Utopia
7.9
Utopia

Série Channel 4, Arte (2013)

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Where is Jessica Hyde? (non, la réponse n'est pas DTC)

Après avoir lu le synopsis de Utopia et m'être attardée sur l'affiche jaune très tape-à-l'œil, j'étais convaincue que j'avais affaire à une série américaine. Que nenni, la série est tout ce qu'il y a de plus anglaise et je m'empressai immédiatement de me la procurer à l'aide de moyens... de moyens.

Le synopsis donc, ne dévoile pas grand chose. Une mystérieuse bande-dessinée entre en possession de quelques personnes sans lien apparent ce qui les entraîne vers de sombres événements et une terrible fuite en avant. Théorie du complot, révélations, manipulations, tous les ingrédients pour bien s'amuser sont là, fais péter le pop-corn, on peut passer aux choses sérieuses.
Six épisodes plus tard, je m'avoue encore incertaine quand à la compréhension de la totalité des subtilités du scénario, ce qui ne m'a pas empêchée d'être totalement embarquée dans l'histoire. La série prend le temps de déployer son histoire et ses personnages, sans se presser, sans cliffhangers magistraux mais à coup de petits twists et de routes scénaristiques fort sinueuses.
Le premier épisode est déconcertant, voire même arrogant. Il ne lâche que de vagues indices, quelques pistes, tout se joue sur le mystère et une violence qui, d'emblée, déstabilise. La scène la plus pénible (à base d'œil et de petite cuillère) est infligée dès le premier épisode, comme pour nous dire que nous spectateurs, pas plus que les personnages principaux, n'avons pas toutes les cartes en main. On se tait et on subit ; la série impose son style. Bim bam boum.

Et ce, à tous les niveaux. La grande force de la série est son style visuel. Clairement inscrit dans une esthétique bande-dessinée, il donne à la série une identité unique, un univers tellement précis et tellement fort que chaque image transpire Utopia. Couleurs saturées, plans minutieusement construits, lumière travaillée, décors froids, paysages déserts sublimés par le format panoramique ; tout est calculé, léché, beau... bref ça claque.
Il en va de même pour les personnages, singuliers, très reconnaissables et pourtant, ô surprise, pas trop stéréotypés. Tous les acteurs sont bons mais certains peuvent être carrément rangés dans la catégorie cultes tellement la rencontre avec leur personnage est géniale. Je pense en particulier à la fameuse Jessica Hyde (Fiona O'Shaughnessy) et à Arby, le tueur de sang (très) froid (Neil Maskell). On finit par s'attacher à chacun pour une raison ou pour une autre et à s'embarquer à leurs cotés dans cette histoire chaotique. On s'attache ou on s'empoisonne comme le dit le poète, en tout cas on ne reste pas indifférent. Je pense simplement qu'il faut laisser une chance à la série, ce que j'ai fait après un pilote qui ne m'avait convaincue qu'a moitié. J'ai continué par curiosité - et par devoir, oui messieurs les jurés j'ai une conscience morale - et au troisième épisode j'étais définitivement accro, outre toutes les qualités visuelles et narratives qui m'étaient apparues évidentes d'emblée sans toutefois m'avoir séduite.

Et enfin, un petit mot sur le générique. Ce petit bout de génie, cette rengaine jouissive qui arrive à la fin de chaque épisode et qui étrangement porte en elle seule un regard ironique sur le monde de cinglés que l'on vient de quitter et qui donne encore plus envie d'y retourner.
La bande originale entière est parfaite et elle apporte une réelle plus-value à la série, elle en est même constitutive ce qui est assez rare pour être souligné. Une attention particulière est apportée au son en général, ce qui a rendu l'écoute au casque sur mon petit ordi extrêmement appréciable. Encore un "détail" soigné qui montre qu'on nous provoque, qu'on nous mène par le bout du nez, qu'on nous malmène, mais qu'en aucun cas on ne se fout de notre gueule.

Après Black Mirror encore une grosse claque de la part d'une série anglaise qui prouve une nouvelle fois qu'il reste encore plein de terrains à explorer en matière de fiction télévisuelle et qui met la barre très, très haut.

So... Where is Jessica Hyde? La réponse est dans ton écran.


*MEGA BONUS : A LIRE APRES VISIONNAGE D'UTOPIA*

JANUS : "Il dirige toute naissance, celle des dieux, du cosmos, des hommes et de leurs actions. [...] Son double visage signifie qu'il surveille aussi bien les entrées que les sorties, qu'il regarde aussi bien l'intérieur que l'extérieur, la droite que la gauche, devant et derrière, le haut et le bas, le pour et le contre. Il est la vigilance et peut être l'image d'un impérialisme sans limites."

JAUNE : "Intense, violent, aigu jusqu’à la stridence ou bien ample et aveuglant comme une coulée de métal en fusion, le jaune est la plus chaude, la plus expansive, la plus ardente des couleurs, difficile à éteindre, et qui déborde toujours des cadres où l'on voudrait l'enserrer. [...] Le jaune est la couleur de la terre fertile, ce qui faisait conseiller, dans la chine ancienne, pour assurer la fertilité du couple, que l'on mette en complète harmonie le yin et le yang, que les vêtements, les couvertures et les oreillers de la couche nuptiale soient tous de gaze ou de soie jaune."
MadMath
8
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le 24 avr. 2013

Modifiée

le 24 avr. 2013

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MadMath

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