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CBS All Access a ressuscité "La Quatrième Dimension", Shudder a ramené les sketches horrifiques de "Creepshow" d'entre les morts et c'est désormais au tour d'Apple TV+ de raviver les "Histoires Fantastiques" initiées par Steven Spielberg !
Après tout, c'est compréhensible : vu leur nombre exponentiel, les plateformes de streaming n'ont pas d'autre choix que de s'appuyer sur des marques déjà existantes dans le but d'attirer le regard des spectateurs. Et quoi de mieux pour cela que des œuvres avec un format anthologique ? Il suffit de conserver un minimum l'approche qui leur est spécifique et d'y insuffler une touche de modernité à travers des scénarios inédits. Seulement, encore faut-il que ces prolongations tardives soient assez solides pour être à la fois à la hauteur de leurs modèles et maintenir un vrai élan de qualité pendant la majorité des épisodes car, quand ce n'est pas le cas, ces revivals contemporains perdent très vite en intérêt, "The Twilight Zone" 2019 en est le parfait exemple...


Ce qui donne toute son identité à la série d'origine "Histoires Fantastiques" (deux saisons de 45 épisodes entre 1985 et 1987), c'est avant tout la patte de son créateur, producteur et réalisateur Steven Spielberg. À travers ses différents contes fantastiques, la série était clairement celle qui devait reproduire l'esprit des productions Amblin au cinéma à travers la petite lucarne. Emmené par la musique culte du générique composé par John Williams, chaque épisode amenait ainsi l'extraordinaire dans le quotidien des téléspectateurs américains par le prisme de cette âme typiquement "spielbergienne", celle qui réveille encore spontanément aujourd'hui nos yeux d'enfant émerveillé en s'aventurant sur un registre fantastique certes naïf mais jamais niais. Forcément, à l'ère d'une époque profondément cynique où bon nombre de produits mercantiles tentent de surfer sur la nostalgie de cette magie estampillée Amblin sans en retrouver une once, des "Histoires Fantastiques" inédites toujours produites par son créateur apparaissent comme un retour aux sources potentiellement capable de balayer tous ces pâles ersatz qui se réclament de cette filiation.
Bon, en même temps, ne soyons pas trop naïfs nous-mêmes, la série est avant tout une vitrine pour Apple TV+ et avoir le nom de Steven Spielberg sur une série est un argument marketing incroyablement attractif, d'autant plus qu'il n'est que le producteur de cette nouvelle monture d'"Histoires Fantastiques", ses véritables superviseurs étant en réalité le duo Edward Kitsis/Adam Horowitz, les créateurs de la série "Once Upon A Time" (un choix d'ailleurs loin d'être bête, les deux compères ayant réussi à inscrire les codes des contes de fée dans un cadre nouveau et moderne).


Évidemment, on attendait beaucoup de la première de ces cinq "Histoires Fantastiques" 2020, espérant être subjugué par le feu d'artifice de nos retrouvailles avec cette magie Spielbergienne que l'on évoquait plus haut. Eh bien, passé la découverte du formidable nouveau générique (avec toujours la fameuse musique), The Cellar fait hélas figure d'une montagne qui accouche d'une souris. Non pas que cette romance temporelle ne soit pas plaisante à suivre, elle ressemble même à un épisode pur jus de son modèle et réussit à produire quelques jolies étincelles sentimentalement parlant (notamment par l'intermédiaire de la très prometteuse Victoria Pedretti, découverte dans "The Haunting of Hill House"), mais ce ne sont justement que quelques étincelles éparses là où on était en droit d'attendre une explosion tonitruante à l'écran. The Cellar propose en effet une intrigue bien trop classique et donc prévisible de bout en bout dans son déroulement pour peu que l'on soit familier de ce genre de récit romantico-SF. Bref, l'épisode se résume à un bon moment, respectueux de l'esprit naïf de son ancêtre, mais fait figure d'un retour qui n'a pas beaucoup d'arguments afin de renouveler une formule vieille de plus de trente ans.
On voulait se rassurer en se disant que "Histoires Fantastiques" démarrait calmement sur ses acquis pour mieux nous surprendre avec le deuxième épisode... Pas de bol, The Heat déçoit encore plus et se révélera au final le plus faible segment de cette courte première saison. Encore une fois, cette histoire sur une relation tellement forte qu'elle se poursuit par-delà la mort bénéficie de la très bonne prestation de ses deux interprètes principales et parvient à atteindre quelques soubresauts émotionnels grâce à la musique signée Ramin Djawadi (la force de l'interprétation et les différentes compositions musicales seront d'ailleurs les piliers qualitatifs des cinq épisodes), encore que l'énième utilisation de "On the Nature of Daylight" par Max Richter sonne comme une manœuvre désespérée en ce sens, mais The Heat propose aussi une intrigue encore plus convenue que la première, comme paralysée à l'idée d'offrir autre chose que les bases mis en place par la série dans le passé, et qui, c'est là le pire, s'englue dans la mièvrerie en bout de course.
À vrai dire, à travers ces deux premiers épisodes, "Histoires Fantastiques" semble vouloir trouver un équilibre entre sa recette originelle et l'utilisation de thématiques modernes, sauf qu'elle s'agrippe maladroitement à des choix fatigués des deux côtés et se perd doublement en balbutiant des fondamentaux efficaces sans parvenir à en retrouver l'âme...


