Wayward Pines
6.4
Wayward Pines

Série FOX (2015)

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Contient des traces de spoil susceptibles de gâcher tout plaisir.

Oui, parce que "Wayward Pines", il vaut mieux ne pas se le faire spoiler. Le facteur de surprise, le sacro-saint suspens, doit être préservé. Ce serait dommage de gâcher l'effet mindfuck très efficace de cette série.


Ça fait un moment que Canal + nous faisait miroiter, à nous, chanceux abonnés, cette série. Dès que j'ai su que ses épisodes étaient disponibles, j'ai sauté dessus. Et je n'ai pas regretté une seconde.


L'idée, c'est qu'un mec, Ethan Burke, agent secret parti en mission, se réveille dans la forêt qui entoure la petite ville de Wayward Pines après un bel accident de voiture. Petite ville qui est le lieu de vie d'une communauté un brin sectaire, qui semble vivre en autarcie, et qui répond à une multitude de règles absolument pas rassurantes. Le spectateur ne peut que se sentir en empathie avec le personnage principal, qui est aussi paumé que lui, et son inquiétude grandit au fur et à mesure qu'il découvre l'envers de Wayward Pines, à savoir une barrière électrique qui entoure la ville, des caméras et des micros planqués everywhere et une tradition charmante qui consiste à égorger en public les personnes qui se la jouent rebelles.


"Welcome to Wayward Pines, where paradise is home."


Il faut attendre quatre épisodes pour remuer les sourcils en murmurant "was passiert i understand nothing", et cinq pour écarquiller les yeux en alignant les "oooooh woooow". Cette série va très loin - mais fait ça très bien. Et dès que le mindfuck commence, on ne peut plus s'arrêter, on est happés par "Wayward Pines". On commence avec un mix de "The Village" et "The Truman Show", dans une ambiance glauque limite moyenâgeuse, pour finir sur la sensation d'être en plein jeu vidéo futuriste inspiré de "The Walking Dead". C'est du délire. C'est du mindfuck complet. Ça prend un angle inattendu, surprenant, et c'est ça qui est bon. Le rythme est géré, on dirait un film, mais découpé en épisodes. J'espère que cette série est vouée à n'avoir qu'une saison - et si c'est le cas, c'est très bien orchestré. Ça tranche avec la lenteur d'autres séries où tout le monde cause H24, mais où la seule action consiste en un regard mystérieux qui n'a pas vraiment de sens précis. Là, on est embarqué. On n'a pas le choix. Et on finit par se dire que c'est pas grave s'il est trois heures du mat', on est large pour s'envoyer un épisode. Puis un autre, en fait. Oh, et puis, tant qu'à faire, autant tout finir en une nuit. Et le soleil se lève sur notre gueule de petit accro à "Wayward Pines".


Big up pour cette galerie de personnages aux mille facettes, tiens. Tous ont un secret, un passé avant Wayward Pines, et c'est quand on s'y intéresse que tout bascule. Les premières impressions ? Elles n'étaient clairement pas toutes bonnes. Ce qui donne une profondeur au caractères de ces personnages, ce qui leur donne une vie, une contenance, quelque chose de crédible. Magique.


Ce que j'ai particulièrement apprécié, dans "Wayward Pines", c'est le fait que ce ne soit pas une série vide de sens. Ça donne le change de ne pas s'abrutir, n'est ce pas ? Après un "UnREAL" qui interroge les clefs de cet enfant de notre époque qu'est la télé-réalité, "Wayward Pines" pose ... Une tonne de questions.


La plus particulièrement gênante étant celle qui se pose au moment où le personnage principal - et nous avec - réalisons que nous ne sommes pas en 2014 mais bieeen plus tard, et que, si une barrière est dressée tout autour de la ville, ce n'est pas pour y emprisonner les gens, mais pour les protéger des Abbies, créatures flippantes qui pullulent partout sur Terre. Alors arrive le facteur de la sécurité. Quand elle devient une priorité ultime, vitale. Quand elle est enrobée par la peur. Quand son opposé est un danger réel, avec plein de dents et aucune compassion. Dès que ce facteur entre en jeu, tous les discours ont une autre saveur. On se surprend à penser "Aah, mais si c'est pour ma sécurité, alors, si c'est pour survivre, je peux faire quelque sacrifices". Puis une seconde réflexion est embrayée : Est-ce possible ? Est-ce que c'est ça, exister, alors que la vie se transforme en survie ? Est-on capable de vivre comme ça ? Ne sommes-nous pas trop évolués pour adopter, durant toute notre vie, un rythme de survie ? Et la liberté, alors, est-ce que ça vaut le coup, sans elle ?


"Freedom or safety. No both."


Aucune réponse n'est donnée. On ne peut que s'interroger, et se demander la valeur de l'instinct de survie dans la tête de personnes habituées à ne pas survivre, mais à agrémenter au maximum leurs vies.


Dans cette atmosphère, le devoir civique prend un autre sens, et met sur un piédestal surveillance et délation. Il faut contenir les hommes, les laisser vagabonder dans leur ville fantôme, mais pas trop non plus. Et un homme a ce pouvoir : le Dr Jenkins. Il passe radicalement du mec qui a sauvé l'humanité au salaud qui joue à Dieu. Ce revirement est intéressant ; tout, dans "Wayward Pines", est de toute façon affaire de revirement. A chaque épisode, quelque chose se renverse. C'est ça qui est bon. D'où la nécessité de ne pas gâcher le facteur de surprise, cher à cette série.


Quant aux autres problématiques abordées, je veux dire mise à part celle, très intéressante, de la sécurité, elles sont toutes sujettes à discussions : la paranoïa, le conspirationnisme, la question de la confiance, de la fragile frontière entre fiction et réalité, du moi social qui, parfois, s'oppose au moi intime, intérieur, les règles qui maintiennent l'équilibre mais brise les libertés, les illusions qui fédèrent tout un groupe de personnes maaaais qui en excluent pas mal d'autres ... Sur le plan sociétal, "Wayward Pines" est riche de questionnements. Je ne pourrais pas tout développer, il me faudrait des plans en trois parties trois sous-parties, hop, mais je tiens à dire que, pour le coup, "Wayward Pines" est une série intéressante. Cette ville isolée est un condensé - en version cauchemardesque - de ce que l'on trouve dans une ville lambda. C'est une sorte de métaphore prophétique, ou, en tout cas, susceptible de pointer du doigt les aléas, erreurs et déraillements d'une vie en communauté.


... Et elle est putain d'addictive, aussi.

Neena
8
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le 28 août 2015

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Neena

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