Si Michonne est sans doute le personnage le plus cool de la série télévisée, elle l’est nettement moins dans les comic books. Mais tout aussi déterminante : c’est elle la pure individualiste qui anime Amour et Mort, elle la meneuse d’hommes en laisse qui fait des taches sur les garçons-en-bleu-et-les-filles-en-rose, elle la nomade qui sème chez les sédentaires la pagaille indispensable à toute fiction d’aventures réussie, elle la bretteuse qui donne tout son relief à la scène d’ouverture. Ladite scène d’ouverture est particulièrement soignée, d’ailleurs, d’autant que Robert Kirkman nous y réserve une bonne surprise. Cette surprise courra tout au long du volume : une utilisation judicieuse de la parole. Avec Michonne, ce que les personnages disent cesse de redoubler ce que les images montrent. Et puisque les dialogues cessent de ressembler à du bavardage, la tirade finale de Rick prend tout son poids, offrant le premier véritable morceau de bravoure de la série.


Quoique d’autres lecteurs assignent ce rôle à d’autres albums, je tiens ce volume 4 pour le véritable point de départ de Walking Dead : les enjeux en sont définitivement et formellement établis, les différends entre personnages y sont autre chose que de vagues jalousies psycho-domestico-sentimentales – car oui, finalement, même le meurtre fondateur de Shane en était réduit à cela… « Vous croyez que vous allez encore regarder la télé ? Aller à la banque ? Acheter des légumes ? Déposer vos gosses à l’école ?! Vous croyez ça ? Ça n’arrivera plus jamais ! […] On est entourés par les morts. On est parmi eux… Et quand on abandonnera… on deviendra comme eux. On vit à crédit. Chaque minute de notre vie est une minute qu’on leur vole. Vous les voyez, là, dehors. Vous savez que lorsque vous mourrez, vous serez l’un d’entre eux. Vous croyez qu’on se planque ici pour échapper aux morts-vivants ? Vous ne comprenez pas ? C’est nous, les morts-vivants ! » (p. 133 et 135-137) ; à ceci, Rick aurait pu ajouter : nous voilà – enfin ! – en terrain tragique !


Ça castagne pour de bon, du coup, tellement fort que ça en devient presque drôle – oui, les deux mâles alpha au tapis en même temps… D’ailleurs, Charlie Adlard semble plus à l’aise dans la représentation des scènes de violence – ses jeux sur le cadrage, notamment, leur ajoutent du dynamisme – que pour tout le reste : il y a toujours un ou deux passages où le goût du dessinateur pour le clair-obscur permet quelques réussites, mais c’est terrible de voir à quel point ce type est incapable de faire naître la moindre impression d’intimité – je ne parle même pas de sensualité… C’est peut-être encore pour ça que Michonne est une réussite.


Critique du volume 3 ici, du 5 .

Alcofribas
7
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le 18 févr. 2017

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