Years and Years
7.7
Years and Years

Série BBC One (2019)

Voir la série

J'ai découvert cette mini-série un peu par hasard, attiré par la tête d'affiche d'Emma Thompson (encore !). Je n'en avais pas entendu parlé, celle-ci ayant été (injustement) boudé par les cérémonies de récompenses. Sans savoir de quoi ça traitait, j'ai été emporté et troublé par ce microcosme familial, englouti par un monde à la dérive. Years and Years provoque un choc tout en éveillant notre conscience et notre humanité aux différentes voies que notre société est susceptible d'emprunter à l'avenir.
La série démarre en 2019. Le monde est en pleine mutation, que ce soit politique, climatique, social, technologique... Via le prisme de la famille Lyons, on assiste à ces changements tout en observant leurs relations, leurs désaccords, leur unité. Mais les années passent et les événements planétaires ne cessent de se faire plus effrayants, incontrôlables, allant jusqu'à mettre à mal l'existence des membres de la famille.
Difficile de sortir indemne du premier épisode de Years and Years. Ça secoue et ça fait peur. Cette dystopie ultra-réaliste imagine avec fracas les tourments d'un monde en plein chamboulement. Alors que la technologie et la science s'ouvrent à des progrès incroyables et illimités (voire parfois flippants), la mini-série parvient non seulement à faire réfléchir sur notre possible investissement dans un futur proche mais s'impose aussi comme une authentique mise en garde. On renoue avec les émois confus des meilleurs épisodes de Black Mirror. La force de la série réside dans l'empathie et le confort matériel dans lequel se déroule l'action : on assiste à l'effondrement de la société dans le cadre intime d'un foyer anglais. On est, comme les personnages, pris de court, dépassé, victime d'un chaos grandissant. Le temps file et la destruction se répand en Grande-Bretagne mais aussi au sein d'autres nations : la montée des extrêmes, le Brexit, la politique de Trump, la gestion des flux migratoires, le changement climatique... C'est très proche de notre réalité actuelle, sans céder à la caricature pour autant, et c'est sans doute pour ça que la série met autant mal à l'aise. C'est terrifiant de réalisme.
Au-delà de la catastrophe dans laquelle on s'engouffre, Years and Years est aussi, et surtout, une histoire de famille où les thématiques de l'amour, de la parentalité, des liens entre frères et soeurs, des traditions, de l'héritage, de la tolérance ont toute leur place. Si tout ça reste plausible, c'est surtout grâce à eux. Chaque personnage est important dans la narration : entre le père dépassé par la crise, sa femme aux petits soins qui a fini par s'oublier elle-même, des enfants en manque de repères et de confiance, la matriarche qui fait perdurer la cohésion et les traditions familiales, une soeur activiste prête à tout sacrifier pour la cause qu'elle défend ou cet autre frère totalement guidé par les sentiments, la série fait preuve d'une écriture recherchée et chorale qui entrecroise brillamment ces destins à l'Histoire universelle.
C'est une série très touffue, tellement dense en informations qu'on peut s'y perdre et trouver l'ensemble si gros qu'on finit par plus y croire. La fin, par exemple, beaucoup plus science-fiction, m'a moins emballé. Mais on ne peut nier que la série maitrise intelligemment ses nombreuses ellipses pour ne préserver que l'essentiel, une succession de moments forts qui procure une adrénaline mêlée à des frissons. C'est une oeuvre complexe mais équilibrée, qui veille à ne jamais déborder dans les excès gratuits et à ne pas condamner abusivement son récit vers une fin horrible. Elle ne vient pas non plus nous faire la morale et replace toujours le facteur humain au centre de son récit. L'accent continu mis sur les personnages et leurs aspirations fait que la série est très fluide et touchante. Les comédiens, d'ailleurs, sont géniaux, tous au diapason, complémentaires, drôles et pertinents. L'image, aussi, est colorée et chaleureuse, ce qui a tendance à faire passer plus facilement la pilule...
Six épisodes, c'est court, mais amplement suffisant pour nous mettre K.O.

alsacienparisien
8

Créée

le 16 mars 2021

Critique lue 167 fois

Critique lue 167 fois

D'autres avis sur Years and Years

Years and Years
TheRedViper
4

Years and Waste

Ça commençait pourtant bien. Le premier épisode était sacrément bon : on découvre la famille Lyons, qui semble absolument inclusive : on a des blancs, des noirs, des hétéros, des gays, des...

le 23 juin 2019

47 j'aime

12

Years and Years
SanFelice
8

Vivienne Rook et le t-shirt à une livre

Décidément, les séries de l'année 2019 aiment nous mettre en scène la fin du monde. Cela permet de montrer l'état de nos peurs actuelles. Peur du nucléaire qui nous a donné Chernobyl ou Dark. Peur de...

le 17 juil. 2019

41 j'aime

1

Years and Years
lhomme-grenouille
3

L’écriture inclusive c’est bien. L’écriture intelligente c’est mieux.

Si je vous dis « série anglaise. » « Regard sur la société de demain » « Réflexion sur l’impact des nouvelles technologies. » « Dystopie. » Vous me répondez quoi ? Allez… Avouez… Vous avez envie de...

le 11 mars 2020

15 j'aime

22

Du même critique

Un amour impossible
alsacienparisien
8

Récit romanesque d'une densité rare

Adaptation du roman phare de Christine Angot, "Un amour impossible" est un film fleuve qui retrace l'ensemble d'une vie. C'est étonnamment dense, percutant et fort. Les thématiques centrales vont au...

le 11 nov. 2018

19 j'aime

1

Épouse-moi mon pote
alsacienparisien
2

De la maladresse du propos nait un profond malaise...

Epouse-moi mon pote suscite de vives réactions sur son histoire centré sur le thème de l'homosexualité. Je n'ai pas personnellement trouvé le propos insultant mais je l'ai trouvé maladroit et...

le 7 nov. 2017

18 j'aime