Après le décevant Skyfall, Sam Mendes revient derrière la caméra et impose sa touche, en rendant l'histoire plus sombre et théâtral, tout en gardant son côté spectaculaire. Il renoue presque avec l'excellence du premier James Bond avec Daniel Craig : Casino Royale de Martin Campbell. Mais un scénario prévisible et un film qui s'étire sur la fin, le rende un brin indigeste.


La trame est classique : James Bond (Daniel Craig) va sauver le monde, tout en séduisant toutes les femmes qu'il va croiser et en éliminant les hommes qui se trouvent sur son chemin. Il va faire son petit tour du monde, conduire une belle voiture, boire des whiskys et porter de beaux smokings, sans jamais les froisser, ni salir, c'est la classe anglaise.


James Bond est immortel. Depuis 1962, il protège notre monde en prenant d'énormes risques, sans jamais avoir la reconnaissance qu'il mérite. Il peut se balader dans n'importe quelle rue, de n'importe quel pays, à n'importe quelle heure, on ne lui demandera jamais un autographe, ni un selfie, alors qu'il a fait plus pour nous en 53 ans, que n'importe qui (sauf Bill Murray, mais ceci est un autre débat). Il ne recherche pas la gloire, il le fait car c'est son devoir et il emmerde royalement les 35 heures, Emmanuel Macron est fan. Certaines personnes ne manqueront pas de signaler le fait, qu'il passe d'une femme à l'autre, en faisant preuve d'un machisme archaïque. Que c'est un alcoolique avec sa propension à vider des verres de whisky, comme il vide son chargeur sur des suspects, sans leur laisser le droit d'être jugé par une cour. Oui, James s'en tape des lois, il est juge et bourreau à la fois. C'est assez stressant d'endosser autant de responsabilités, on peut donc accepter le fait qu'il décompresse au volant d'une Audi, Jaguar ou Aston Martin, en faisant exploser le compteur de vitesse en ville et ailleurs. Tout comme il détruit des hélicoptères, avions, maisons, ponts, etc.... car il fait tout ça pour que nous puissions vivre dans un monde meilleur, merci James.


La scène d'ouverture ne déroge pas à la règle. Sam Mendes nous gratifie d'un superbe plan séquence en plein jour des morts à Mexico. La foule est dense, mais un homme vêtu de blanc pourfend la foule à contre-sens. James Bond se lance à sa poursuite, mais à sa manière, en accompagnant une belle jeune femme dans une chambre d’hôtel, avant de mettre en branle; non pas le sommier; mais la ville.
C'est sa marque de fabrique, en mettre plein les yeux dès le début. Ce n'est pas tout à fait réussi, comme le générique où il faut supporter la pop sirupeuse et fade de Sam Smith. Mais grâce à la réalisation; son atout majeur; la photographie et lumière, on reste captiver par sa nouvelle mission.


Daniel Craig est impeccable. Le film fait de nombreuses références aux précédents James Bond, le fait que le Spectre soit de retour, en est la principale raison. On pense à Permis de tuer, où James utilise ce droit contre l'avis de M. Ici, il est de nouveau seul contre tous, ou presque. Son charme et son inébranlable confiance, lui permet de fédérer les plus fidèles serviteurs de sa royale majesté, à sa cause.


La rencontre avec Lucia Ciarra (Monica Belluci) est le moment sensuel du film, mais il est aussi bref que frustrant. Cela ressemble surtout à une succession de scènes plus ou moins réussies, avec une dose d'érotisme, d'action et d'humour. En dehors de la réalisation, c'est son humour proche de l'autodérision, qui rend le film plus digeste. Ses rapports avec Q (Ben Whishaw) où le jeu de séduction avec Eve Moneypenny (Naomie Harris), offre un peu de légèreté, alors que l'on se trouve dans une tragédie grecque. La première apparition de Franz Oberhauser (Christoph Waltz) est en cela remarquable. C'est la meilleure scène du film, où Monsieur Hinx (Dave Bautista) fait aussi son entrée dans un rôle muet, qui rappelle Oddjob (Harold Sakata) dans Goldfinger. Le "coucou" de Franz Oberhauser sortant de l'ombre, résonnera longtemps aux oreilles. Le film est enfin lancé, pas que les débuts soient poussifs, mais avec cette scène, on touche à la perfection.


On passe de Mexico, à Londres, puis de Rome à Rabat, en faisant un détour par l'Autriche. Des montagnes enneigées au désert, dans une succession de plans magnifiques. Les personnages sont plus fouillés, ils ont plus de présence et ne servent pas seulement de faire valoir. Christoph Waltz est un grand méchant en succédant avec classe à ce cabotin de Javier Bardem. Sa présence se fait rare, on l'attend avec impatience et dès qu'il est là, tout devient bien plus passionnant. Même Léa Seydoux n'est pas pénible, surement le plus grand exploit du film. Bien sur, tout n'est pas parfait, à l'image d'Andrew Scott dont le personnage ne souffre d'aucune ambiguïté. Il en va de même pour les moments forts, où le méchant se retrouve au sol. Soit cela se traîne, soit cela se règle en un battement de paupière. Puis ce besoin de vouloir en faire trop, que cela soit dans les scènes d'action où dans cette envie d'étirer l'intrigue, avec des rebondissements peu enthousiasmants, c'est un peu ennuyeux.
Pourtant le film se veut plus réaliste avec une absence de gadgets, ou presque. En étant plus en phase avec son temps, où le pouvoir s'exerce dans le contrôle des renseignements. Mais le scénario ne brille pas par sa subtilité. En même temps, c'est un James Bond, on sait à quoi s'attendre. Le cahier des charges est bien rempli, on a notre quota de morts, d'explosions, de poursuites, d'incohérences, de punchlines et de séduction. On oubliera pas Monica Bellucci abandonnée sur son lit, ni le seul mot prononcé par Dave Bautista. Cela démontre bien que le film fonctionne par séquences et non sur la longueur. Pour autant, c'est un bon James Bond.


Sam Mendes peut partir la tête haute et revenir à des films plus intimistes, mais plus intéressants. Il n'a pas perdu son talent dans la grosse machine Bondienne. C'est un bon crû, largement supérieur au désastreux Quantum of Solace et au pompeux Skyfall. James Bond revient en grande forme, pour le plaisir de chacun.

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7
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le 11 nov. 2015

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Laurent Doe

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