Difficile de se convaincre que 99 Francs n'est pas non plus qu'une simple branlette marketing, exactement comme celles qui sont pourtant tant décriées par le film lui-même. Ce dernier est d'ailleurs souvent ponctué de séquences complètement loufoques, vraiment drôles au demeurant, mais qui relèvent plus effectivement du délire d'acteur ou de metteur en scène. Je pense aux plans sous acide ou à la séquence du tournage à Miami. Ils ont voulu se faire plaisir et ça se ressent, positivement, pendant presque deux heures. Cependant on ne peut s'empêcher de se demander si tout ça a réellement un sens, est-ce qu'il faut bien prendre au premier degré ce message qui se veut une critique ouverte du monde de la publicité ? La question de la légitimité du message lui-même me paraît d'autant plus centrale que, à chaque fois qu'on voit Jan Kounen ou Jean Dujardin sur un plateau de télévision, faire la promotion de leur dernier long métrage, l'un des premiers arguments qu'ils déballent est : on a eu toutes les difficultés du monde à boucler le financement, les grands mécènes traditionnels (les chaînes de télévision) étant plus que réticents à produire une œuvre qui crache dans la soupe, dans les écrans de réclame après le journal télé, dans le temps de cerveau disponible. Comme si cette satisfaction presque prétentieuse, notre film dérange, personne n'en veut, suffisait à le justifier. Or d'une part le film existe bien, Canal+ y est finalement allé de son chèque, preuve qu'il ne gêne pas tant que ça, d'autre part quand on retourne contre lui ses propres arguments, on conclut que sa cible se veut définitivement la plus large possible. Ça reste une comédie un peu trash, mais qui dans le ton des productions actuelles ne fait pas trop tâche. Le casting lui-même est consensuel au possible, lisse, beau, télégénique. Difficile alors de jouer le pari de la dénonciation de la société de consommation tout en ne paraissant soi-même qu'un coup médiatique. Mais sans doute ai-je donc tort de trop intellectualiser le propos, peut-être ne faut-il pas y chercher ce brûlot anti capitaliste que l'équipe cherche absolument à nous vendre. Ne s'agit-il au fond que d'une comédie grand public de plus, encore une fois assez réussie ? Après tout elle fait aussi la part belle à une mise en abîme assez plaisante, frisant même l'auto-dérision, allant jusqu'à mettre en scène la future mise en vente du DVD, que j'imagine, elle aussi, bien réfléchie en terme de positionnement commercial. Quant à moi, je conclurai cette branlette verbale par ce constat, qu'à l'instar de 99 Francs, le système sait aussi générer son propre semblant d'autocritique, afin de contenter ses membres les plus réfractaires ; autocritique qu'il digère cependant, dilue et noie dans le flot constant de ses circonvolutions molles ; autocritique qui le rend alors plus fort, plus résistant aux attaques.

Comme un bon dentifrice.

Non, je n'ai pas lu le bouquin.
billy_costigan
5
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le 5 janv. 2011

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billy_costigan

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