Validé
6.6
Validé

Série Canal+ (2020)

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J'me maquille comme un guerrier apash

Validé est un projet qui attirait ma curiosité en raison de son sujet mais qui m'effrayait un peu aussi en raison de son réalisateur : Franck Gastambide. Oui, je pense que c'est normal d'avoir peur du visionnage d'une série réalisée par le bonhomme qui s'est occupé de Taxi 5 ou des Kaira. Mais à côté, la série parle du rap français et ça, ça c’est un sujet qui m'intéresse beaucoup car je me nourris exclusivement de rap français récent dans ce géant milieu qu'est la musique. Et oui, si vous voulez lire « gngngn le rap français aujourd'hui c'est de la merde, savent plus rapper sans ordinateur, ils parlent que de putes de drogue et d'alcool » bin vous n'êtes pas sur la bonne critique car j'adore Damso, Vald, PNL et SCH, des représentants solides de ce qu'est devenu le rap dans les années 2010. Bref, je critique une série et non un album, je ne suis pas ici pour vous dire pourquoi j'aime le rap, non je suis ici pour vous dire pourquoi j'ai aimé cette série qui rend magnifiquement hommage à ce bel art qu'est le rap, en plus d'être dans ce qui est caractéristique cinématographique. Oui, je suis heureux de vous dire que Franck Gastambide a fait son Adam McKay, son Todd Phillips en passant de la comédie bien grasse au projet sérieux, fait avec talent et envie de bien faire et qui réussit en plus à avoir les faveurs du public...bon, ça m'étonnerait qu'il reçoive des prix mais ça n'enlève rien à l'amélioration qui est bel et bien là. Validé est une série qui m'a surpris, qui m'a donné des frissons parfois, qui m'a fait rire et qui m'a mis pas bien à la fin, bref une série qui m'a surpris, au point d'en faire une critique (rien que pour ça, elle mérite plein d'applaudissements).


