C'est bien connu, les histoires de losers sont souvent...

C'est bien connu, les histoires de losers sont souvent les plus riches ou les plus drôles et donnent matière à toutes sortes de développements. L'histoire de Lupano et Rodguen n'en manque pas et offre avec cette histoire contemporaine de pseudo casse d'un fourgon blindé, une oeuvre pleine de justesse et d'émotion.


On devine assez facilement que l'objectif avoué va à coup sûr louper. Il faut dire, qu'en bons losers, Vincent et Gaby n'ont pas vraiment le profil des braqueurs de fonds inscrits au grand banditisme. Si on comprend les motivations de Vincent, la tête pensante du duo, à vouloir trouver les moyens d'échapper à son médiocre quotidien, on réalise vite que l'enjeu est surdimensionné par rapport à leurs capacités.


La question qui s'impose peu à peu au lecteur est celle de savoir comment tout cela va se terminer ? Au fil du récit, à mesure que l'on apprend à connaître les personnages, on finit par redouter une fin tragique pour Vincent et son pote. L'une des forces de cette histoire réside, en effet, dans le lien et l'attachement que l'on éprouve rapidement à l'égard de ces bras cassés. C'est bien connu, les losers sont souvent attachants.


Cette empathie est certainement développée par une narration à la première personne. C'est un procédé classique mais terriblement efficace. En plus de suivre les pérégrinations de Vincent, voilà sa réflexion livrée avec ses contradictions, ses doutes mais aussi toute sa naïveté et son authenticité.


Et de l'authenticité, ce récit n'en manque pas. Si rien n'est trop beau, rien, non plus, n'est trop misérable. Non pas que la misère des vies exposées ne soit pas grande mais les auteurs ont trouvés le bon équilibre pour ne pas plomber leur histoire d'un misérabilisme pesant. Les situations sont souvent drôles et les dialogues vifs sonnent justes avec beaucoup d'humour. C'est bien connu, les losers de fiction, avec leur côté anticonformiste, savent être de vrais rigolos dont le quotidien, pourtant des plus banals, ne cesse d'être illuminé.


Le rythme dynamique de l'histoire happe le lecteur et lui donne une envie irrésistible de connaître la fin de ce drôle de récit. On suit les traces de Vincent avec un intérêt aiguisé qui ne laisse pas indifférent. On se surprend à faire des commentaires, à houspiller Vincent face à ses projets incertains ou de l'encourager pour aller jusque au bout de ses motivations. Bref, on vit l'histoire et on vibre au rythme des séquences qui peu à peu nous laissent découvrir la vie de nos deux compères.


Pour obtenir un tel résultat, il faut une alchimie parfaite entre le dessin et le scénario. Le trait léger et vibrant de Rodguen colle alors parfaitement au contexte remuant de l'histoire. Pas de virtuosité, de cadrages complexes ou de panoramas exceptionnel (on notera toutefois la pleine page d'ouverture qui pose d'emblée le décor). Rien pour épater le lecteur, tout, en revanche, pour servir l'histoire.


La clarté de chaque scène est l'un des points forts du dessin. On ne se perd pas entre les personnages, tout le monde est facilement identifiable. Le mouvement des personnages est fluide et les expressions justes et variées laissent facilement deviner leurs différentes émotions. Et si justement le dessin ne prend jamais le pas sur l'histoire, c'est d'une part grâce à l'intelligence du dessinateur et à la solidité d'un récit qui n'a pas besoin d'artifices graphiques pour masquer ses faiblesses.


Des faiblesses, il y en a forcement avec quelques simplifications ou caricatures. Le concept freudien devenu depuis, syndrome hollywoodien - qui consiste à expliquer toute personnalité et situation comme une réaction à un trauma d'enfance - est également présent non sans une certaine tentative d'esquive assez habile. Oui, comme toujours si l'on creuse on trouvera quelques faiblesses mais ce récit est de la veine de ceux qui, lorsque on rentre dans l'histoire, n'en laisse transparaître aucun. Au lecteur de faire cet effort pour découvrir une histoire riche, sincère, dynamique et percutante.


La grande force de cette histoire qui repose pourtant sur une intrigue des plus classiques est d'offrir un traitement original, plein de finesse et de subtilité. C'est donc une multitude de thématiques qui sont alors mélangées habilement au sein d'un même album. On parle alors indirectement de l'héritage familial, de l'engagement et des responsabilités chez les jeunes adultes, des addictions, de la découverte du monde, de l'intégration sur fond de violences qui se veulent utiles et humanitaires selon un concept quelque peu utopiste de Vincent. Un inventaire riche et complet qui reflète la complexité de la vie.


C'est bien connu les histoires de losers sont souvent les plus riches. Celle-ci en est un belle exemple et une indiscutable réussite !

maPlaneteBD
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le 23 juil. 2015

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