Westworld
7.6
Westworld

Série HBO (2016)

Une rapide analyse produite pour autre chose, que je me permets de poster ici.
Ca ne concerne que la première saison. Les spoilers sont peu nombreux mais gare tout de même.


Dans l'univers surchargé des séries américaines à succès, Westworld est un exemple que l'on pourrait hâtivement ranger dans la catégories des blockbusters démesuré. Son budget, sa communication, son casting, ses ambitions, tout semble avoir été prévu pour que le dernier né de HBO devienne l'héritier d'un Game of Thrones proche de sa conclusion. Et de fait, Westworld s'affirme dans cette jungle de méga-productions autant par sa production impressionnante que par ses ambitions créatives et notamment scénaristiques.


Jonathan Nolan n'est sans doute pas étranger à ce soin tout particulier accordé à l'intrigue, à ses multiples thématiques et à des personnages complexes, superbement incarnés. Car si WestWorld est une sorte de remake d'un film appelé Mondwest, sorti en 1973, il n'en reprend que l'idée principale ; Celle d'un parc à thème permettant à ses visiteurs de plonger dans un décor de Far-West, peuplé d'androïdes chargés de jouer des rôles clichés pour divertir les clients. Mais là le film se contentait de montrer les fameux « hôtes » sortant des rails à cause d'un bug les rendant subitement meurtriers, la série affiche d'emblée une ambition bien plus intéressante. Les thèmes sont bien plus variées et le sujet exploité dans toutes ses dimensions, ce qui détonne dans un univers de série qui nous avait plutôt habitué à un modèle lisse, bien conçu mais sans relief. A l'inverse, Westworld dispose de multiples niveaux et angles de lecture, si bien qu'il n'est pas inutile de chausser plusieurs paires de lunettes différentes pour y voir plus clair dans cet énigme en forme de labyrinthe.


Le mythe de la libération


Nolan et sa femme, Lisa Joy, ont d'emblée axés l'intrigue sur la condition de ces robots ; construits pour satisfaire les invités, de leurs envies les plus triviales à leurs pulsions les plus sombres. Cela les confronte donc souvent à une violence gratuite et traumatisante car implacable, les androïdes ayant interdiction gravée au fond de leur code de se défendre d'un humain. Leur mémoire est donc régulièrement effacée, et chaque journée passée n'est ainsi qu'une répétition des milles jours précédents. Là où Mondwest se voulait un thriller sans prétention philosophique, son héritier pose, dés le premier épisode, les questions qui vont travailler l'intrigue de la première saison ; Qu'est-ce qui fait la différence entre l'Homme et la machine ? Quand cette dernière cesse-t-elle de n'être qu'une série de lignes de code ? Quel droit a-t-elle et avons nous sur elle ?


Pas de place donc pour de frivoles sous-intrigues ou pour un ton comique : ce qui se passe dans le parc-monde est d'une importance gravissime. Là où le premier épisode se contente de montrer comment l'un des personnages androïdes principaux sort peu à peu de sa boucle, la suite de la première saison met en branle des événements d'une ampleur digne des grandes histoires de l'Humanité. En effet, certains androïdes, en se réveillant, vont prendre conscience de leur condition et entreprendre d'y échapper, avec leurs proches  ; une relecture moderne du mythe de l'Exode, mais pas uniquement. Car dans ce parc, trop beau pour être réel, créé par un homme à la folie démiurge, les androïdes vont sortir de leur code pour acquérir une véritable conscience. Cette sortie métaphorique du jardin d'Eden confronte alors les androïdes à la réalité d'un monde brutal et froid, où ils devront essayer de survivre. De même, la place de l'oeuvre de Michel Ange, La création d'Adam, est présente pour mieux être détournée dans un sens profondément humaniste ; l'esprit humain étant l'origine de la conscience, et non une entité supérieure.


L'on pourrait passer longtemps à tenter de repérer toutes les références que font Nolan et Joy aux récits fondateurs de l'Humanité dans leur série, mais ce qui importe d'avantage c'est que ces références ne sont pas gratuites ou pompeuses. Si les deux scénaristes s'attachent tant à ancrer leur histoire dans une longue série de mythes, c'est dans le but que cette histoire s'y intègre. Westworld devient le mythe d'un nouveau jardin d'Eden, où une nouvelle Humanité prend vie et s'éveille pour finalement se révolter et trouver sa véritable place. La série trahit en cela complètement l'esprit du film original, où les androïdes n'incarnent que le danger qui guette les héros du film, les humains ; Dans le nouveau parc, les véritables victimes sont synthétiques et les bourreaux sont faits de chair.


