Contrairement à ce qu'on pourrait penser, Tim Burton est loin d'être le principal responsable de la plus grosse déception cinématographique de 2010 qu'était Alice au Pays des Merveilles.
Le projet est en effet évoqué en 2007 quand les producteurs Joe Roth, Suzanne Todd, Jennifer Todd et surtout la scénariste Linda Woolverton sont engagés par Walt Disney Pictures pour mettre en place une nouvelle adaptation du roman de Lewis Carroll.
Aux premiers abords, l'idée de réadapter le bouquin est alléchante, la vision qu'en avaient tiré Walt Disney et ses équipes en 1951 nous ayant livré un de leurs meilleurs dessins animés.


Malheureusement, les studios ont oublié un détail important. Ils ont confié l'écriture du film à une scénariste qui n'a plus rien écrit en 15 ans que ça soit pour la boîte ou pour n'importe quel autre studio concurrent. Si ce n'est pas une manière objective d'affirmer que la réadaptation sera obligatoirement de la merde, il y a quand même de quoi avoir quelques frayeurs. Et ces craintes se sont malheureusement justifiées.
Linda Woolverton a beau nous avoir écrit La Belle et la Bête et Le Roi Lion, il y a une différence entre scénariser un dessin animé et un film en images réelles. D'autant qu'elle n'avait finalement pas grand chose à faire, La Belle et la Bête restant très fidèle aux différentes versions proposées au cinéma et Le Roi Lion ayant de nombreuses ressemblances douteuses avec Le Roi Léo (et elle n'était d'ailleurs qu'une des trois scénaristes à bosser sur le film).


Et Tim Burton dans tout ça?
Et bien, il ignore encore qu'il sera impliqué dans ce projet. Ce n'est qu'à la fin de l'année 2007 qu'il signe un contrat avec Disney pour réaliser deux films produits par le studio en 3D dont cette réadaptation d'Alice. Le scénario étant déjà écrit depuis des mois et sans avoir en tête que Burton sera à la réalisation, le metteur en scène, tout juste sorti de Sweeney Todd, ne corrigera absolument rien de l'histoire. Dès lors, on peut déjà comprendre quel sera le problème majeur du film.


Alice au Pays des Merveilles est un film en roue libre. Tout le monde parmi l'équipe semble perdu et les différentes visions ne s'accordent pas du tout les unes avec les autres.
Cela se ressent déjà du point de vue visuel où, bien que Burton ait cette fois un vrai contrôle artistique, les effets spéciaux ont particulièrement mal vieilli. Ce qui passait plutôt bien en 2010 est aujourd'hui affreusement laid.
Je ne sais pas si Disney a forcé Burton à tourner la quasi-totalité du film en studios avec des fonds verts ou si cette décision vient uniquement de Burton mais ça ne marche pas. Le réalisateur n'est pas du tout dans son élément et dès lors, Le Pays des Merveilles n'a aucun charme. Le spectateur n'y croit jamais.


En voulant tout faire en numérique, le casting se retrouve autant paumé que le réalisateur lui-même.
Tout le monde part dans son propre délire. Il n'y a aucune direction d'acteur.
On a d'un côté ceux qui font tout simplement n'importe quoi, Johnny Depp et Helena Bonham Carter en tête, et ceux qui tentent de rester sobres à la manière de Mia Wasikowska.
Dans le premier cas, les deux acteurs fétiches de Burton sont tellement habitués à jouer les tarés qu'ils sont finalement plutôt sympathiques voire drôles, mais dans le deuxième cas, l'actrice d'Alice peine à être crédible. Ironique que le rôle auquel on assimile directement Wasikowska soit pourtant le moins bon de toute sa carrière., l'actrice ayant montré son vrai talent par la suite.


Et histoire d'enterrer une bonne fois pour toutes le film, la scénariste n'a absolument rien compris à ce qui faisait toute l'identité et la force du Pays des Merveilles.
Même en essayant d'accepter le fait que Woolverton transforme Alice au Pays des Merveilles en gros mixage entre Le Monde de Narnia et Oz, un Monde Extraordinaire (production Disney que je vous recommande fortement. En tout cas, un bien meilleur Alice que ce Alice), sa vision n'a aucun sens.


Linda Woolverton se croit intelligente en voulant en faire un film d'action fantastique mais elle écrit pourtant ses personnages comme s'ils étaient réellement fous (Le Lièvre de Mars n'a quasiment aucune parole censée durant tout l'histoire et est pourtant engagé dans le combat contre La Reine Rouge au point de participer à la bataille finale) tout en essayant d'inclure une intrigue cohérente et crédible. Je ne sais pas si on peut encore plus pisser sur la mémoire de Lewis Carroll. Ah si. Je viens de trouver. En confirmant que le Pays des Merveilles existe réellement. Ce que fait ce film. Quelqu'un veut un mouchoir?


Cela résulte en une succession de scènes totalement stupides voire inutiles (


la scène de la décapitation du Chapelier Fou, mais quel est son plan? Pourquoi faire durer cette scène? Comment le Chat peut-il prendre l'apparence du Chapelier? Chose qu'on ne reverra jamais par la suite? D'où sort tout ça?


) et le niveau de crétinerie ne cesse de grimper au fur et à mesure que l'histoire avance. On se demande même pourquoi Alice en arrive à combattre un dragon. Quel est le but de cette évolution? Quel est le rapport avec ce qu'elle vit? Quel est le rapport avec sa première venue au Pays des Merveilles?


Avec autant de mauvais choix artistiques et scénaristiques, il est très difficile de se souvenir des bonnes choses qu'offre cette réadaptation.
À son crédit, de bonnes idées surgissent de temps en temps dans le film. J'apprécie sur le papier la possibilité qu'Alice revienne au Pays de son enfance des années plus tard, cela peut offrir des possibilités intéressantes. Même si celles-ci sont totalement absentes dans ce long-métrage.
Je dois également avouer que j'ai globalement apprécié le travail de Danny Elfman à la bande-originale. Bien que les accompagnements soient de la repompe (le thème de L'Étrange Noël de Mr. Jack arrivant lors de l'apparition du Château de la Reine Rouge), le thème principal qu'il a créé est très mémorable et correspond à merveille à l'univers si étrange du Pays des Merveilles.


Si Alice au Pays des Merveilles n'est pas le navet que plusieurs décrient, il n'en reste pas moins une très grande déception.
Alors qu'en toute logique, combiner Tim Burton et un sujet pareil, cela aurait pu nous offrir une adaptation extrêmement marquante. Mais le réalisateur en question n'a malheureusement pas pu sauver ce film de la noyade tant les moyens employés pour le mettre en images ont été les mauvais et qu'il n'a été au final pris que comme un simple faiseur. La faute revient avant tout à sa scénariste qui a massacré à elle-seule l'univers de Lewis Carroll (et qui s'apprête à en massacrer un autre 4 ans plus tard, j'y reviendrai dans une autre critique).


Dur dans ces conditions d'être optimiste à l'idée que cette tâcheronne revienne pour sa suite: Alice de L'Autre Côté du Miroir qui sortira dans nos salles dans 2 mois.
Tim Burton, heureusement, se rattrapera chez Mickey avec un retour aux sources bienvenu à travers Frankenweenie. Comme quoi, l'espoir n'est pas perdu.
Ce qui aurait pu être un grand Disney Live n'est au final qu'un film bancal et mal écrit. Il y avait mieux à faire.

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le 29 mars 2016

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Walter-Mouse

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