Heureusement, la série va sortir de sa torpeur avec l'excellent Dynoman and the Volt! emporté par la candeur salutaire de son intrigue super-heroïque ! Ce troisième épisode renoue enfin véritablement avec cette magie tout droit sortie des 80's pour nous faire retourner en enfance ! Peut-être est-ce le simple fait de découvrir une histoire de super-héros traitée avec une telle innocence au milieu de l'overdose actuelle du genre qui fait un bien fou ? Ou est-ce la présence du défunt Robert Forster en papy bougon et volontairement aveugle sur les difficultés de son âge qui nous fait avoir une infinie tendresse vis-à-vis de cet épisode ? En tout cas, on notera que Dynoman ans the Voltman! abandonne la tonalité moderne des thématiques des deux premiers segments pour se recentrer sur celles universelles et intemporelles qui ont fait le succès de la série (en l'occurrence, la reconstruction de liens familiaux perdus) et ce n'est sûrement pas étranger à la réussite de cette troisième histoire.
Dans la continuité de ce souffle retrouvé, Signs of Life est le deuxième épisode le plus touchant de la saison. Alors, oui, le mystère autour de cette femme se réveillant après des années de coma déçoit un peu par le manque de prise de risques sur sa résolution mais Signs of Life construit plutôt bien la relation entre cette mère au comportement troublant et sa fille qui ne la reconnaît plus jusqu'à un final impressionnant quant à la dose de merveilleux irrésistible véhiculée.
Beaucoup moins enthousiasmant que ses deux prédécesseurs, The Rift se borne à une deuxième intrigue à base de voyages temporels (un avion de la Seconde Guerre Mondiale se crashe à notre époque) dans la lignée très classique du premier épisode sans pour autant parvenir cette fois à émouvoir, la faute encore à une progression scénaristique qui se refuse à embrasser un seuil minimal de surprises.


Un peu plus porteuse d'espoir pour l'avenir que "La Quatrième Dimension" 2019 grâce aux fulgurances des épisodes 3 et 4 (enfin, le revival supervisé par Jordan Peele comptait 10 épisodes, la comparaison est donc quelque peu injuste à l'heure actuelle), cette première salve d'"Histoires Fantastiques" peine néanmoins à prouver la pertinence de son retour. L'approche et les éléments qui ont construit l'identité culte de la série au fil des années sont bien présents mais à quoi bon se contenter de les répéter sans réussir à produire ou à renouveler cette capacité d'émerveillement devenue indissociable d'elle ? Il est dommage que cette saison en demi-teinte nous laisse sur cette interrogation si pessimiste malgré certaines qualités... Une chose est sûre, les prochaines Histoires se devront de résoudre ce problème pour retrouver (en permanence) leur caractère Fantastique tant désiré.


(5.5/10)

RedArrow
5
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Créée

le 8 avr. 2020

Critique lue 847 fois

RedArrow

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