Aller au delà de Twin Peaks...est-ce perdre?

Et voilà, la nouvelle saison de Twin Peaks est terminée. Après 25 ans d’attente ces 18 épisodes ont dû paraitre bien courts pour les afficionados de la série. Personnellement je n’ai découvert la série que sur le tard et je n’ai pas été un fanboy invétéré. Si j’ai apprécié l’histoire de Laura Palmer jusqu’à sa résolution en cours de saison 2, mais j’ai eu beaucoup de mal avec la fin de cette même saison, les nouvelles histoires tombant un peu de nulle part et n’ayant aucun intérêt (même si l’intrigue autour de Windom Earle prolongeait la partie fantastique et le mythe autour des Loges).

De plus, peut-être car j’ai découvert la série dans les années 2010, le côté soap était pour moi plus ridicule qu’autre chose. Mais j’ai tout de même apprécié la série grâce à ses personnages (comme une majorité de personnes j’ai un faible pour Dale Cooper et Audrey Horne), une atmosphère sortant de l’ordinaire et un sentiment d'univers où tous les éléments sont en cohésions les uns avec les autres (malgré des petits ratés à droite, à gauche et des fois un gestion maladroite de l'évolution des personnages).

C’était donc l’esprit relativement ouvert que j’ai regardé cette saison 3. La critique sera courte. La série se laisse regarder et on a envie d’en découvrir plus. Les personnages sont souvent intéressants et les moments wtf, les situations et les nouveaux personnages apportent un vrai plus. Mais j’ai trouvé que la série (ou David Lynch ?) faisait trop preuve d’égocentrisme et de nombrilisme et que finalement le produit proposé était…incomplet et par moment indigeste.

Là où je vois de nombreuses personnes crier au génie pour l’épisode 8, je dois bien avouer que j’ai souvent regardé l’heure en trouvant que tout était d’une longueur extrême (et je ne dis pas lenteur, qui peut être aussi bien une qualité qu’un défaut, je dis bien longueur). Ce soi-disant tournant, cet instant magistral ne m’a procuré aucun sentiment particulier, seul l’ennui s’est installé et l’impression qu’un réalisateur, aussi talentueux soit-il, laissait libre court à ses envies sans se préoccuper du confort du téléspectateur. C'est peut-être car je suis quelqu'un de très pragmatique, mais les fioritures (qui sont nombreuses dans cette série) si elles ne trouvent pas de réelles justifications, ont plus tendances à m'agacer qu'à m'ébahir.

Globalement, la saison restera comme ayant un goût d’inachevé, mot qui pour moi convient le mieux. Tant de portes ouvertes, tant de personnages introduits, pour au final quasiment rien. Ce grand fourre-tout arrive à garder autant une certaine cohérence d’ensemble (on sent que l’histoire est travaillé en amont et que les éléments se regroupent et que dans la grande majorité des cas c'est un choix des créatifs que de laisser de côtés des personnages, de ne pas finir comme il le faudrait certaines intrigues) qu’il ne génère une incohérence générale de son univers.
Pour être clair…je ne suis jamais réellement rentré dans cette saison de Twin Peaks tout simplement car jamais je n’ai eu l’impression que l’univers pouvait avoir un semblant de réalité. Aussi sympathiques soient-ils, les personnages, leurs réactions, leurs actions, ne respiraient pas le réel. J’ai apprécié le personnage de Dougie Jones et son innocence mais aucune réaction de ceux évoluant autour de lui ne m’a permis de me projeter dans le récit car rien n’était cohérent (le mec a l'air d'avoir eu un AVC et personne ne capte rien, ça amène autant de situations cocasses que ça ne casse l'immersion). Pourtant les deux premières saisons, avec leurs cortèges de personnages hors normes aurait dû me donner la même impression, mais ce n’est pas le cas. Ici le monde paraissait beaucoup plus fake, du début à la fin on sait que nous sommes dans une fiction et que rien n’est réel, et rien que pour cela la saison est ratée.
Sans compter que les effets spéciaux n’ont pas aidé. Je sais bien qu’ils ont été voulus ainsi, ça fait partie du « cachet » de la série. Le studio en charge est réputé pour ses effets « raffinés » mais…pour moi la seule chose que cela a apportée c’est de me sortir encore plus du récit. Faire quelque chose de différent ne signifie pas faire quelque chose de moche ou de raté et pourtant avec ces FX dignes d'un stagiaire débutant n'ont fait qu'entretenir cette impression que l'on regardait quelque chose qui ne pouvait exister.

Même si on ne doit pas prendre Twin Peaks comme les autres séries, elle doit avoir à la fin le même but que les autres, nous faire adhérer à une histoire et à un monde et nous transporter dedans. En voulant trop en faire, en voulant rendre ce monde trop particulier David Lynch a produit l’effet inverse. Plus on avance, plus on s’enfonce dans Twin Peaks, plus ce monde perd en crédibilité et perd en intérêt.
Au final il est dur de croire que Mark Frost et David Lynch ont réussi à garder la maitrise de leur création tant le résultat final est déroutant. Pas déroutant dans le bon sens du terme, c’est-à-dire de par son atmosphère particulière, son histoire complexe et sur plusieurs niveaux, l’interprétation qu’on peut en faire. Ça c'était l'ancien Twin Peaks. Mais déroutant car l’ensemble semble superficiel et, c’est ce qui peut s’apparenter à un grand gâchis, nous amène à une fin de série où on attend simplement que les minutes passent sans en attendre quoi que ce soit. En cassant l’aspect authentique de la petite ville de Twin Peaks, on se retrouve à n’éprouver la moindre émotion fasse à ces 2 derniers épisodes, car au final, on a déjà conscience depuis bien longtemps que ce ne sont que des acteurs devant la caméra d’un réalisateur. De par cet état de fait, je pense que le pari est perdu et que cette saison 3 est tout simplement ratée car non aboutie.

David Lynch a oublié le principal objectif d'une oeuvre fictionnel. Aussi irréaliste que puisse être son propos et son univers, l'oeuvre doit donner l'impression de pouvoir exister en tant que tel, et Twin Peaks ne peut exister.