ATTENTION SPOILERS


Validé suit la vie de Clément, qui est aussi un rappeur connu sous le nom de Apash, quand celle ci bascule suite à un passage dans le Planète Rap de Mastar, un rappeur confirmé et présent depuis 10 ans dans le milieu. On assiste donc à l'ascension d'un petit rappeur, qui va rencontrer le succès, qui va vite percer dans le rap. Et rien que ça j'ai adoré, voir comment Clément va gérer sa nouvelle vie de rappeur entre galères mais aussi grosses joies. Clément est un jeune banlieusard qui cherche à vivre de ce qu'il aime, le rap, quitte à pencher dans l'illégal. Mais malgré ça, il reste un bon gars, un gars qui persévère, qui ne veut rien lâcher, qui n'hésite pas à aider sa famille et qui s'est entouré de deux amis qu'il ne veut pas abandonner quoi qu'ils fassent. C'est un gars qui ne cherche pas les embrouilles, au contraire, il essaie de les apaiser quand elles se présentent à lui. Il est humain, il a un grand cœur et veut gagner sa vie d'une manière légale, il est malheureusement victime de ses origines, c'est ça qui va faire qu'on s'attache à lui et qu'on a envie de le voir réussir. Son évolution va surtout être marquée par tout ce qui touche à sa relation avec le rap : il est passé du gars qui appelle Planète Rap à celui qui a son propre Planète Rap, il va passer de financement par la drogue à financement par une maison de disque, il va passer d'une scène sauvage au Zénith, etc....Pour mener à bien sa quête dans le rap, il s'est entouré de son ami livreur de tacos pour en faire son manager : William. Un personnage qui a le sens des affaires et qui prend de nombreux risques pour aider son ami, lui aussi est attachant surtout pour son amitié avec Apash et son côté humain également. Il évolue en fonction des contrats qu'il arrive à signer et des moyens qu'il entreprend pour y arriver. Brahim, le personnage qui boucle le trio d'amis, est simplement le comic relief de la série, ce qu'il fait très bien car j'ai beaucoup rigolé à de nombreux moments comiques : les scènes où les autres personnages ne l'écoutent pas, le passage avec l'artiste/Lartiste, etc...Comme les deux autres, il a envie de bien faire mais s'y prend souvent mal, jusqu'à ce qu'il obtienne pour Clément un passage dans Touche pas à mon Poste (bon c'est plus ou moins bien). Bref, le trio fonctionne à merveille que ce soit dans leurs relations, leurs évolutions, leurs côtés humains et l'attachement qu'on a pour eux. J'ai bien aimé Inès, la directrice artistique qui ose s'imposer, qui a souvent de bonnes idées et qui est aussi attachée à Clément et qui veut le voir réussir, on la voit aussi dépassée par les événements au point de démissionner, ce qui est assez triste quand même. Mastar qui va constituer une sorte d'antagoniste est intéressant de par ce qui fait de lui la némésis de Clément. C'est un personnage qui s'énerve pour un rien, qui cherche à être le seul dans ce milieu, qui cherche les embrouilles et qui essaie tous les moyens pour détruire la promo d'Apash. C'est avant tout l'idole de Clément, celui qui lui a donné envie de faire du rap, c'est pour ça que ce dernier va tout faire pour le ramener de son côté, mais il refuse d'entendre quoi que ce soit et tente d'enterrer la carrière d'Apash, au point de constituer une menace même quand il est absent de l'écran. C'est tout ça qui a fini par causer une explosion de mon cerveau quand il apparaît sur la scène du Zénith au dernier épisode. DJ Sno, le producteur de Mastar est un personnage qui va prendre conscience de l'animosité de Mastar et va prendre la défense d'Apash, quitte à ruiner une collaboration qui dure depuis 10 ans, j'ai trouvé ce changement de côté intéressant et j'aurais réellement voulu voir plus ce personnage, mais ce qu'il fait est très bien, notamment son envie de rallier tout le monde, oui c'est encore un personnage humain. On va finir par parler de Mounir, le chef d'Apash et qui a produit ses premiers morceaux, j'ai aimé son évolution, il passe de celui qu'il faut éviter à celui dont on a besoin pour assurer notre sécurité et même si ses manières sont plus que discutables, il a envie d'aider Clément, de le protéger. Allez, j'ai dit que c'était fini mais en fait non, un petit mot sur Karnage, il est très menaçant oui, mais je trouve ça trop peu justifié, il s'énerve un peu pour rien, c'est dommage de ne pas l'entendre rapper aussi. En revanche, y'a moyen pour qu'il ait un très bon rôle pour la saison 2. En conclusion, la série a de très bons personnages, que j'ai aimé suivre (et j'ai pas parlé de Yamar O_O), auxquels j'ai su m'attacher ou au contraire, qui m'ont inquiété parce qu'ils pouvaient faire une dinguerie à tout moment.


