Top of the Lake
7.3
Top of the Lake

Série SundanceTV (2013)

Paradise lost / Down Under [Critique de "Top of the Lake" saison par saison]

Saison 1 :
Au fil des années, on avait un peu oublié Jane Campion, dont la filmographie n'avait pas tout-à-fait tenu les promesses de "An Angel at my Table" et "The Piano". C'est donc avec un plaisir sans réserve qu'on retrouve sa patte si caractéristique dans cette "mini série" (6 épisodes d'une heure - telle que la série est publiée en DVDs, et non 7 épisodes de 50 minutes comme elle a été diffusée -, pas d'autre saison en vue) quasi parfaite qu'est "Top of the Lake" : condamnation sans appel du machisme, voire de la masculinité en général, peinture subtile de femmes fortes, mais clairement pas épargnées par la folie, respect prudent de la Nature envisagée comme une force supérieure, brutale dans sa splendeur, le tout souligné par une mise en scène à la fois patiente et précise, au fil d'une narration maîtrisant magnifiquement le cours du temps. Pour nous amener exactement là où Jane Campion le voulait, dans l'horreur de ces deux derniers épisodes terribles, bouleversants, où se révèle toute l'ampleur de l'intrigue, toutes les ramifications du comportement - qui semblait jusque là erratique - de personnages à la complexité peu courante, même dans le monde des séries adultes. On appréciera la beauté stupéfiante des paysages naturels de la Nouvelle Zélande (pas besoin du tout des ajouts digitaux de Mr. Jackson pour que ce "Paradise"-là soit magique !), la classe suprême d'un récit qui mise sur l'intelligence du téléspectateur (qui devra lui-même faire tous les recoupements pour comprendre réellement la "révélation" du dernier épisode...), et l'interprétation globalement excellente, même si la palme revient sans aucun doute à un Peter Mullan souverain ici, comme jamais. Bon, avouons quand même qu'on n'irait vivre pour rien au monde au milieu de la population décrite ici, et gageons que l'Office du Tourisme néo-zélandais n'a pas dû remercier Jane Campion autant que Peter Jackson ! [Critique écrite en 2015]


China Girl (Saison 2) :
Le retour un peu imprévu de "Top of the Lake", l'une des plus belles réussites récentes en matière de séries policières, est forcément l'un des plus grands plaisirs de ce début 2018... même si ce "China Girl" manifeste une rupture très radicale avec la première saison. Exit la beauté glaçante de la Nouvelle Zélande, nous voici plongés dans l'univers urbain et sordide d'un Sydney blafard sous un ciel continuellement nuageux. L'intrigue, complexe et un peu capillotractée avec ses coïncidences forcées, n'est guère qu'un prétexte pour explorer à nouveau les traumas - physiques et psychologiques - infligés aux femmes par une société brutalement machiste (welcome to Australia avec ses porcs en phase terminale !). Alors oui, "China Girl" est féministe à outrance, mais le militantisme passionné de Jane Campion est pondéré par une vraie vision artistique : quelle beauté, quelle intelligence dans la mise en scène de certaines scènes, une fois de plus tétanisantes ! (Il est d'ailleurs dommage que Campion ne réalise pas tous les épisodes de la saison).


Et Campion, en auteur avertie et ambitieuse, évite largement l'écueil de la caractérisation simpliste des personnages, envers lesquels elle nous maintient dans une oscillation salutaire entre empathie et rejet : il suffit par exemple de voir le personnage littéralement abject de Puss, sorte de Charles Manson de pacotille, auquel la conclusion des plus surprenantes de la saison accorde une rédemption paradoxale et pourtant assez immorale.


Bien sûr, le téléspectateur pressé pestera à nouveau devant le rythme curieux, régulièrement suspendu de l'intrigue, et devant la complexité sans doute un peu forcée de la narration, qui abandonne assez rapidement la logique policière classique du thriller pour déambuler de manière un peu erratique à travers le labyrinthe des tourments de la maternité, qui s'avérera au final LE grand thème de "China Girl".


Les amateurs de thrillers noteront pourtant la magnifique idée de la traque finale sur une plage bondée, une scène particulièrement réussie et originale, qui finit par inscrire "China Girl" parmi les grands moments de la série TV actuelle. [Critique écrite en 2018]


Retrouvez la critique de la seconde saison de "Top of the Lake", et bien d'autres, sur Benzine Magazine : https://www.benzinemag.net/2018/01/20/retour-reussi-jane-campion-top-of-the-lake-saison-2/

EricDebarnot
9
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Créée

le 31 mai 2015

Critique lue 694 fois

10 j'aime

Eric BBYoda

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