité chez moi. En prenant la mesure de la série dans son intégralité, j'ai révisé mon jugement sur la lenteur du rythme. NWR raconte une tragédie, il fait de ses personnages des archétypes mythologiques qui ne peuvent échapper à leur destin. La lenteur semble une forme appropriée pour marquer l'inexorabilité de ce destin. On ne sait quasiment rien des personnages. Ils sont assez désincarnés, quasiment fantastiques ou divins, un peu comme le personnage principal de Drive. On retrouve des figures de ce genre dans la série : anges exterminateurs venus sur terre pour solder les comptes. Il est intéressant de noter que l'histoire de l'art a commencé par une description hiératique des figures divines, pour progressivement, à partir des peintres de la pré-renaissance (Cimabue, Giotto) gagner en réalisme et en humanité. NWR suit le chemin inverse. Se détournant du réalisme, il revient vers le hiératisme, la distance, l'ordre mythologique. C'est peut-être ce mouvement contraire qui n'est pas compris de la même manière qu'on trouve désormais peu expressives les icônes byzantines. En tout cas je trouve que Too old to die young remplit parfaitement sa fonction de récit apocalyptique de la violence américaine. J'en suis ressorti à la fois accablé et excité, j'aurais aimé que cela continue. Malheureusement Amazon a annoncé qu'il n'y aurait pas de seconde saison. Je ne crois pas que c'était prévu, la première saison est consistante. Je guetterai avec impatience le prochain film de NWR.


NB : critique disponible sur mon blog alozachm-emonsite.com

alozachm
8
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le 14 juin 2020

Critique lue 126 fois

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