Ce renversement moral opère très vite chez le spectateur, qui trouve bien plus de personnages attachants chez les robots que chez leurs créateurs, à l'exception de deux d'entre eux. Le premier, Bernard, illustre tout le paradoxe de cette humanité plus froide que ses machines ; marqué par une tragédie, touchant de par son humour et son ironie, un peu isolé dans un milieu professionnel très froid, il s'avère finalement être lui même un androïde. Il illustre ainsi parfaitement l'idée que la machine est plus humaine que l'Homme. Le second, Robert Ford, est sans doute le plus intéressant ; véritable humain, créateur du parc, des androïdes et de Bernard (en secret, pour ce dernier), il est à la fois brillant, esthète, cultivé, mais aussi cynique, presque nihiliste et aux prises avec des questions philosophiques assez pesantes. Le parc est pour lui à la fois son rêve, son univers dont il est le Dieu tout puissant et son jardin d'enfant où personne ne doit pouvoir le déranger. C'est un homme obsédé par le contrôle, dont on croit longtemps qu'il s'agit de sa seule motivation. Mais en réalité, Robert Ford est surtout fasciné par ses créations, les androïdes, et par leur différence avec les humains. Alors qu'on le prend au début de la série pour le geôlier du parc, il se révèle de plus en plus comme maître du jeu, tirant les ficelles de personnages persuadés de posséder leur libre arbitre. Ford joue alors pleinement son rôle de Dieu... Au risque de brûler quelques ailes au passage, à la manière du Destin des tragédies grecques.


La grande force de cette mise en avant de la dimension mythique du récit, c'est qu'elle ouvre la voie à une multitudes d'interprétation et de métaphores lisibles pour le spectateur. Le récit de la libération des robots est suffisamment riche et subtil pour parler à des publics variés, partageant la même révolte que les androïdes. Critique sociale, anti-raciste, féministe, ou plus philosophiquement nietzschéenne, Westworld conte avant tout le sentiment presque universel de la nausée face à un monde qui apparaît soudainement faux et insupportablement laid. Comme si Nolan et Joy nous invitaient à lever le voile d'un réel confortable mais trompeur, et à regarder la matrice.


Le parc comme espace-temps du jeu


Là où l'on voit que Westworld est un série des années 2010, c'est qu'elle n'hésite pas à traiter au cœur même de son intrigue d'une forme de média encore largement méprisé il y a quelques années ; le jeu vidéo, et de plus, elle le fait avec subtilité. Pas de console, de manettes ou de casque de réalité virtuelle ; Cette dernière a toutes les apparences du réel, ne s'embarrasse pas d'interface et l'on y vit comme à l'extérieur du jeu. Mais enfin, ces différences sont bien peu de choses comparées à cette même promesse que proposent le parc de la série et les jeux actuels ; « Mettez y le prix, et je vous ferais voyager dans un endroit où vous pourrez vivre des aventures, tout oser sans subir de conséquence, et agir enfin sur votre vie ». Westworld est ainsi moins une sorte de Disneyland qu'une version réelle de Red Dead Redemption ; les visiteurs n'y croisent pas d'acteurs déguisés mais des programmes persuadés de vivre la fiction qu'on leur a implanté.


Le parallèle apparaît clairement lors d'une scène où un scénariste du parc présente à Robert Ford son prochain projet ; Le premier vante un scénario bâti autour de clichés et de frissons bas de gamme en affirmant que cela donnera aux visiteurs la possibilité de se connaître eux mêmes. Ford refuse alors en bloc le projet, arguant que cette approche est fondamentalement fausse ; Les visiteurs ne chercheraient ni les clichés, ni les frissons, ni leur propre connaissance. Ils seraient avant tout attachés à des détails, des petites choses dont ils penseraient être les seuls à les avoir remarqué, et avec lesquels ils auraient un rapport affectif fort ; En bref, la valeur de l'univers proposé serait dans sa subtilité, et seul un monde riche et attachant saura retenir l'attention du joueur fraîchement débarqué. Nolan et Joy ne pourraient pas mieux parler au cœur des gamers spectateurs de Westworld.