Avant d'aborder ce qui fait l'énorme force de cette série, je vais parler d'un point de vue cinématographique (je dis ça comme si je savais faire mdr), c'est-à-dire : acteurs, réalisation et scénario. Pour le premier, beaucoup disent que c'est mauvais, mais j'ai trouvé que c'était bon. Je ne connaissais pas Hatik, juste de nom, et son interprétation est bonne et je vais faire une remarque générale : l'interprétation de tous les acteurs est naturelle, aucun n'est dans le surjeu à un moment, non ils font ce qu'il faut faire et ils le font correctement. Ça m'a donné réellement envie de me pencher sur la discographie d'Hatik, ça plus le fait que j'ai beaucoup aimé les quelques extraits d'interview que j'ai vus. La mise en scène est également très propre, elle arrive à marquer l'opposition entre Apash et Mastar à l'aide des environnements que fréquentent les deux personnages et le réalisateur fait autre chose que de simples champs contre champs : la caméra suit parfois les personnages, on retrouve des plans d'ensemble fixes, ou encore dans le premier épisode, le plan lors de l'after où la caméra monte en même temps que Sno mais sans filmer ce dernier (oui c'est compliqué de l’expliquer par écrit). La mise en scène arrive à nous immerger lors des séquences dans différents médias, en filmant la scène comme et où le média filme habituellement, c'est ce qui donne les passages chez Skyrock ou chez Hanouna tout simplement géniaux. Le scénario...le scénario...beaucoup le critiquent aussi mais je trouve qu'il amène à des scènes absolument énormes de manière naturelle en plus d'arriver à mêler habilement le côté professionnel et privé des personnages. Certaines scènes arrivent à surprendre et m'ont mis dans de sacrés états : Mastar qui s'énerve dans le studio, les moments où Apash répond aux attaques de Mastar (le concert sauvage devant la prison par exemple), Sergio qui kidnappe William, Yamar qui braque Apash et qui soulève Mounir et d'autres. Rien ne se passe jamais comme prévu, les retournements sont énormément présents et certains nous font fondre en larmes quand d'autres nous ravissent. Et il faut parler de ce dernier épisode qui m'a complètement transcendé, il a même pris un 10/10 tellement mon cerveau s'est retourné, tellement j'ai eu envie de crier. Deux scènes sont incroyables : la scène au Zénith qui m'a collé des frissons, j'étais à fond dedans et le cliffhanger de fin qui a failli me faire chialer, putain c'est quoi ce truc ? Le truc est filmé dans un live Insta, en un seul plan, ce qui donne un gros aspect réaliste et surtout...je non, j'ai pas les mots, j'étais sous le choc et je le suis encore, rarement quelque chose m'aura laissé sur le cul comme ça, je dirais même que c'est illégal un tel cliffhanger, c'est un trouble à l'ordre public. Bref, j'avoue ne pas savoir quoi reprocher à part deux trois trucs pas trop gênants, je trouve que tout a été fait avec talent et rien n'a été laissé au hasard.


