Il n'y a pas de suspense dans À perdre la raison. Connue dès le début, l'issue fait froid dans le dos. Sa mise en exergue finale, habilement mise en scène, clôt un récit méticuleux et subtil particulièrement anxiogène.

Lent cheminement de la lumière aux ténèbres, l'histoire de Murielle qui se jette avec le sourire dans ce qui deviendra sa prison, est une description presque clinique d'un état dépressif se transformant en profonde dépression. On avance petit à petit, comme elle, sentant dès le départ que rien n'ira, sans savoir vraiment comment ni pourquoi. Certes, le docteur Pinget est omniprésent (et quasi omnipotent), certes son influence sur Mounir est grande, mais tout demeure si feutré et poli que la situation peut sembler sécurisante.

Le scénario est infaillible et l'interprétation parfaite. Nils Arestrup est tout aussi doucereux qu'inquiétant. Tahar Rahim offre sa justesse à un personnage bien plus difficile à faire vivre qu'il y paraît. Emilie Dequenne, quant à elle, porte Murielle et tout le film avec un oubli de soi particulièrement impressionnant : elle est bouleversante.

Peu de plans larges, un cadre jamais vraiment précis mais qui enferme, la mise en scène de Joaquim Lafosse, si elle s'est améliorée depuis le raté Ça rend heureux, ne réussit pas à s'imposer. Elle reste juste mais attendue. Ne se démarquant jamais de la figure imposée par son sujet, elle ne crée pas la surprise. On peut justifier cette mise en retrait par la force de l'histoire (qui se suffirait à elle-même) ou l'interprétation des acteurs (qui seraient le cœur du film), on peut aussi regretter que Lafosse n'ose pas davantage en prenant le parti de ne jamais nous brusquer.

À perdre la raison n'en demeure pas moins un film intelligent et juste, porté par une Emilie Dequenne magnifique et terrible.
pierreAfeu
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le 3 sept. 2012

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pierreAfeu

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