A Scanner Darkly est un long métrage de science-fiction américain réalisé par Richard Linklater, cinéaste connu pour des films tels que Tape, Waking Life ou encore ceux de la trilogie des Before étalés sur toutes sa carrière. Et plus récemment, une œuvre d’envergure dont vous avez certainement entendu parler, BoyHood, dont le récit a été filmé sur 12 ans avec les mêmes acteurs du début jusqu’à la fin.


Adapté d’un roman de Philip K. Dick, auteur qu’on ne présente plus tant il est célèbre de par le monde et adapté dans absolument tous les formats, A Scanner Darkly marque un point d’orgue dans le cinéma de science-fiction, le cinéma en général et plus particulièrement les adaptions de bouquins sur grand écran puisqu’il en est une excellente.


Le film est sorti le 25 mai 2006 à l’occasion du festival de Cannes puis au mois de septembre dans les salles obscures.


Dans un futur proche, les États-Unis ont perdu la guerre contre les narcotrafiquants. Depuis, de nouvelles drogues telles que la Substance D voient le jour et sont distribuées sur les marchés clandestins, ce qui implique une réponse du gouvernement. En effet, pour coincer les vendeurs, acheteurs et consommateurs, un genre de super brigade des stups est créée avec pour mission invasive de surveiller la population 24/7, faisant passer la récente loi sur le renseignement français pour une vaste blague. Résultat : tout le monde est fiché, mis sur écoute, soumis à des contrôles d’identité réguliers par des agents portant sur eux des combinaisons de brouillage afin que personne de découvre leur identité.


Bob Arctor (Keanu Reeves), le personnage principal, mène une double vie puisqu’il est à la fois un junkie accro à la Substance D et un agent de la brigade des stups. Son supérieur lui apprend que son refuge est truffé de micro et de caméras depuis déjà des années. Et comme si cela ne suffisait pas, il est chargé de s’espionner, se piéger lui-même ainsi que ses camarades : Barris (Robert Doney Jr.) et Luckman (Woody Harrelson) dont la fournisseuse en Substance D est Donna (Winona Ryder), la petite-amie de Bob.


A Scanner Darkly n’a pas les contours d’un film de science-fiction classique puisque le trafic de drogue, les hallucinations provoquées par celle-ci et la brigade des stups qui met tout en œuvre afin d’arrêter les trafiquants sont tant d’éléments scénaristiques réalistes. D’ailleurs, à ce titre, beaucoup considèrent que le roman d’origine de Phillip K.Dick est plus un roman d’anticipation que de science-fiction. Pourtant le roman et le film traitent de la distorsion de la réalité ce qui clos le débat de suite : il est bel et bien question de science-fiction.


Pour représenter concrètement la distorsion de la réalité, Richard Linklater a utilisé la rotoscopie. Brevetée par les réalisateurs et producteurs américains Dave et Max Fleischer en 1917, cette technique consiste à relever image par image la forme et les actions d'une figure filmée avec une caméra pour les retranscrire ensuite en animation.


Grâce à une scène d’introduction d’anthologie, on sait dès le début qu’il va être question d’apparences trompeuses et de réalité biaisée. On se doute que mensonge et conspiration seront au cœur de l’intrigue. Ce qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler la trilogie Matrix de Lana et Andy Wachowski où l’on révèle au héros, également interprété par Keanu Reeves, que sa vie n’est qu’un mensonge, un leurre, une simulation.
Mais là où le héros de Matrix entame une quête spirituelle pour en finir transcendé, espoir de tout un peuple qui n’a jamais cessé de croire en lui, Bob entame plutôt une bonne vieille descente aux enfers des familles. Les effets de la substance D portant préjudice à son intégrité mentale. Il prend conscience que ses deux hémisphères cérébraux sont en perpétuel conflit. Il ne sait plus qui il est, oublie jusqu’à sa propre identité, ses origines ! Le scanner qui étudie scrupuleusement sa vie ne voit plus en lui que du terrorisme et non de l’humanité. Ce qui nous ferait nous demander « voit-il clairement ou obscurément en la race qui l’a créé ? » A Scanner Darkly est chargé d’un symbolisme poussé qu’il n’est pas aisé de saisir au premier abord alors vous devrez vous y reprendre à deux fois pour y parvenir.


La science-fiction n’est pas un genre de geek attardé. C’est un genre extrêmement riche et intelligent pour peu qu’on y mette des trucs biens et grâce auquel on peut comprendre plein de choses, aborder plein de sujets, plein de thématiques. Moi-même, dans mon court métrage de science-fiction Empathie d’un corps artificiel, sans prétention aucune, j’ai essayé de lui apporter un peu de fraîcheur mais aussi et surtout ma propre sensibilité. Et croyez bien que c’est ce que font beaucoup de vrais cinéastes.


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le 7 juin 2015

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AnarchikHead

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