A côté de tout ça, Validé m'a marqué pour toute sa réflexion et son hommage à l'industrie du rap, et vous comprendrez que c'est quelque chose qui me touche particulièrement. En effet, je l'ai dit en intro, le rap français récent compose la totalité de ma culture musicale (bon en vrai, je ne m'en vante pas trop) et rien que de voir le temps d'un simple caméo des rappeurs tels que Rim'K, Ninho, Rémy, Mister V, Lacrim ou Soprano, ça me met le sourire aux lèvres. Ensuite, même si le rap français truste les premières places des plateformes de streaming, beaucoup de personnes qui vont regarder la série ne sont pas familiers avec ce milieu et la série va leur apprendre certaines choses...et même à ceux qui écoutent sans forcément s'intéresser plus en profondeur. La série mentionne des réalisateurs de clips, des médias rap (Booska'P, Mouv'..), le designer de toutes les covers du game (Fifou), met l'accent sur l'importance des producteurs via le personnage de Sno, explique comment fonctionnent les maisons de disque (d'ailleurs, Jangle c'est clairement REC 118), fait référence à des rappeurs, à des morceaux populaires, bref elle donne toutes les clés nécessaires pour rentrer dans ce magnifique milieu. On retrouve également de nombreux éléments en rapport avec le processus créatif d'un morceau/album et ça, j'adore. On a par exemple Sno qui fait écouter des prods à Apash, on voit les rappeurs en studio, on voit les rappeurs choisir quel son ils vont clipper, on voit comment se fait la gestion des concerts, la série montre comment un rappeur qui vient de percer gère sa carrière et ça j'ai beaucoup aimé. J'irai même plus loin en disant que ça m'a donné envie de faire du rap, de trouver ou de créer une instru et surtout d'écrire un texte...bon après, être derrière un micro, ça me branche un peu moins. En incorporant tous ces éléments connus dans le rap, la série nous plonge dans le milieu et inscrit son récit dans notre réalité. Au-delà de ça, Validé nous fait réfléchir sur ce milieu. Tout d'abord, bien évidemment, la série aborde la vente de drogues. C'est quelque chose que beaucoup de rappeurs ont connu avant de se lancer et la série nous expose que ce n'est pas un choix, que c'est le seul moyen qu'ont les rappeurs pour financer leurs sons, leurs albums mais que c'est plus un poids qu'autre chose. Aujourd'hui, les rappeurs se lancent dans la musique assez jeunes, ils ont ainsi une famille à gérer, et si en perçant ils peuvent l'aider financièrement, elle est également menacée par le côté bicraveur. Ensuite, après avoir une petite renommée, les rappeurs sont approchés par des maisons de disque, si aux premiers abords, on se dit qu'elles n'apportent que du bon, elles peuvent facilement escroquer les artistes en prenant plus d'argent qu'ils devraient ou avoir des différends artistiques avec les producteurs. C'est pour ça que la plupart des rappeurs ont le dilemme de choisir entre grosse maison de disque, avec laquelle il est important d'avoir une bonne relation, et indépendance. Avec la célébrité, il faut faire attention à son entourage car il peut détériorer notre image et nous faire du mal. Parfois, il y a des clashs entre rappeurs et certains font des choses plus ou moins légales pour le gagner, cette série le dénonce et c'est ce qu'il faut faire car ça dévalorise l'image de ce style musical aux yeux du grand public et c'est ce qui est le plus nul dedans. Ça critique aussi les médias qui justement, ne parlent que de ça ou des polémiques, il y a même une référence à la polémique de Fuck le 17. Le rap au fil de la décennie précédente est devenue la nouvelle variété française et Gastambide l'a bien compris, la relation entre Clément et Louise, est l'allégorie de ce rapprochement et montre que les deux peuvent cohabiter. Les réseaux sociaux ont une place très importante dans le rap, les artistes font très attention à leur image dessus et accordent beaucoup d'importance aux réactions qui sont dessus. L'argent est le moteur de beaucoup d’actions des personnages dans la série, c'est également le cas dans la réalité, même avec la plus grosse motivation, s'il n'y a pas d'argent dans l'équation, c'est compliqué de faire du rap. Pour en avoir via la vente de disques, la promo est un élément important, avec le faux kidnapping d'Apash, la série questionne sur comment faire de la promo, faire dans l'originalité. Enfin, la série montre que le rap a des côtés positifs et négatifs et ne cesse de le montrer le long de la série en alternant les moments joyeux et les moment plus sombres, le rap est un business difficile à gérer et l'industrie peut basculer à tout moment.


En conclusion, j'ai vraiment beaucoup aimé cette première saison, je n'ai mis aucune note en dessous de 8 pour les épisodes et j'en suis arrivé à un 10 pour le dernier. La série est totalement captivante durant la totalité des 10 épisodes et se regarde très rapidement. Le sujet promettait et Franck Gastambide l'a traité avec talent en s'impliquant totalement dans le projet et en le faisant avec le cœur. En ressort par conséquent une excellente première saison que j'ai fortement kiffée. J'ai beaucoup trop hâte pour la saison 2 qui promet d'être aussi grandiose.


P-S: Je n'ai pas encore écouté la BO mais les sons dans la série sont très lourds, Prisons pour Mineurs, Buena Noche et FLK, c'est validé (lol).



SAISON 2



La saison 2 arrive enfin en octobre 2021 et depuis la fin de la première nous avons eu le temps d'en apprendre plus à propos de son contenu. Franck Gastambide l'avait affirmé à plusieurs reprises, Apash c'est bel et bien terminé, cette nouvelle saison se concentra sur un nouveau personnage. Un choix intéressant qui donne encore plus d'impact à la conclusion de la première saison et qui peut éviter la redondance, ce que la série réussit plutôt bien. Le réalisateur/showrunner/acteur transforme l'essai avec cette suite qui constitue également un nouveau départ, ce n'est pas parfait mais j'y ai tout de même retrouvé le bonheur ressenti devant les aventures d'Apash, il manque juste les frissons.


