Ce pourrait être une fable de La Fontaine singée par une piètre plume, ou un récit à la Sade par un vain libertin, ou du Labiche sauce maigre, et qui s’appellerait Le vit, le con et l’ingénue, où donc le vit cogite, le con se tâte et l’ingénue ne sait plus. Soit Micha (le vit) et Charlotte (le con), un couple mignon tout plein en mode «Je t’aime moi non plus» avec, au milieu, Mélodie (l’ingénue), la meilleure copine. Celle-ci aime Charlotte, qui aime toujours Micha, et aime Micha également qui, lui, aime Mélodie tout en étant toujours gaga de Charlotte (ça suit encore ?). Ce pourrait être du Feydeau aussi, ou du de Musset, ou du Marivaux, ou du AB Productions. Des jeunes qui se bécotent et qui tergiversent, à deux ou à plusieurs, les mains baladeuses, la langue frétillante et le regard épris.

Sauf que leurs oscillations amoureuses, insipides, ne passionnent guère, et c’est quand ces trois-là se décident à passer aux choses sérieuses que le film devient vraiment intéressant, mais alors on est presque à la fin, et alors il est trop tard, et donc on s’en fout. Ces atermoiements légers, entre vaudeville, comédie et ton plus grave, traînent en longueur en plus d’être assez inconséquents au regard des enjeux du film (le feront, le feront pas ? S’aimeront-ils à deux ou à trois ? L’amour trilatéral est-il possible ? Il est où le bonheur ?). On pense alors aux réussites qu’ont été, sur un sujet quasi similaire, Jules et Jim, Love, etc. (qui, lui aussi, se terminait sur une plage), Happy few ou Les amours imaginaires.

Des films qui savaient emporter le spectateur dans le tourbillon d’un amour singulier, toqué, pur et se jouant des conventions socio-sexuelles, que ce À trois on y va s’épuise à figurer, à profiler ou donner chair, et qui ressemble a du Rohmer light, très light, ou du Eustache pour les nuls (1h30 de ça, c’est plus facile à encaisser que les 3h40 de La maman et la putain). Heureusement il y a la fougue et la fraîcheur des trois comédiens, la beauté cash de Sophie Verbeeck, la grâce candide d’Anaïs Demoustier et le charme pétillant de Félix Moati. Quand ils se fondent et s’emmêlent, quand ils dansent ensemble, s’habillent et se maquillent mutuellement dans la voiture, courent et s’embrassent face à la mer, sous la lune, c’est beau. Mais ce petit traité de transgression sentimentale, enfin enclenché, revient trop vite dans le «droit chemin» avec ce final conformiste et décevant dont Bonnell semble se défendre, et même assumer, et on aurait préféré un peu plus de piquant, plus de fantaisie et de corps dans ce gentil marivaudage à la morale falote, mais à l’indéniable capital sympathie.
mymp
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le 20 mars 2015

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mymp

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