Un type de jeu en particulier résonne avec la série, qui a gagné en importance ces dernières années grâce à des machines devenues de plus en plus capables de prouesses technologiques ; les jeux dits en « Open-World ». Sous-entendus, sans limites, ni barrières, avec des représentants illustres tels que Red Dead Redemption cité plus haut (et qui prend lui aussi le Far West comme décor), GTA, Skyrim, The Witcher 3 ou Zelda Breath of the Wild. Dans chacun de ses jeux, l'accent est mis sur l'exploration et l'aventure, mais aussi sur le choix laissé au joueur ; Agir en chevalier blanc ou en génie du mal, être confronté à des dilemmes moraux ou juste au choix d'un itinéraire... le jeu vidéo en Open-World repose sur les mêmes ressorts que le parc. Au point que l'on doive espérer que GTA ne soit jamais doté d'IA aussi avancée que celle des androïdes, car la liberté de mal agir y est pareillement affirmée.


Ce rapport de la série au jeu provoque ainsi naturellement un investissement du spectateur gamer dans l'intrigue et les questionnements de Westworld ; aux problèmes philosophiques se rajoutent ainsi des questions autour de la science du game design. L'un des personnages principaux, William, arrive dans le jeu presque contre sa volonté et s'oppose constamment à son partenaire quand à la manière de jouer. Même au dépend de simples androïdes, il se refuse à faire du mal et de profiter de vices qu'il s'interdirait autrement. Et puis, embarqué dans un voyage provoqué par le « bug » d'une androïde, il finit par se prendre au jeu... Au point de s'y perdre. Obsédé par ce qu'il a vécu au cours de cette première expérience dans le parc, il y prend des parts et y passe une bonne partie de sa vie, persuadé que le jeu lui donnera enfin une réponse sur le sens de sa vie, ce alors que Ford nie que ses histoire ait le pouvoir la lui apporter.


La folie de William est ainsi une version hyperbolique, pathologique, du cliché surexploité par des médias en mal d'audience depuis des années (bien que récemment tombé en désuétude) ; Celle du joueur addict, qui joue au point d'oublier de se nourrir, de dormir, de travailler... La différence étant ici que Westworld ne désigne pas ce personnage d'un doigt moqueur ou moralisateur mais crée une profonde empathie en faisant vivre son parcours au spectateur ; William ne sombre pas dans la folie parce qu'il est abruti par le jeu, ou parce qu'il serait associable et mal adapté au monde réel. Lorsqu'il est dans la réalité, il joue parfaitement un rôle de milliardaire philanthrope, père de famille exemplaire. Et pourtant, il est constamment en manque de ce qu'il a vécu une fois, pour de faux, mais qui lui semble plus réel et plus puissant que la réalité. Ford, sans doute involontairement, a crée un jeu si prenant et si réussi qu'un de ses joueurs, à cause d'une fragilité dans son caractère, y a complètement perdu pied, démontrant par là à la fois la réussite totale de ce projet ainsi que sa limite absolue. Car William, en cherchant un sens et une vérité au sein du jeu, ne joue paradoxalement plus, et agit en fait très dangereusement, pour lui et les autres.


Le jeu, le virtuel et les dangers qui leur sont liés, ne sont donc pas une simple métaphore dans Westworld ; il s'agit d'un ressort essentiel du récit, puisque se pose constamment la question : Est-ce que ce que je vois est réel ? Le fait que Westworld soit un décor factice, où chaque rocher peut cacher un ascenseur menant aux coulisses froides et futuristes de ce grand théâtre, contribue aux grandes questions posées par le récit et ajoute une surcouche de lecture pour le spectateur ; le doute. De la même manière que la vérité n'est jamais facile à trouver dans le parc, elle ne l'est pas non plus dans la série. C'est là que se pose le problème de Westworld comme métaphore d'elle même.