Une chose plane sur la série le long de presque tous les épisodes, cette chose c'est le deuil de Clément, son absence est la pire des présences et on ressent bel et bien le poids de sa mort. Il fait logiquement l'objet de la séquence d'introduction du premier épisode, une façon de confirmer sa mort s'il nous restait quelques espoirs qu'il soit encore en vie et une façon de rendre hommage au personnage, comme si Gastambide rendait hommage à celui qui a su faire le succès de la première saison (il n'est pas le seul évidemment) et qui pose les bases de cette seconde en donnant son nom au label de William et Brahim...on pourrait croire qu'il est vraiment mort en dehors de la série avec cette bande-annonce d'un documentaire sur lui puis le « 1993-2020 Apash » qui suit, le réalisme de la série est souvent discutable mais ici ça fonctionne parfaitement. Après avoir attesté de la mort de l'ex personnage principal, Franck nous propose encore une séquence forte, celle du Planète Rap avec le micro destiné à Apash inutilisé, les plans vides s'enchaînent, des plans avec le micro à gauche et Brahim à droite, plus ou moins la même avec William, s'intercalent car ils devront prendre sa relève et apprendre à se relever à la suite de cette épreuve difficile. Puis au-delà de cette introduction, la mort d'Apash sera souvent évoquée, des actes seront commis sous l'influence de cet assassinat, on peut reprocher le manque de conséquences de certaines actions mais cet événement qui marquait la fin de la première saison a une résonance importante tout le long de la deuxième.


Le roi est mort, longue vie à la reine, rapidement William et Brahim font la rencontre par l'intermédiaire d'Inès de la rappeuse qui constituera leur première signature ainsi que le centre de la série : Sara alias Lalpha (Wann). Mettre en avant une femme qui rappe est le pari de Gastambide à l'heure où les rappeuses qui ne s'appellent pas Aya Nakamura ont du mal à percer autant que les rappeurs. Lala&ce, Doria, Shay, Le Juiice, Chilla ou Diam's et Keny Arkana pour les plus anciennes et plein d'autres ont beau être talentueuses, il est vrai qu'elle ne seront jamais aussi mises en avant, à l'exception de Diam's à l'époque, que des rappeurs moyens voire mauvais...moi même n'ai jamais écouté ces rappeuses hormis Lala&ce et Doria. Il est donc important de mettre en avant le rap féminin, Gastambide l'a bien compris et le fait superbement. Il évite le féminisme bas de gamme et utilise les caractéristiques réservées aux femmes, j'entends essentiellement par là le fait de tomber enceinte, pour les biens du développement de son personnage. En effet à mon sens le réalisateur a su donner de la profondeur à son personnage en lui conférant un background qui suscite d'abord le mystère puis de l'émotion et enfin de l’intérêt pour le personnage. A part ça le personnage suit le même schéma d'ascension que Clément, elle est juste privée des implications dans l'illégal mais c'est contrebalancé par son fils qui lui confère un enjeu plus important. Interprétée par Laetitia Kerfa dont c'est le premier rôle, un rôle qu'elle tient plutôt bien malgré quelques imperfections notamment lors de la scène où elle découvre que son fils a été kidnappé, elle porte merveilleusement cette saison.
Je disais plus haut qu'elle était le centre de la série, en réalité l'accent est surtout mis sur le tandem William-Brahim (et non Mac Tyer-Mac Kregor). Le premier continue sa progression dans ses rôles de manager, directeur de label et directeur marketing, rien de bien nouveau mais il m'est toujours aussi sympathique. Brahim incarne toujours le clown de la bande, un rôle qui lui va à merveille, ceci étant il arrive à profiter d'une certaine évolution en gagnant en assurance au point d'être déterminé à mettre fin aux jours de Karnage, je dois avouer que j'ai eu peur de son sort à ce moment.
Globalement le reste des personnages reste fidèle à eux-mêmes : Sno trouve néanmoins un intérêt supplémentaire grâce à la relation amoureuse qui se construit avec Sara, ceci dit ça doit prendre 10 minutes sur les 4h30 de la saison et ce n'est pas tellement passionnant. Karnage et Mounir sont toujours aussi exagérément énervés, tellement que ça en devient drôle. Si je devais donner un souci concernant les personnages c'est que la série compte trois antagonistes à savoir Yamar, Karnage et Nasser et c'est visiblement trop pour Gastambide. Si Yamar arrive à prendre une certaine place, sa résolution n'est malgré tout pas satisfaisante, une fois qu'il se fait avoir au Planète Rap on n'a plus de nouvelle. Les deux autres sont souvent effacés du récit, de plus la sous-intrigue entre Karnage et Mastar paraît réellement secondaire et c'est d'autant plus dommage quand on apprend que c'est Karnage qui a tué Apash, c'est triste j'avais bien envie de dire « Let there be Karnage ». En revanche tous les trois sont réellement menaçants et on a encore peur de ce qu'il peut se passer, j'ai ressenti énormément de stress quand Sara a fait sa story dans le dernier épisode.


