Croquant des scènes de vie quotidienne en une planche — deux au maximum — et au hasard des activités de l’auteur, le volume exploite le genre et ses limites, au premier rang desquelles l’intérêt variable des sujets : la Vie secrète des jeunes était à l’origine publiée dans en hebdomadaire, et on peut expliquer ainsi la présence de certaines planches un peu faiblardes. Mais globalement, l’unité de l’album est là : la prédominance de Paris, le trait de Riad Sattouf y concourent, ainsi que sa façon de filmer la laideur en gros plan et son goût pour les gens ordinaires, expression qui ici, et contrairement à diverses émissions de télévision diffusées par des chaînes dont je préfère taire le numéro, n’est pas synonyme de pauvres, de cas sociaux ou de beaufs. (À ce propos, c’est précisément quand il dessine des anonymes qu’il est le meilleur : son Charles Pasqua ressemble à Ariel Sharon.)
L’avant-propos est explicite, et l’auteur le rappelle à quelques reprises : « Tout est absolument véridique. […] Sur le papier, je remets complètement en scène l’histoire dont j’ai été le témoin. » Et le moins que l’on puisse dire, c’est que la vulgarité, la bêtise et la laideur sont partagées : du bobo arty à la nymphette en passant par la racaille de fast-food, le « gros-plein-de-fric » ou le touriste, personne n’est épargné. Évidemment, l’anonymat des personnages prête le flanc aux accusations de simplisme et de cliché. Mais peut-on ne pas être réducteur quand on s’inspire des documentaires animaliers ? Le vrai défi est plutôt de fixer en une dizaine de cases quelques instants de réalité crue ; Riad Sattouf s’en tire très bien.
Bien sûr, celui-ci aurait pu évoquer l’humanité dans ce qu’elle a de meilleur : il est rare qu’un individu soit constamment vulgaire ou stupide, et des accès de grâce peuvent survenir même chez le dernier des connards. Seulement, cela se produit rarement en public. Et n’est jamais drôle.

Alcofribas
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le 31 déc. 2015

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Alcofribas

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