"Que font ces larmes sur nos visages?"
« Plutôt » est une autre œuvre de l’auteur de « 20th century boys » et « monster ». Il s’agit là aussi d’un thriller à la différence que l’intrigue se passe cette fois dans un monde futuriste où les robots sont courants et se mêlent aux humains. On y retrouve les mêmes éléments : un mystère initial qui ne cesse de s’étoffer, plusieurs informations parsemées ici et là obligeant le lecteur à suivre avec assiduité pour recouper les indices, tandis d’autres éléments viennent s’ajouter compliquant encore l’affaire.
Villes suspendus, routes serpentant entre les gratte-ciels, communication holographique, l’aspect futuriste est notable, mais sans gêner pour autant l’identification. Sans se focaliser sur la thématique de l’intelligence artificielle et de toutes les questions autour, « pluto » amène le lecteur à réfléchir par lui-même. Non que ce ne soit pas intéressant bien au contraire, mais d’autres œuvres font ça très bien et ce choix n’est finalement pas plus mal.
A cette époque les robots sont plutôt bien acceptés, il n’est pas choquant qu’un couple d’humain adopte un enfant robot, ou inversement. La question de leur capacité à réaliser des activités propres à l’homme ne fait plus débat, même si certaines personnes les rejettent malgré tout. Il existe ainsi des robots policiers ou encore juges. Ils se sont si bien intégrés parmi leurs créateurs qu’ils commencent à penser comme eux. Tel robot fuyant les horreurs de la guerre et cherchant la paix dans la musique, l’autre dans une famille nombreuse à laquelle il est attaché, un autre encore découvrant des sentiments qu’il ne comprend pas vraiment, comme la solitude ou encore… la haine. Une approche intimiste qui entraîne un attachement à ces êtres.
Un mystérieux assassin a décidé de s’en prendre aux 7 robots les plus puissants du monde, ainsi qu’à d’autres personnes qui défendent leur cause. Est-il un robot ou un être humain ? Un robot ne peut normalement pas tuer des êtres humains, pourtant il ne reste aucune trace derrière lui. Et qui peut bien être assez puissant pour vaincre des robots conçus comme des armes de destruction massive ? Tout semble indiquer un rapport avec une ancienne guerre en Asie. Qui est derrière tout ça ? Un fervent détracteur des robots, un homme désireux de se venger des ravages de la guerre, un scientifique dérangé ? Il y a urgence car les robots sont détruits les uns après les autres, à peine le lecteur venait-il de s’attacher à eux. Cette menace plonge ces robots, leurs proches, leurs créateurs dans le désarroi. Gesicht est l’inspecteur en charge de l’enquête. Difficile de dire si son visage impassible est du à un manque d’émotions ou à une certaine lassitude. Mais un lourd secret entoure son passé qui semble avoir été effacé de sa mémoire. Face à pareil ennemi, faut-il le combattre sans hésitation, ou un dialogue est-il possible ?
« Pluto », c’est aussi une histoire à propos de la haine, qui peut affecter même les meilleurs, mais qui n’est jamais la solution.
Comme à son habitude, Urasawa distille les indices au compte-goutte, manie le suspens pour happer le lecteur, lui donnant tout juste ce qu’il faut pour étancher sa soif, en dévoilant peu à peu les motivations de l’ennemi. Une maîtrise manifeste mais à laquelle je n’adhère toutefois pas totalement. Quand certains indices sont dévoilés, on ne sait pas comment les intégrer, et trop de temps se passe avant que d’autres pièces du puzzle apparaissent, rendant compliqué les tentatives de compréhension. Au-delà de la frustration, cela donne une espèce de confusion. Heureusement « Pluto » ne dure que 8 tomes, et toute l’affaire est plus ou moins résumée à la fin. Cette contrepartie n’est donc pas trop rédhibitoire dans le cas présent. Mais pour cette raison je rechigne à me lancer dans « monsters », œuvre beaucoup plus longue. A dire vrai je garde surtout en mémoire la fin décevante de 20th century boys, où après un dernier rebondissement l’histoire avait perdue en intérêt (selon mon ressentit). Enfin c’est là une remarque qui ne diminue en rien la qualité de ce manga.
Urasawa applique ainsi son style narratif qui lui est propre à un récit plus orienté science-fiction, entre suspens et attachement aux personnages, d’autant plus quand ils ne sont pas humains.
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