Revolutionary Girl Utena
7.2
Revolutionary Girl Utena

Anime (mangas) TV Tokyo (1997)

Je crois que j’ai vu cet anime pour la première fois quand j’étais au collège, il y a environ 30 ans. À l’époque, je ne comprenais pas grand-chose à ces thèmes, et pourtant, quelque chose m’a profondément marquée. Je ne saisis pas vraiment ce que je voyais, mais j’étais étrangement fascinée. C’était un choc — presque traumatisant — resté gravé dans ma mémoire.

Près de 30 ans plus tard, en le revoyant, ce choc est toujours là. Mais cette fois, j’ai l’impression que ma compréhension commence enfin à suivre. Des animes étranges et puissants, il en existe plein, mais lorsqu’on parvient à mettre des mots sur ce qui semblait obscur, c’est peut-être la preuve d’une construction minutieuse et aboutie.


Dès le départ, on sent que l’œuvre est parsemée de métaphores clés :


・L'épée = la volonté

・Le prince = l’étoile = l’espoir, le miracle, la perfection

Une sorte de foi intérieure nécessaire pour vivre, un idéal, un dieu personnel, ou comme la culture idol actuelle.

・La sorcière (Anthy) = celle qui fait obstacle, qui attire la haine. Celle qui confronte à une vérité dérangeante – ou peut-être la question même : « Qu’est-ce qu’une vérité essentielle ? »

・La rose = l’amour ? l’éternité ?

・Le planétarium = l’illusion, une lumière et une beauté trompeuses

・Satan (Akio) = semblable à la carte du Diable dans le tarot. Le désir, la déchéance, la dépendance, l’obsession, la domination, etc. L’enfermement dans ses propres illusions.

・Le château = le paradis


Et tout cela se déroule dans une école en forme de tombe


Les métaphores apparaissent presque de manière subliminale, comme si l’on était dans un monde de l’esprit, sans logique apparente – un univers onirique, parfois absurde. Chaque ligne de dialogue contribue à expliquer cet univers.


Un espace à la fois connecté au réel et séparé de lui. Une frontière floue, que l’on franchit sans même s’en rendre compte.

Les indices laissés dans l’histoire sont si discrets qu’ils peuvent passer inaperçus si l’on ne regarde pas avec attention. Mais même sans tout comprendre, quelque chose touche la spectatrice au plus profond. Une stimulation visuelle qui éveille l’inconscient.

L’impression que cela laisse est immense. C’est ce qui donne envie de percer ses mystères.


De prime abord, on pourrait croire à un anime absurde et dingue, mais cette absurdité est peut-être en elle-même un thème. Car le « miracle », un concept central de l’histoire, est précisément ce qui est absurde et déraisonnable par nature.

Le « miracle » que montre Akio aux duellistes est peut-être justement cela : une chose hors norme. Parce qu’un miracle n’a rien de réaliste, on peut l’admirer comme une étoile au loin.

Mais si on vous disait que vous pouviez vraiment l’atteindre ? Ce murmure peut parfois rendre folle.

Satan est aussi Lucifer : celui qui apporte la lumière.

La seule question est de savoir si cette lumière est vraie… ou mensongère.


Dans le dernier épisode, Utena, l’héroïne, n’apparaît pas. C’est qu’elle a déjà quitté ce monde illusoire, après avoir mené sa propre révolution intérieure. Et Anthy, elle aussi, décida de son plein gré d’y mettre fin.

Ce qu’il reste à la fin, c’est l’amour pur d’Anthy, la force de conviction d’Utena, et l’amitié entre elles deux. Tout le reste n’était qu’illusion.


C’est un récit initiatique, celui d’une adolescente qui sort du rêve, découvre la réalité, se découvre elle-même, et devient adulte. Mais aussi une interrogation : vivre dans l’illusion, ou affronter sa véritable existence.


Choisir la réalité, vivre une vie authentique,

ouChoisir l’illusion, et continuer à se mentir à soi-même.


Briser les chaînes que l’on s’est imposées,

ou Rester enfermée dans un monde clos par peur du changement.


Ce sont les questions posées à travers Utena et les duellistes.

Même si Utena est à un moment séduite par Akio, elle reste fidèle à elle-même jusqu’au bout. C’est là que j’ai été profondément touchée par Utena.


Dans sa droiture, on retrouve les tourments de l’adolescence, le sentiment d’impuissance face à un monde d’adultes, la déception et la perte qui surgissent à la découverte de la réalité.

Une fois l’anime terminé, son univers est si riche, si cohérent, qu’on lui pardonne même ses longueurs et ses excès de symbolisme "fille".


On peut y lire aussi une critique du patriarcat ou du système masculin dominant. Mais il ne faut pas oublier que la situation actuelle – Anthy soumise à Akio, leur complicité – est aussi le fruit du choix d’Anthy. Ce n’est qu’un élément du récit, pas son cœur.

Le vrai sujet, c’est la révolution de chaque conscience individuelle.

...

……

……Bon. Et si je le regardais encore une fois, pour mieux comprendre ? 😋



Petite note :

Les chansons des duels par J. A. Seazer sont absolument essentielle à l’univers. Elles racontent l’histoire de chaque duelliste à travers leurs paroles, ce qui permet de mieux comprendre les personnages et de lever le voile sur certains mystères non élucidés.

Son côté liturgique, mêlé à une douleur viscérale, crée cette tension dramatique proche du sacré. On sent l’influence de Terayama, et c’est logique : le réalisateur Ikuhara a été marqué par son œuvre. On retrouve dans Utena ce même souffle de vie qu’on perçoit dans les films de Terayama.


À noter aussi : il paraît que la mise en scène théâtrale d’anime Evangelion doit beaucoup aux conseils d’Ikuhara. (C’est ce que dit Hideaki Anno dans son livre.) Pour mémoire, Evangelion est diffusé en 1995, Utena en 1997.


Plus tard, j’ai appris qu’Ikuhara disait lui-même dans ses écrits : « Un écran abstrait communique mieux un thème qu’un réalisme brut. »

Je comprends maintenant. Cette méthode était d’une efficacité redoutable. — En tout cas, pour moi.

Hikaru_y
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le 5 juin 2025

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