Concernant le scénario, Gastambide garde son talent pour nous proposer des séquences fortes, des scènes marquantes qui nous font oublier les quelques facilités ici et là. On retiendra dans cette saison le Rap Contenders, la mort de Karnage ou encore le Planète Rap de Yamar. Au rang des facilités on compte essentiellement la résurrection de Mounir et comment il retrouve l'équipe, j'ai eu beaucoup de mal à croire au fait qu'il soit encore en vie puis on remarque quelques maladresses sur le personnage de Sara. Tout d'abord William la retrouve sans qu'on ait vu comment, ça on peut imaginer facilement qu'il a demandé à Inès mais surtout à la fin de l'épisode 6, après avoir vécu le kidnapping de son enfant elle semble bien décidée à continuer sa carrière alors qu'elle nous a ennuyé avec ça durant tout le début de la saison. Honnêtement toutes ces remarques sont faites dans l'unique but de chipoter parce que j'ai toujours autant kiffé ce mélange entre carrière musicale et règlements de compte traité avec sérieux mais parsemé tout de même de quelques passages humoristiques via le personnage de Brahim qui arrive vraiment à amuser la galerie (après ça dépendra des personnes). Niveau mise en scène ce n'est pas ici qu'on assistera à des choses incroyables mais certains plans tels que le plan-séquence court dans lequel Karnage va tirer sur Ousmane sont efficaces.