Une multi-métaphore


La série correspond également à son époque de par sa dimension « méta » permanente, comme création ayant conscience de l'être. Mais là où certains blockbusters cèdent aisément à la référence au troisième degré facile, comme Deadpool 1 et 2, où le quatrième mur est abattu presque à toutes les scènes, Westworld joue plus finement, comme un équilibriste sur son fil. Comment proposer au spectateur un discours sur soi-même sans briser la cohérence du scénario ? Notamment en montrant des gens qui écrivent des histoires, des scénaristes, des créatifs aux prises avec leur public, leurs producteurs, leurs tourments personnels, leurs joies et leurs frustrations.


Si Ford a crée le parc au tout départ, c'est bien parce qu'il voulait raconter des histoires, après une enfance douloureusement morne et propice à l'imagination. Le jeune scénariste Sizemore a lui encore tout à prouver et crève de frustration à faire du petit œuvre, des petites intrigues, alors qu'il voudrait donner au parc ses prochaines grands récits. Les deux, en plus de la difficulté de leur tâche se retrouvent souvent bridés ou attaqués par les intérêts des « money men » de Delos, la société possédant le parc. Ford est ainsi à la tête de tout sans réellement avoir le contrôle, comme Nolan et Joy par rapport à HBO, et le personnage de Sizemore évoque lui tellement de personnes réelles qu'il serait vain de dresser tous les parallèles possibles ; Il est clairement la figure du créatif dans le panier de crabe des grands studios. Ford, à l'inverse, représente l'auteur par excellence, celui qui ne lâche rien aux financiers et surtout pas ce qui lui tient à cœur sur le plan personnel. Dans les coulisses du parc semble se jouer alors la création d'une œuvre qui pourrait être la série elle-même.


Car, plus profondément qu'un simple clin d'oeil au milieu du cinéma, Westworld semble être une série qui a conscience de sa condition d'oeuvre filmique, et qui développe un propos sur son milieu culturel, en plein bouleversement depuis quelques années. La scène citée plus haut, où Ford et Sizemore s'opposent quand à ce que le parc doit apporter au visiteur, peut également s'appliquer à une série ; Le jeune loup veut proposer un produit fignolé mais attendu et sans prises de risques, dans la logique industrielle qu'il a été forcé d'intégrer, alors que Ford, plus old school, se comporte d'avantage en artisan soucieux du détail et de l'âme de son œuvre. Entre les deux, Nolan et Joy choisissent clairement leur camp car les histoires de Sizemore, si elles ne sont pas forcément mauvaises, sont souvent marquées par des clichés faciles et des facilités d'écriture, lesquels sont absents des récits de Ford. Pour autant, le cliché est une composante essentielle de Westworld, qui joue constamment avec ceux du Western pour mieux tout désamorcer avec l'idée que tout ce décor, ces rôles archétypaux, ces intrigues revues mille fois, ne sont pas des éléments fidèles historiquement mais bien des parties du grand mensonge que constitue le parc ; Comme au théâtre, les artifices sont conçus dans les coulisses et sont acceptés comme tels par les spectateurs.


La principale différence réside dans le fait que les acteurs sur scène sont convaincus, eux, de vivre réellement les tragédies qu'ils jouent. La frontière se brouille donc naturellement pour le public de la série, entre ce qui tient de l'univers du parc, de la série et des coulisses de la série. Et si l'actrice de Dolorès tient autant à défendre les actes de son personnage sur les réseaux sociaux, cela ne tient sans doute pas au hasard. Que Evan Rachel Wood ait capté cette dimension méta-métaphorique ou qu'il s'agisse d'un plan de communication, l'effet reste troublant. Mais ce flou a le bon goût de ne jamais assaillir le spectateur, de n'être toujours qu'une surcouche que l'on peut choisir d'ignorer. Westworld évite ainsi l'écueil trop courant actuellement des blagues méta trop basiques et envahissantes, et fait de sa dimension « méta » un élément de plus d'une narration qui joue avec nos repères et nos attentes pour mieux nous surprendre et toujours plus nous faire douter de nos certitudes.


La nouvelle série d'HBO ne manque donc pas d'ambition et ses créateurs de talent. La vision qu'ils proposent avec cette première saison est suffisamment riche pour justifier une suite, déjà confirmée, à condition de ne pas perdre cette justesse d'écriture et de réalisation qui permet à la série de ne pas sombrer dans le pompeux. Westworld gagne à soutenir un propos, là où beaucoup de concurrents se contentent de poser des questions sans oser apporter leur réponse.

Llanistar
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le 14 oct. 2018

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