Pour un déficient de l'attention comme moi, regarder une série est une petite épreuve ; Seules les fictions historiques et fantastiques y arrivent, généralement. Autant dire que Taboo partait avec de sérieux atouts mais que j'attendais tout de même d'être convaincu par le premier épisode pour attaquer la suite.
Après avoir fini la première saison, je peux affirmer que j'ai vraiment accroché à cette série, à son univers et à ses personnages. Et ce succès se comprend par la solidité de la recette de Taboo, que je m'en vais décrire en quelques points, sans spoile.
Premièrement, la série a de la gueule. Le Londres des guerres napoléoniennes est très convainquant, les décors sont assez variés et intelligemment mis en scène pour donner des ambiances très réussies. Du vieux manoir décrépi, à la cellule glauque de la tour de Londres en passant par l'inévitable bal mondain décadent, Taboo immerge dans l'époque sans s'embarrasser de nostalgie ; l'Angleterre est alors crasseuse dans ses rues et impeccable dans ses palais, une réussite importante pour une série historique, mais qui ne tombe pas dans la perfectionite aiguë.
Car, c'est mon deuxième point, cette fiction se sert habilement d'événements historiques pour mettre en place une intrigue qui doit autant à un livre d'Histoire qu'à un roman gothique ; Le personnage historique a tout du diable parcourant la Terre en corrompant les bonnes âmes, instillant la rébellion dans les coeurs et doté de talents fort peu chrétiens. Ce qu'on prend au début pour une simple aura s'avère en réalité bien plus, mais heureusement, Chips Hardy a eu l'intelligence de traiter ce mysticisme sans outrance, tout en non-dits et en pudeur. Des indices sont là, pour le spectateur attentif, mais le déroulé des épisodes laisse de toute façon de plus en plus de place à ce surnaturel malsain et parfois même bestial, il faut le dire, assez fascinant de par le mystère qui s'en dégage.
La fascination doit également beaucoup à Tom Hardy lui même. Je sais que le bon Tom a tendance à diviser le public ; Certains le voient comme un acteur assez oubliable, qui se contente de grogner pour se donner un air. D'autres, dont je suis, captent sa violence constamment contrôlée, une dureté morale toute animale mal domptée et qui n'attend que de rejaillir, ce qui ne manque pas d'arriver. Mais le personnage de James Delaney a quelque chose en plus ; le détachement typique de ceux qui ont vécu le pire et qui ont perdu leurs illusions, ce qui en fait un homme capable de tout et sans barrière ; un rôle sur mesure pour Hardy.
Le reste du casting sonne également juste, même si l'écriture des personnages est assez inégale. On retrouve beaucoup de têtes connues du milieu de la télévision et du théâtre anglais ; Johnatan Pryce, impressionnant comme à son habitude en vieux pourri qui n'arrive plus à garder ses cadavres dans le placard ; Tom Hollander en chimiste dépravé ; et d'autres moins connus comme l'actrice Jessie Buckley ou le très touchant majordome David Hayman. Dommage que tous les personnages ne se valent pas.
D'une manière générale, ce qui empêche Taboo d'être une série vraiment bonne, c'est la lenteur de son intrigue dans cette saison 1. Entre le 1er épisode et le dernier, assez peu d'événements significatifs adviennent ; la majorité du temps, la série se penche sur les personnages, sur l'époque, donne au spectateur de très belles scènes mystiques, et remonte une mécanique de complots entre les différentes forces à l'oeuvre dans l'intrigue. Cette mécanique est à vrai dire très bien foutue, c'est assez rare pour être signalé ! Dans cette toile d'araignée, le personnage principal parvient à toujours avoir un coup d'avance de manière crédible, cohérente. Cependant, saison 1 oblige, se dégage encore une impression d'invincibilité de James Delaney.
Et c'est à mon sens le défaut de cette saison 1 : Elle n'est qu'un premier acte (fait assumé par la production dans la promo de la série), qui pose des bases et des personnages, et met souvent de côté le fil rouge de l'histoire principale au profit d'intrigues dédiées à cette première saison, dont on sent qu'elle sont de moindres importance. Difficile de se sentir donc investi ou passionné par des événements dont on pressent que leur impact sur la suite sera marginal, au mieux. D'où le fait aussi que ce fameux fil rouge reste traité en surface et jamais dans sa moelle, ce qui ne manquera pas de lasser le spectateur pressé.
En bref, commencer Taboo maintenant n'est peut être pas la meilleure idée ; ses créateurs ont visiblement décidé de prendre leur temps et de faire décoller l'intrigue (notamment le plan, encore largement méconnu de Delaney) dans la saison 2. Espérons le car, la série devant s'achever avec sa saison 3, il serait temps que la voile prenne le vent pour de bon et que le Taboo soit exploré plus en profondeur.
Personnellement, j'ai été séduit par l'ambiance qui se dégage de la série, par ce mystère poisseux, par cet Angleterre maussade et son personnage principal au charisme magnétique. Mais Taboo reste un essai à transformer.