Ce qui est toujours aussi remarquable dans cette série c'est la façon dont Gastambide utilise des éléments réels de l'univers du rap, on peut ainsi plus facilement croire aux événements dépeints et ça offre en outre quelques légères réflexions sur ce milieu. Premièrement les nombreux caméos de rappeurs sont encore présents, on a ainsi le plaisir de voir Dinos, Naps, Nahir, Kofs (qui ne joue pas son propre rôle), Alonzo, Soolking et plein d'autres plus succinctement tels que les membres de Sniper, Kery James ou Gazo. Ce défilé fait toujours autant plaisir mais certains rappeurs ont un rôle plus important tels que Rohff ou YL (le face-à-face avec Kofs était par ailleurs très cool, on attend un featuring autre que le MarseilleAllStar). Ceci dit Rohff qui joue son propre rôle ne m'a pas paru comme un choix approprié, ça voudrait dire que Rohff, un rappeur largement reconnu quand même, se présente devant Karnage et ce-dernier n'a aucune réaction et surtout ça nous fait croire que Rohff trempe dans de sales affaires...bof bof honnêtement. YL lui ne joue pas son propre rôle et ça pose tout de suite moins de problèmes surtout que ce rôle lui va bien, mieux que quand il nous pond Vaillante en tout cas. Ensuite on voit enfin Fifou après de nombreuses mentions ainsi que Laurent Bouneau et Fred Musa de Skyrock et ça m'amène à un point de la série sur lequel je suis en désaccord : l'importance de Skyrock. En effet, bien que Skyrock soit glorifiée et idéalisée, à mon avis aujourd'hui les rappeurs n'ont pas la nécessité d'être en rotation sur la radio ou de choquer l'audience lors d'un Planète Rap pour se faire un nom. Un exemple récent, celui de Ziak, le prouve bien, celui-ci a surtout fait grimper sa hype à l'aide de Tik Tok ou des médias rap qui en parlaient fréquemment. Même la série montre des moyens plus efficaces d'exploser aux yeux du public, elle met l'accent sur les coups de com important à l'instar d'un PNL qui privatise la Tour Eiffel, qui met en place une affiche géante de leur cover dans leur quartier, d'un Vald qui a bénéficié d'une affiche promotionnelle de son dernier album sur un immeuble de New York ou plus récemment d'un Orelsan qui propose une quinzaine de versions physiques son album ayant pour résultat l'éligibilité au disque d'or plus de deux semaines avant sa sortie. La série évoque également les problèmes qu'un artiste peut avoir quand il se force à faire un album, quand il est dépassé, les labels qui veulent se faire de l'argent sur le dos d'un mort (on voit très bien ça avec Pop Smoke actuellement), les Rap Contenders évidemment, je ne connais pas très bien mais c'est là que se sont fait connaître des rappeurs comme Nekfeu, Dinos, Bigflo & Oli, etc...Rapidement par l'intermédiaire de Mastar on évoque la relation entre le rap et le cinéma, deux arts qui ont tendance à se rapprocher, on a pu le voir avec Orelsan et Gringe qui se mettent en scène (et réalisent pour Orelsan) dans Comment c'est loin, le premier a même sorti un documentaire épisodique sur Amazon Prime récemment, Nekfeu s'était aussi illustré dans un documentaire intitulé Les Étoiles Vagabondes et aux côtés de Catherine Deneuve et Diane Kruger dans Tout nous sépare, Kaaris avait décroché des petits rôles dans Bronx, Fat Life, Overdrive (que des chefs-d’œuvre) puis un biopic sur NTM sera disponible en salles dans une vingtaine de jours. Cette proximité se ressent ne serait-ce que dans les films tels que La Haine ou BAC Nord qui se rapprochent de la culture rap.

En revanche j'ai été déçu sur un point qui pourtant était totalement légitime d'être abordé : le fait que les rappeurs trahissent leurs promesses de rester hardcore jusqu'à la mort pour sombrer dans la zumba et le chant. Au départ Lalpha veut rester dans du rap pur, elle refuse catégoriquement de se plier à un certain formatage pour au final faire un hit entièrement chanté avec Soolking, c'est très dommage. Au-delà de ça les morceaux interprétés par Lalpha sont moins réussis à mon sens que ceux d'Apash, ils sont très loin de l'impact d'un Prisons pour mineurs et les feats avec Alonzo et Soolking sont très moyens.


Franck Gastambide a indiqué qu'il ne voulait pas faire de saison 3 de Validé, qu'il voulait se concentrer sur d'autres projets. L'aventure semble ainsi terminée mais le réalisateur nous laisse donc avec sa série phare, ce qu'il a fait de plus abouti et de meilleur pour le moment. Quelques défauts sont à noter certes mais l’œuvre transpire la passion, nous propose un mélange savoureux de musique et de gangstérisme qui nous mène souvent vers des séquences puissantes et marquantes. La Kaïra est devenue un vrai artiste avec des ambitions plus grandes que simplement faire rire et c'est plus que réussi. Un grand bravo à lui donc qui a su capter l'intérêt et même plus, la passion, de l'amateur de rap et de cinéma que je suis, je suis désormais très curieux de voir l'évolution de sa carrière en espérant qu'il persistera dans des œuvres d'une qualité similaire.

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le 30 avr. 2020

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BestPanther

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