White Lines
6
White Lines

Série Netflix (2020)

Voir la série

Les premiers épisodes de "White Lines" sont tout simplement enthousiasmants, au point qu'on affûte déjà ses superlatifs, et qu'on commence à répandre la bonne parole autour de soi : cette co-production britannico-espagnole, faisant le grand écart entre le soleil d'Ibiza et la grisaille de Manchester, mais aussi entre un passé de fête et de folie et un présent qui déchante salement, pourrait-il devenir une sorte de mini-"Breaking Bad" ? Un sujet passionnant (que reste-t-il de nous, de nos rêves, de nos amours, une fois que le temps et l'argent sont passés dessus ?), quelques acteurs charismatiques (Tom Rhys Harries, en star adorable et torturée de la scène rave mancunienne, puis en prince des nuits d'Ibiza, est parfait, ce qui est essentiel pour que toute l'histoire, qui tourne autour de lui et seulement autour de lui, fonctionne !), une réalisation soignée, voire régulièrement inventive en particulier lorsque l'action s'emballe et la tension monte (Alex Pina, vétéran de la télévision espagnole et responsable de la "Casa de Papel")... des qualités indéniables auxquelles il faut ajouter la photogénie des Baléares et la truculence des deux langues qui se mêlent harmonieusement ici (la belle rudesse de l'accent de Manchester contre la vulgarité sensuelle de l'espagnol, ça fait des étincelles !).


Et puis, patatras, voilà qu'à mi-parcours, alors qu'on se délecte de ce mélange original de violence burlesque (toute la partie sur les dealers roumains est excessivement jouissive) et de quête de sens, entre fêtards vieillissants, hippies défoncés, mafieux fatigués, mère incestueuse déculpabilisée, hommes de main en quête de rédemption, "White Lines" se met à salement patiner. Il suffit de trois épisodes qui privilégient en dépit du bon sens des scènes sentimentales sucrées, et font agir certains personnages de manière incompréhensible, contredisant la (relative) subtilité des rapports établis jusque là, pour que la désillusion, voire même un poil d'ennui s'installent. Manque de rigueur dans l'écriture, manque de maîtrise dans la direction d'acteurs (on se rend compte à mi-parcours que Laura Haddock, le personnage principal (!), commence à nous irriter avec son éternelle mine perdue et désespérée, et son absence totale de boussole morale), ou bien les deux à la fois ?


Bien sûr, la conclusion de la série est remarquable, le cap est redressé : l'énigme est résolue de manière crédible, et le dernier épisode se clôt sur un goût d'amertume qui nous réconcilie presque totalement avec "White Lines". Avec quand même un léger doute, et un grosse crainte : cette fin en pointillés, que l'on aime trouver élégante, n'indiquerait-elle pas la possibilité d'une seconde saison ?


PS : Qui aime la culture musicale anglaise, ou qui a des souvenirs (brumeux) des années "rave" à Manchester ou / et à Ibiza ne pourra que prendre beaucoup de plaisir à la description énergique et juste d'une période où rêver, faire de la musique, aimer et danser était encore possible. Grâce au superbe personnage d'Alex Collins, "White Lines" nous touche profondément.


[Critique écrite en 2020]
Retrouvez cette critique et bien d'autres sur Benzine Mag : https://www.benzinemag.net/2020/05/31/netflix-white-lines-on-nest-pas-passe-loin-dune-reussite-magistrale/

EricDebarnot
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Les meilleures séries de 2020

Créée

le 30 mai 2020

Critique lue 2K fois

10 j'aime

2 commentaires

Eric BBYoda

Écrit par

Critique lue 2K fois

10
2

D'autres avis sur White Lines

White Lines
Discus357
6

Presque excellent

Parfois brillant, palpitant, drôle, profond... parfois plus mou et presque creux, souvent confus. Je me suis laissé facilement prendre dans cette histoire qui touche à l’absolu et finalement au sens...

le 19 mai 2020

10 j'aime

1

White Lines
Jarry_Lounes
8

It's better to burn out...

White Lines est cruelle. Cette production d'Alex Pina (La Casa de Papel) nous invite, confinés que nous sommes, à un voyage des plus sauvages sous le soleil d'Ibiza. Au programme, bien évidemment,...

le 16 nov. 2020

5 j'aime

1

White Lines
BenoitRichard
4

Critique de White Lines par Ben Ric

De prime abord, la série était plutôt encourageante. Un décor paradisiaque (Ibiza) boosté par des filtres de couleur à vous décoller la rétine dans lequel déboule une bibliothécaire de Manchester ...

le 15 juin 2020

3 j'aime

Du même critique

Les Misérables
EricDebarnot
7

Lâcheté et mensonges

Ce commentaire n'a pas pour ambition de juger des qualités cinématographiques du film de Ladj Ly, qui sont loin d'être négligeables : même si l'on peut tiquer devant un certain goût pour le...

le 29 nov. 2019

204 j'aime

150

1917
EricDebarnot
5

Le travelling de Kapo (slight return), et autres considérations...

Il y a longtemps que les questions morales liées à la pratique de l'Art Cinématographique, chères à Bazin ou à Rivette, ont été passées par pertes et profits par l'industrie du divertissement qui...

le 15 janv. 2020

190 j'aime

103

Je veux juste en finir
EricDebarnot
9

Scènes de la Vie Familiale

Cette chronique est basée sur ma propre interprétation du film de Charlie Kaufman, il est recommandé de ne pas la lire avant d'avoir vu le film, pour laisser à votre imagination et votre logique la...

le 15 sept. 2020

184 j'aime

25